La loi visant à sécuriser et
à réguler l’espace numérique a été publiée au Journal officiel ce mercredi.
L’une des mesures phares, la mise en place d’un délit d’outrage en ligne, a été
supprimée par les Sages qui ont estimé qu’il portait « une atteinte non
proportionnée à l’exercice de la liberté d’expression et de communication ».
La loi visant à sécuriser et
à réguler l’espace numérique, aussi appelée loi SREN, a été publiée au Journal
officiel ce mercredi 22 mai, après avoir été validée dans sa majeure partie par
le Conseil constitutionnel cinq jours plus tôt.
Quelques dispositions ont
tout de même été censurées par la juridiction. La généralisation de l’identité
numérique au 1er janvier 2027 a notamment été retirée de la loi,
tout comme la mise en place d’un service centralisant l’accès à l’ensemble des
services publics nationaux et locaux au moyen de cette identité numérique et l’expérimentation
d’un dispositif de médiation des litiges de communication en ligne, tous ayant
été considérés comme cavalier législatif car « ne présentant pas de
lien, même indirect », avec le projet de loi initial.
Seul un article de la loi
SREN a été retoqué sur le fond par le Conseil constitutionnel. Créant une
section dans le code pénal intitulée « De l’outrage en ligne »,
l’article 19 instaurait une amende de 3 750 euros assortie d’un emprisonnement
d’un an toute diffusion en ligne de « tout contenu qui porte atteinte à
la dignité d’une personne ou présente à son égard un caractère injurieux,
dégradant ou humiliant », ainsi que toute création d’une « situation
intimidante, hostile ou offensante » à l’encontre d’une personne. Un
stage de sensibilisation ainsi que l’interdiction temporaire d’utiliser certaines
plateformes pouvait accompagner cette peine.
Une mesure qui fait « peser
une incertitude sur la licéité des comportements réprimés »
Les députés porteurs de deux recours
devant le Conseil constitutionnel reprochaient à cette disposition de porter
atteinte à la liberté d’expression et de communication, estimant que les faits
concernés sont, dans le droit actuel, déjà condamnables à l’aide d’autres
qualifications pénales. L’un des recours reproche également à l’article « des
imprécisions quant à l’élément moral de l’infraction ainsi que
l’imprécision attachée aux faits incriminés ».
Le Conseil constitutionnel a lui
aussi considéré que « la législation comprend déjà plusieurs
infractions pénales […] permettant de réprimer des faits susceptibles de
constituer des abus de la liberté d’expression et de communication, y compris
lorsqu’ils sont commis par l’utilisation d’un service de communication au
public en ligne ».
Il a également estimé que les
dispositions de l’article 19 permettent aussi de réprimer des comportements
déjà concernés par d’autres textes. De par la manière dont la loi comptait caractériser
le délit d’outrage en ligne, la mesure aurait, selon le Conseil
constitutionnel, fait dépendre la caractérisation de l’infraction de la
perception de la victime. « Elle fait ainsi peser une incertitude sur
la licéité des comportements réprimés », a déterminé l’institution,
qui a déduit que l’article 19 portait « une atteinte à l’exercice de la
liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et
proportionnée ».
Le Conseil constitutionnel a en
outre émis des réserves sur l’article 42, qui élargit les prérogatives données,
dans la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de
l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique, aux services de l’État pouvant
collecter automatiquement des données accessibles publiquement pour la
régulation des opérateurs de plateforme – c’est le cas notamment de l’Autorité
de la concurrence, de la Cnil et de l’Arcom –, leur permettant désormais de
mener des activités de recherche publique pour détecter et comprendre les risques
systémiques liés aux activités des fournisseurs de très grandes plateformes en
ligne et moteurs de recherche dans l’Union européenne.
Le Conseil constitutionnel l’a
souligné, la loi du 25 octobre 2021 précise que les services de l’État
habilités peuvent « mener des activités d’expérimentation n'utilisant
aucun système de reconnaissance faciale des contenus ». « Sauf
à méconnaître le droit au respect de la vie privée des utilisateurs des
plateformes, les dispositions [adoptées dans la loi SREN] doivent également
s’entendre comme excluant le recours à un tel système de reconnaissance faciale
dans le cadre des activités de recherche publique de ce service », ont
estimé les Sages.
Alexis
Duvauchelle