Alors que le marché de
l’immobilier est dans la tourmente depuis le début de l’année, celui des SCPI subit
lui aussi de nombreuses turbulences. Pourtant, d’après Clément Renault,
fondateur du courtier en ligne en SCPI Louve Invest, les sociétés de gestion
possèdent un matelas de sécurité confortable, et les conditions de marché pour
les jeunes SCPI sont « extrêmement favorables ».
La tempête est-elle enfin
passée pour les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ? Depuis
le début de l’été, le secteur de la pierre-papier subit une crise importante.
En cause : un marché de l’immobilier qui tourne au ralenti du fait de la
très forte hausse des taux directeurs des principales banques centrales, ayant
entraîné une hausse des taux de crédit. « On était à une période de
taux extrêmement bas qui avait duré depuis la fin de la crise financière de
2008, avec des taux qui approchaient le zéro depuis 2016 pour la Banque
centrale européenne (BCE), et puis une remontée drastique extrêmement rapide [depuis
le début de l’année 2022, ndlr] qui a eu un fort impact sur le marché
immobilier », détaille Clément Renault, fondateur du courtier en SCPI
Louve Invest, dans un webinaire du 29 septembre, faisant le point sur la
situation.
Le mouvement a par ricochet
atteint les SCPI. Si sur les cinq dernières années (de 2018 à 2022), d’après
des valeurs agrégées par Louve Invest, la valeur de reconstitution moyenne des
SCPI – c’est-à-dire la valeur d’expertise d’une SCPI, donc le coût total qu’il
faudrait déployer pour recréer le portefeuille que la SCPI possède – a augmenté
de 3,58 %, le courtier note une chute de cette valeur entre 2021 et 2022,
une première depuis au moins cinq ans. « On observe sur cette dernière
année un premier coup de semonce, qui montre que les valeurs de reconstitution
marquent le pas entre 2021 et 2022 », analyse Clément Renault.
Les précédentes baisses
concentrées sur les hôtels
En observant les SCPI selon
leur type d’actifs, que ce soit des bureaux, des commerces, du résidentiel, de
la logistique, de la santé, des hôtels ou un portefeuille diversifié, on
remarque une surperformance des SCPI résidentielles. « Ce n’est pas
très étonnant, notamment car dans le résidentiel, il y a également des SCPI de
capitalisation dont l’objectif est la revalorisation du prix de part via la
revalorisation du portefeuille [là où les autres SCPI sont dits “de rendement”
avec la perception d’un loyer par les détenteurs de parts de ces SCPI, ndlr],
ce qui biaise les chiffres car ce type de SCPI n’existe pas vraiment dans les
autres domaines », tempère Clément Renault. Les SCPI de logistique,
qui contiennent des entrepôts, des hangars ou des terrains industriels, sont
les seules à avoir très légèrement baissé entre 2018 et 2022. Le reste des
classes d’actifs est globalement homogène, à l’exception notable des hôtels
qui, plombés en 2020 en raison de la crise du covid, ont fortement remonté la
pente depuis.
Sur l’année 2022 uniquement,
les SCPI de santé subissent la plus lourde chute de leur valeur de
reconstruction (-3 %). Les pertes sont moins marquées pour les SCPI de
logistique et de bureaux (respectivement -2,5 et -2 %). « La
baisse sur les bureaux est néanmoins sous-estimée », estime le fondateur
de Louve Invest. « À la fin de l’année 2022, la baisse observée sur le
bureau n’avait pas été totalement répercutée sur les valeurs de reconstitution
par les gérants de SCPI ».
Le courtier Louve Invest a
également réalisé une analyse par géographie, en prenant d’un côté les SCPI à
dominante française, et d’un autre les SCPI à dominante européenne hors France.
Il en ressort que ces dernières ont subi une baisse bien plus prononcée que les
SCPI à dominante française entre 2021 et 2022, ce qui n’étonne pas Clément
Renault : « Cela fait écho à ce que pas mal de gérants ont pu nous
remonter : les marchés étrangers, notamment anglosaxon et allemand, ont plus
dévissé que le marché français ». L’une des raisons selon lui :
la pratique plus régulière par ces pays que par la France des taux variables,
ce qui aboutit à un impact de la hausse des taux qui se fait ressentir beaucoup
plus drastiquement qu’en France, où le taux fixe est le plus souvent privilégié.
Une décote plus faible mais
toujours confortable
Conséquence pour les SCPI en
baisse : certaines ont dû revoir leur prix de souscription auprès des
clients à la baisse. Une décision obligatoire car le règlement général de
l’Autorité des marchés financiers (AMF) impose une fourchette de +/-10 %
de différence au maximum entre la valeur de reconstitution et le prix de
souscription d’une part de SCPI. Cela divise les SCPI en deux catégories : celles
qui sont surcotées, c’est-à-dire que le prix de souscription est au-dessus de
la valeur de reconstitution, et que le client les paie en réalité plus cher que
ce que donne la valeur d’expertise, et celles qui sont décotées, c’est-à-dire
qui coûtent moins cher à l’achat que la valeur d’expertise.
De 2018 à 2022, les SCPI
étaient très majoritairement en décote, avec un pic en 2021 avec 4,74 % de
décote par rapport au prix de souscription. « Elles avaient donc
accumulé un matelas de sécurité extrêmement favorable », estime
Clément Renault. Matelas qui s’est réduit en 2022 (-2,81 %), mais « en
restant assez conséquent ». Louve Invest précise par ailleurs que
quelques SCPI nouvellement lancées pénalisent légèrement cette moyenne. Fin
2022, 74 % des SCPI analysées avaient une décote. Parmi elles, 60 %
avaient une décote supérieure à 4 %.
En regardant cette moyenne de
l’écart entre le prix de souscription et la valeur de reconstitution par année
et par secteur, le courtier a pu constater que la quasi intégralité des
secteurs étaient en décote chaque année entre 2018 et 2022. Deux
exceptions : les hôtels en légère surcote en 2020, et la santé en surcote
minime en 2022.
Dans le détail, en 2022, certaines
SCPI avaient d’excellentes décotes, de plus de 10 % ou proches de 10 %,
et, à l’inverse, des SCPI avaient des surcotes très importantes approchant les
9 %. « Ce sont ces dernières qui ont déjà dévalorisé leur prix de
part », détaille le fondateur de Louve Invest.
Les dernières tendances à la
baisse
Pour mieux jauger un marché
extrêmement évolutif depuis 2022, l’AMF a publié en juillet dernier une analyse
de l’évaluation des actifs peu liquides, notamment les SCPI. À la suite de cette
publication, l’autorité a demandé une réévaluation des valeurs de
reconstitution aux sociétés de gestion des SCPI à la mi-année, afin d’avoir un
meilleur suivi de l’impact des taux sur les portefeuilles immobiliers, alors
que la réévaluation n’a normalement lieu qu’une fois par an.
« Toutes les SCPI
n’ont pas fait le même choix pour la réévaluation, rapporte Clément Renault.
Certaines ont procédé par échantillonnage avec une portion du portefeuille.
D’autres ont fait une réévaluation interne uniquement sans faire appel à un
expert indépendant externe. D’autres ont joué le jeu complet en faisant appel à
un évaluateur externe comme on le fait normalement en fin d’année. »
À la suite de ces
réévaluations, les parts de certaines SCPI ont été revues à la baisse. Des
baisses qui ont touché pour la plupart des SCPI de bureaux et celles gérées par
des banques. Et alors que pour certaines, cette baisse était attendue par les
spécialistes en raison d’une forte surcote déjà fin 2022, d’autres dont la
surcote était faible (voire même qui étaient en décote) fin 2022, ont subi une
baisse du portefeuille sur 6 mois si drastique qu’elle a nécessité une baisse
du prix de leur part. « Il est aussi fort probable que parmi ces
acteurs, certains ont profité de cette réévaluation pour aller repositionner
leur SCPI à un prix plus attractif », analyse Clément Renault.
D’autres qui n’ont pas subi
de violente baisse ont pourtant fait le choix de baisser le prix de leur part. « Les
SCPI doivent toujours être dans la bande des +10/-10%, donc même si la valeur
de reconstitution ne change pas, il est encore possible de baisser le prix d’une
part pour s’approcher encore plus du -10 %. Ce n’est pas intéressant et cette
pratique est peu pratiquée », tempère néanmoins Clément Renault.
Des nombreuses décotes qui
rendent les SCPI plus abordables pour tous ceux qui souhaitent investir, mais
qui pénalisent les investisseurs ayant déjà un pied dans le secteur de la
pierre-papier, car le prix au moment de l’achat ne représente pas la valeur
actuelle du patrimoine.
Au contraire, certaines SCPI
possédant déjà une décote confortable fin 2022, ont pu temporiser et conserver
leur prix de part malgré la baisse de leur valeur de reconstitution.
Le fondateur de Louve Invest
explique par ailleurs que les SCPI les plus anciennes sont surreprésentées dans
les baisses de prix de parts : « Elles se repositionnent de
manière plus compétitive par rapport à des SCPI plus récentes. »
Attention à ne pas surréagir
Les jeunes SCPI sortent au
contraire du lot, avec des prévisions de rendement à la hausse, en étant
capables de se constituer un très bon stock d’actifs à des prix très
attractifs. « Cela peut être une petite opportunité d’arbitrage pour
les investisseurs présents sur ce marché depuis longtemps, conseille
Clément Renault. « Il est possible pour eux d’aller regarder et se
repositionner sur des SCPI un peu plus récentes si cela fait suffisamment
longtemps qu’ils ont investi, car les SCPI ne sont pas un produit spéculatif,
et faire ce type d’arbitrage n’a de sens que si on a bien amorti ses frais de
souscription et que l’on souhaiterait dynamiser un peu son allocation. »
D’après lui, les conditions de marché sont d’ailleurs « extrêmement
favorables [pour les jeunes SCPI], les gérants font des acquisitions de très
bonne qualité en ce moment, et celles qui n’ont pas un stock important sont
capables de se positionner sur de très bonnes affaires ».
Faut-il pour autant forcément
vendre ses parts qui ont baissé ? « La décision n’est pas facile
entre garder ses parts, sachant que si vous avez acheté il y a très longtemps,
vous êtes peut-être encore toujours en plus-value, ou les revendre. Finalement,
le rendement reste le même. Souvent, l’investissement SCPI cherche à générer
une rente, en générant des revenus stables dans le temps », conseille
Clément Renault, qui précise que les revenus ne seront pas impactés, puisque le
fait que le prix des parts baisse n’a pas d’implication sur les loyers qui « au
contraire, avec l’inflation, ont plutôt tendance à être revalorisés ».
L’autre argument qui viserait à conserver ses parts concerne la liquidité de
certaines SCPI, non garantie à court terme et rendant difficile une sortie
rapide. En bref, d’après Clément Renault, « pour les SCPI qui n’ont pas
encore réévalué [leur valeur de reconstitution], la question se pose. Pour
celles où cela a déjà baissé, ce n’est pas nécessairement le moment d’aller
revendre. En bourse, on dit toujours “buy low, sell high”. Il faut faire
attention à ne pas surréagir ».
Alexis
Duvauchelle