JUSTICE

La CJUE transfère une partie de sa compétence préjudicielle au Tribunal de l’UE

La CJUE transfère une partie de sa compétence préjudicielle au Tribunal de l’UE
L'institution restreindra également l'admissibilité des pourvois
Publié le 12/08/2024 à 17:07
Les questions liées à la TVA, aux droits d’accise ou encore au Code des douanes passeront au 1er octobre dans l’escarcelle de la juridiction de droit commun. L’opération devrait déboucher sur un délestage de 20% du volume de renvois préjudiciels traité par la Cour, qui pourra ainsi se consacrer à l’examen des dossiers les plus complexes.

Le fardeau était trop lourd à porter. A partir du 1er octobre prochain, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) transférera au Tribunal de l’UE une partie des questions préjudicielles qui lui sont transmises par les juridictions nationales, en vertu d’un règlement du Parlement européen et du Conseil paru le 12 août au Journal officiel de l’UE.

Ce passage de flambeau vise à délester la CJUE, qui fait face à un « nombre élevé de demandes de décision préjudicielle […], mais également à la grande complexité et au caractère particulièrement sensible d’un nombre croissant de questions » portées devant la juridiction, justifie l’UE. Ce qui, mécaniquement, allonge les délais de traitement, qui cascadent en retour sur les procédures instruites par les juridictions nationales.

Or, les demandes préjudicielles « doivent être traitées rapidement » pour « garantir le droit à un recours effectif » affirment les institutions communautaires. La Cour indique dans un communiqué que l’opération devrait la décharger de 20 % du volume des renvois préjudiciels qu’elle traite.

Six matières concernées

Les matières sur lesquelles sera dorénavant amené à se prononcer le Tribunal de l’UE dans le domaine préjudiciel ont été soigneusement choisies. Pour des raisons de « sécurité juridique », elles sont « clairement circonscrites et suffisamment détachables d’autres matières », et ont fait l’objet d’un important corpus de jurisprudence de la CJUE de nature à guider la juridiction de droit commun dans sa nouvelle mission.

Six domaines sont ainsi concernés : le système commun de taxe sur la valeur ajoutée, les droits d’accise, le Code des douanes, le classement tarifaire des marchandises dans la nomenclature combinée, l’indemnisation et l’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement ou de retard ou d’annulation de services de transport, ainsi que le système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre.

La CJUE reste toutefois compétente pour toutes les questions préjudicielles qui se trouvent au carrefour d’une de ces matières et d’une autre qui relève de son domaine. Elle se réserve aussi les demandes préjudicielles liées à ces six champs qui soulèvent des questions indépendantes d’interprétation relatives au droit primaire, au droit international public ou aux principes généraux du droit de l’Union.

La Cour tranchera si telle ou telle question préjudicielle doit être traitée par elle ou le Tribunal de l’UE, et non les juridictions de renvoi. Les motifs de l’attribution de la demande préjudicielle à la CJUE ou au Tribunal de l’UE seront exposés dans la décision par la juridiction qui en aura pris la charge.

Le mécanisme de restriction des pourvois étendu

Afin d’assurer que ce report de charge ne se traduise pas par une avalanche de pourvois qui ruissellent sur la CJUE, et que celle-ci puisse se consacrer « aux questions de droit importantes », les autorités européennes étendent également le mécanisme d’admission préalable des pourvois en vigueur à la Cour.

Depuis le 1er mai 2019, les pourvois dans des affaires qui ont déjà bénéficié d’un double examen par une chambre de recours indépendante d’un organe communautaire puis le Tribunal de l’UE ne sont d’office pas admissibles devant la CJUE. Au nombre de quatre et statuant sur un nombre restreint de thématiques (la propriété intellectuelle et les substances chimiques, notamment), ces chambres passeront à dix avec le nouveau règlement, avec l’entrée d’acteurs tels que l’Autorité européenne des marchés financiers basée à Paris, ou bien l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer installée à Valenciennes.

Le nouveau règlement apporte enfin d’autres modifications d’ordre général à la procédure préjudicielle, dont la notification obligatoire au Parlement européen, au Conseil et à la Banque centrale de toutes les demandes. En outre, l’ensemble des mémoires ou observations écrites déposés par un intéressé dans le cadre de ces procédures seront publiés sur le site de la CJUE après la clôture de l’affaire, à moins que le contributeur ne s’y oppose.

Nicolas Turcev

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