SERIE (2/5). Notaire
honoraire, chroniqueur, médiateur judiciaire, musicien… Jacques Benhamou est ce
que l’on appelle un touche-à-tout ! Après avoir tenu une étude notariale
pendant près de 40 ans, ce saxophoniste à la verve inspirée et aux journées
bien remplies garde du temps pour se consacrer à sa passion de toujours :
le jazz.
Ils ne font pas que du
droit !
Cet été, le JSS vous
propose de partir à la rencontre de professionnels du droit dont le quotidien
ne se résume pas qu’à la robe, à la rédaction d’actes ou au Code civil !
Artistes, sportifs ou musiciens… Découvrez une autre facette de ces
passionnés à la double vie.
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Oubliez cette image
poussiéreuse du notaire rigide, assis derrière un bureau austère, plongé dans
des actes à longueur de journée. C’est sur scène, dans un studio de radio, derrière
un micro ou à la cour d’appel de Paris que vous trouverez Jacques Benhamou. A
83 ans, le notaire honoraire le martèle, il n’est pas question pour lui de
s’arrêter. La retraite « assis devant la télé » ? Très
peu pour lui. Un mantra le guide : « La vie, c’est comme le vélo,
tant que vous pédalez, le vélo tient la route ! » Son engouement
est communicatif, et l’on comprend que Jacques Benhamou n’est certainement pas
du genre à se laisser aller. « La vie, il faut la remplir. Je ne
supporte pas l’ennui ».
…Des paroles qu’on n’osera
pas remettre en doute. Fondateur des Rencontres notariales de Maillot,
président d’honneur du Mouvement jeune notariat, Jacques Benhamou est également
animateur radio et consultant pour plusieurs médias. « Le journalisme a
longtemps été mon rêve, vous savez », confie-t-il. On peut aujourd’hui
entendre ses chroniques dans les émissions de la RCJ, notamment « Un
notaire vous répond ». Jacques Benhamou apporte également son expertise
notariale dans le talk-show « Ça peut vous arriver » de Julien
Courbet. Mais, musicien de jazz depuis de nombreuses années, c’est en jouant sur
scène que Jacques Benhamou trouve son plus grand bonheur.
Entre deux émissions ou
médiations judiciaires pour le tribunal de Paris, le notaire se produit très
régulièrement sur les petites scènes ou dans les soirées jazz de la capitale, notamment
avec son orchestre, le Five O’clock jazz group, créé en 1986. Avec délectation, il accepte de se replonger dans le passé : « On a
beaucoup tourné depuis, on était très sollicités ! Nous avons joué dans le
monde entier, souvent pour des ambassades. Bangladesh, Ouzbékistan, Birmanie… J’ai
aussi rencontré de grands jazzmen de l’époque. Nous avons été invités dans une émission
de Bernard Pivot. C’était super de jouer sur son plateau. »
Une archive de « l’Ecole
des fans », de Jacques Martin, permet aussi d’avoir un aperçu du talent de
ces « musiciens amateurs », accueillis comme des célébrités
par le présentateur phare. A la clarinette, un directeur commercial, au banjo
et à la batterie, deux professeurs, et au piano et à la contrebasse, deux
étudiants en droit… Les téléspectateurs font la connaissance de ce jazz group
pas comme les autres, qui jouent, sur le plateau coloré, « Les copains
d’abord » de Brassens, puis des classiques de Frank Sinatra.
« Certaines personnes
font du tennis ou du golf, moi, ça a toujours été le jazz »
Une question nous vient. Comment
trouve-t-il le temps de faire tout cela ? « J’ai beaucoup de
chance, je ne dors que trois ou quatre heures par nuit, sourit-il. Certaines
personnes font du tennis ou du golf, moi, ça a toujours été le jazz. »
Jacques Benhamou l’assure : sa « double vie » n’a jamais empiété
sur sa vie professionnelle. « Pas une fois, ça n’a porté atteinte à mon
activité. Tous les musiciens du groupe ont travaillé : ingénieur
informaticien, expert-comptable... Aujourd’hui, on continue à se produire un
peu partout ! Nous faisons aussi des croisières. On joue pour les clients
du Club Med, souvent dans les Caraïbes. »
La passion pour la musique
l’anime « depuis tout petit », raconte-t-il. Le saxophone, son
instrument phare, il l’a « appris tout seul ». « Quand
j’ai commencé, mes parents avaient peu de moyens », se souvient-il. « Le
saxophone est un instrument très facile à apprendre, à la portée de tous. Je
m’entraînais pendant les vacances ! Et très rapidement, j’ai pu jouer avec
des camarades de mon âge. »
C’est pendant ses études de
droit, à Clermont-Ferrand, que Jacques Benhamou monte son premier petit
orchestre. « J’y ai rencontré un jeune accordéoniste, et mon frère
jouait de la batterie », décrit le musicien. « Grâce à nos
concerts, on pouvait aider nos parents, qui étaient très modestes. »
« Le droit et la
musique ont ce point commun, cette envie d’aller vers les autres »
La vie de Jacques Benhamou a
commencé de l’autre côté de la Méditerranée, au Nord-Ouest de l’Algérie, à
Tlemcen plus exactement. Avant d’atterrir en France avec sa famille, en 1961,
le jeune homme s’est d’abord tourné vers le journalisme, sa première vocation. Tout
jeune, il a exercé sa plume au quotidien « Oran Républicain ». C’est
son père qui l’a dissuadé de poursuivre dans cette carrière. « Quand je
lui ai dit que je voulais être journaliste, il m’a dit que c’était une très
mauvaise idée », poursuit Jacques Benhamou. Le jeune homme s’est alors
décidé pour des études de droit. « Je n’ai jamais regretté ce choix ! »
Son étude notariale, il l’a
dirigée pendant près de 40 ans, avec une véritable envie de faire évoluer son
métier. « J’ai été l’un des premiers à me battre pour les droits
successoraux des époux, j’ai même écrit au gouvernement, à l’époque, pour faire
changer la loi », relate-t-il aujourd’hui. « Le droit est une
passion. J’ai eu du temps pour ma famille, et j’ai toujours eu cette envie
d’aller vers les autres. » Clermont-Ferrand, Paris,
Charly-sur-Marne : les villes passent, les déménagements se succèdent, mais
la passion du jeune notaire pour le jazz reste : « Malgré mon
travail qui me prenait beaucoup de temps, je n’ai jamais arrêté le ‘sax’ ! »
Bien que les passerelles
entre le droit et la musique ne soient pas évidentes à trouver, Jacques
Benhamou y décèle un point commun : « Ce sont deux activités
différentes, mais ce sont mes deux passions. »
Le notaire explore aussi à
travers la musique son « goût pour le partage, cette envie d’aller vers
les autres. Certains de mes clients connaissaient ma vie de musicien et
venaient même me voir en concert ! On aide énormément de gens
par l’écoute, dans un bureau comme sur scène. C’est quelque chose que je
regrette : aujourd’hui, plus personne ne s’écoute. Mais tant que je suis
là, je ne m’arrêterai pas ! ».
Mylène
Hassany