ÉCONOMIE

La crise des SCPI bientôt terminée ?

La crise des SCPI bientôt terminée ?
Publié le 31/10/2023 à 17:27

Alors que le marché de l’immobilier est dans la tourmente depuis le début de l’année, celui des SCPI subit lui aussi de nombreuses turbulences. Pourtant, d’après Clément Renault, fondateur du courtier en ligne en SCPI Louve Invest, les sociétés de gestion possèdent un matelas de sécurité confortable, et les conditions de marché pour les jeunes SCPI sont « extrêmement favorables ».

La tempête est-elle enfin passée pour les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ? Depuis le début de l’été, le secteur de la pierre-papier subit une crise importante. En cause : un marché de l’immobilier qui tourne au ralenti du fait de la très forte hausse des taux directeurs des principales banques centrales, ayant entraîné une hausse des taux de crédit. « On était à une période de taux extrêmement bas qui avait duré depuis la fin de la crise financière de 2008, avec des taux qui approchaient le zéro depuis 2016 pour la Banque centrale européenne (BCE), et puis une remontée drastique extrêmement rapide [depuis le début de l’année 2022, ndlr] qui a eu un fort impact sur le marché immobilier », détaille Clément Renault, fondateur du courtier en SCPI Louve Invest, dans un webinaire du 29 septembre, faisant le point sur la situation.

Le mouvement a par ricochet atteint les SCPI. Si sur les cinq dernières années (de 2018 à 2022), d’après des valeurs agrégées par Louve Invest, la valeur de reconstitution moyenne des SCPI – c’est-à-dire la valeur d’expertise d’une SCPI, donc le coût total qu’il faudrait déployer pour recréer le portefeuille que la SCPI possède – a augmenté de 3,58 %, le courtier note une chute de cette valeur entre 2021 et 2022, une première depuis au moins cinq ans. « On observe sur cette dernière année un premier coup de semonce, qui montre que les valeurs de reconstitution marquent le pas entre 2021 et 2022 », analyse Clément Renault.

Les précédentes baisses concentrées sur les hôtels

En observant les SCPI selon leur type d’actifs, que ce soit des bureaux, des commerces, du résidentiel, de la logistique, de la santé, des hôtels ou un portefeuille diversifié, on remarque une surperformance des SCPI résidentielles. « Ce n’est pas très étonnant, notamment car dans le résidentiel, il y a également des SCPI de capitalisation dont l’objectif est la revalorisation du prix de part via la revalorisation du portefeuille [là où les autres SCPI sont dits “de rendement” avec la perception d’un loyer par les détenteurs de parts de ces SCPI, ndlr], ce qui biaise les chiffres car ce type de SCPI n’existe pas vraiment dans les autres domaines », tempère Clément Renault. Les SCPI de logistique, qui contiennent des entrepôts, des hangars ou des terrains industriels, sont les seules à avoir très légèrement baissé entre 2018 et 2022. Le reste des classes d’actifs est globalement homogène, à l’exception notable des hôtels qui, plombés en 2020 en raison de la crise du covid, ont fortement remonté la pente depuis.

Sur l’année 2022 uniquement, les SCPI de santé subissent la plus lourde chute de leur valeur de reconstruction (-3 %). Les pertes sont moins marquées pour les SCPI de logistique et de bureaux (respectivement -2,5 et -2 %). « La baisse sur les bureaux est néanmoins sous-estimée », estime le fondateur de Louve Invest. « À la fin de l’année 2022, la baisse observée sur le bureau n’avait pas été totalement répercutée sur les valeurs de reconstitution par les gérants de SCPI ».

Le courtier Louve Invest a également réalisé une analyse par géographie, en prenant d’un côté les SCPI à dominante française, et d’un autre les SCPI à dominante européenne hors France. Il en ressort que ces dernières ont subi une baisse bien plus prononcée que les SCPI à dominante française entre 2021 et 2022, ce qui n’étonne pas Clément Renault : « Cela fait écho à ce que pas mal de gérants ont pu nous remonter : les marchés étrangers, notamment anglosaxon et allemand, ont plus dévissé que le marché français ». L’une des raisons selon lui : la pratique plus régulière par ces pays que par la France des taux variables, ce qui aboutit à un impact de la hausse des taux qui se fait ressentir beaucoup plus drastiquement qu’en France, où le taux fixe est le plus souvent privilégié.

Une décote plus faible mais toujours confortable

Conséquence pour les SCPI en baisse : certaines ont dû revoir leur prix de souscription auprès des clients à la baisse. Une décision obligatoire car le règlement général de l’Autorité des marchés financiers (AMF) impose une fourchette de +/-10 % de différence au maximum entre la valeur de reconstitution et le prix de souscription d’une part de SCPI. Cela divise les SCPI en deux catégories : celles qui sont surcotées, c’est-à-dire que le prix de souscription est au-dessus de la valeur de reconstitution, et que le client les paie en réalité plus cher que ce que donne la valeur d’expertise, et celles qui sont décotées, c’est-à-dire qui coûtent moins cher à l’achat que la valeur d’expertise.

De 2018 à 2022, les SCPI étaient très majoritairement en décote, avec un pic en 2021 avec 4,74 % de décote par rapport au prix de souscription. « Elles avaient donc accumulé un matelas de sécurité extrêmement favorable », estime Clément Renault. Matelas qui s’est réduit en 2022 (-2,81 %), mais « en restant assez conséquent ». Louve Invest précise par ailleurs que quelques SCPI nouvellement lancées pénalisent légèrement cette moyenne. Fin 2022, 74 % des SCPI analysées avaient une décote. Parmi elles, 60 % avaient une décote supérieure à 4 %.

En regardant cette moyenne de l’écart entre le prix de souscription et la valeur de reconstitution par année et par secteur, le courtier a pu constater que la quasi intégralité des secteurs étaient en décote chaque année entre 2018 et 2022. Deux exceptions : les hôtels en légère surcote en 2020, et la santé en surcote minime en 2022.

Dans le détail, en 2022, certaines SCPI avaient d’excellentes décotes, de plus de 10 % ou proches de 10 %, et, à l’inverse, des SCPI avaient des surcotes très importantes approchant les 9 %. « Ce sont ces dernières qui ont déjà dévalorisé leur prix de part », détaille le fondateur de Louve Invest.

Les dernières tendances à la baisse

Pour mieux jauger un marché extrêmement évolutif depuis 2022, l’AMF a publié en juillet dernier une analyse de l’évaluation des actifs peu liquides, notamment les SCPI. À la suite de cette publication, l’autorité a demandé une réévaluation des valeurs de reconstitution aux sociétés de gestion des SCPI à la mi-année, afin d’avoir un meilleur suivi de l’impact des taux sur les portefeuilles immobiliers, alors que la réévaluation n’a normalement lieu qu’une fois par an.

« Toutes les SCPI n’ont pas fait le même choix pour la réévaluation, rapporte Clément Renault. Certaines ont procédé par échantillonnage avec une portion du portefeuille. D’autres ont fait une réévaluation interne uniquement sans faire appel à un expert indépendant externe. D’autres ont joué le jeu complet en faisant appel à un évaluateur externe comme on le fait normalement en fin d’année. »

À la suite de ces réévaluations, les parts de certaines SCPI ont été revues à la baisse. Des baisses qui ont touché pour la plupart des SCPI de bureaux et celles gérées par des banques. Et alors que pour certaines, cette baisse était attendue par les spécialistes en raison d’une forte surcote déjà fin 2022, d’autres dont la surcote était faible (voire même qui étaient en décote) fin 2022, ont subi une baisse du portefeuille sur 6 mois si drastique qu’elle a nécessité une baisse du prix de leur part. « Il est aussi fort probable que parmi ces acteurs, certains ont profité de cette réévaluation pour aller repositionner leur SCPI à un prix plus attractif », analyse Clément Renault.

D’autres qui n’ont pas subi de violente baisse ont pourtant fait le choix de baisser le prix de leur part. « Les SCPI doivent toujours être dans la bande des +10/-10%, donc même si la valeur de reconstitution ne change pas, il est encore possible de baisser le prix d’une part pour s’approcher encore plus du -10 %. Ce n’est pas intéressant et cette pratique est peu pratiquée », tempère néanmoins Clément Renault.

Des nombreuses décotes qui rendent les SCPI plus abordables pour tous ceux qui souhaitent investir, mais qui pénalisent les investisseurs ayant déjà un pied dans le secteur de la pierre-papier, car le prix au moment de l’achat ne représente pas la valeur actuelle du patrimoine.

Au contraire, certaines SCPI possédant déjà une décote confortable fin 2022, ont pu temporiser et conserver leur prix de part malgré la baisse de leur valeur de reconstitution.

Le fondateur de Louve Invest explique par ailleurs que les SCPI les plus anciennes sont surreprésentées dans les baisses de prix de parts : « Elles se repositionnent de manière plus compétitive par rapport à des SCPI plus récentes. »

Attention à ne pas surréagir

Les jeunes SCPI sortent au contraire du lot, avec des prévisions de rendement à la hausse, en étant capables de se constituer un très bon stock d’actifs à des prix très attractifs. « Cela peut être une petite opportunité d’arbitrage pour les investisseurs présents sur ce marché depuis longtemps, conseille Clément Renault. « Il est possible pour eux d’aller regarder et se repositionner sur des SCPI un peu plus récentes si cela fait suffisamment longtemps qu’ils ont investi, car les SCPI ne sont pas un produit spéculatif, et faire ce type d’arbitrage n’a de sens que si on a bien amorti ses frais de souscription et que l’on souhaiterait dynamiser un peu son allocation. » D’après lui, les conditions de marché sont d’ailleurs « extrêmement favorables [pour les jeunes SCPI], les gérants font des acquisitions de très bonne qualité en ce moment, et celles qui n’ont pas un stock important sont capables de se positionner sur de très bonnes affaires ».

Faut-il pour autant forcément vendre ses parts qui ont baissé ? « La décision n’est pas facile entre garder ses parts, sachant que si vous avez acheté il y a très longtemps, vous êtes peut-être encore toujours en plus-value, ou les revendre. Finalement, le rendement reste le même. Souvent, l’investissement SCPI cherche à générer une rente, en générant des revenus stables dans le temps », conseille Clément Renault, qui précise que les revenus ne seront pas impactés, puisque le fait que le prix des parts baisse n’a pas d’implication sur les loyers qui « au contraire, avec l’inflation, ont plutôt tendance à être revalorisés ». L’autre argument qui viserait à conserver ses parts concerne la liquidité de certaines SCPI, non garantie à court terme et rendant difficile une sortie rapide. En bref, d’après Clément Renault, « pour les SCPI qui n’ont pas encore réévalué [leur valeur de reconstitution], la question se pose. Pour celles où cela a déjà baissé, ce n’est pas nécessairement le moment d’aller revendre. En bourse, on dit toujours “buy low, sell high”. Il faut faire attention à ne pas surréagir ».

Alexis Duvauchelle

1 commentaire
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Herve_D
- l'année dernière
Bonjour, J'ai besoin de conseils ! J'ai investi dans une scpi qui s'avère être un mauvais choix, et je galère à m'en débarasser. Connaissez-vous des sites pour revendre des scpi de gré ) gré ? J'ai vue des personnes essayé sur Le Bon Coin et sur ce site https://www.vendezvosscpi.fr, mais si vous avez d'autres suggestion je suis preneur ! Merci d'avance.

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