DROIT

La loi immigration largement censurée par le Conseil constitutionnel

La loi immigration largement censurée par le Conseil constitutionnel
Sur 49 articles soumis à l'examen des Sages, 35 ont été censurés
Publié le 26/01/2024 à 18:04

De nombreuses dispositions ajoutées en commission mixte paritaire ont été considérées comme cavaliers législatifs, comme la restriction du regroupement familial et la mise en place d’une caution pour les étudiants étrangers. L’instauration de quotas migratoires a également été censurée au fond. Les mesures concernant les entreprises restent cependant dans le projet de loi qui sera promulgué prochainement.

Un grand ménage a été fait dans le projet de loi visant à contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, après la décision du Conseil constitutionnel rendue ce jeudi 25 janvier. Le Conseil avait été saisi par le président de la République, la présidente de l’Assemblée nationale et par plusieurs députés et sénateurs.

Sur 49 articles soumis à l’examen des Sages (le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale en comptait 86), 35 articles ont été censurés, dont 31 totalement et 4 partiellement, la plupart étant issus de la commission mixte paritaire qui avait suivi l’adoption de la motion de rejet par l’Assemblée nationale le 11 décembre dernier.

Parmi ces 35 articles, 32 ont été censurés « pour motif de procédure et en application d’une jurisprudence constante », a expliqué le Conseil constitutionnel dans un communiqué, c’est-à-dire qu’ils ont été considérés comme cavaliers législatifs. Ces mesures n’ont donc pas leur place dans cette loi, mais le Conseil n’a pas déterminé leur constitutionnalité au fond.

C’est le cas notamment des articles 3, 4 et 5, qui prévoyaient de restreindre le regroupement familial. L’article 4 souhaitait réserver l’autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial aux étrangers possédant « une connaissance de la langue française [leur] permettant au moins de communiquer de façon élémentaire ».

La caution pour les étudiants étrangers repoussée

L’article 11 instituant une « caution retour » pour les étudiants étrangers, qui avait fait couler beaucoup d’encre au moment du vote de la loi, a lui aussi été jugé cavalier législatif. Il en est de même de l’article 15, qui voulait exclure les étrangers en situation irrégulière de la réduction tarifaire des titres de transports pour les personnes à faibles revenus, de l’article 16, qui exemptait les britanniques propriétaires d’une résidence secondaire en France de souscrire une demande de visa de long séjour, et de l’article 17, visant à instaurer une amende pour un étranger qui séjournerait au-delà de la durée autorisée par son visa.

L’article 24, qui pouvait permettre de déchoir de la nationalité une personne ayant acquis la qualité de Français et ayant été condamné pour homicide volontaire commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique, a lui aussi été retiré par le Conseil constitutionnel, tout comme l’article 25, qui obligeait un enfant né de parents étrangers à « manifester sa volonté » d’acquérir la nationalité française à sa majorité pour pouvoir l’obtenir.

Tous ces articles « ne présentent pas de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi [initial] déposé sur le bureau du Sénat », a déterminé le Conseil constitutionnel. Cela enfreint l’article 45 de la Constitution qui impose ce lien.

L’instauration de quotas migratoires censurée au fond

Sur le fond, une partie de l’article 1er, instaurant des quotas migratoires déterminés par le Parlement sur « le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national », a été censurée. Le Conseil constitutionnel a estimé à ce sujet que rien dans la Constitution ne permet au législateur d’« imposer au Parlement l’organisation d’un débat en séance publique ou la fixation par ce dernier de certains objectifs chiffrés en matière d’immigration ».

L’intégralité de l’article 38 est également passée à la trappe. Le texte souhaitait imposer le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie aux étrangers ayant franchi une frontière extérieure sans être autorisé à entrer sur le territoire. « Le recours à la contrainte, qui ne peut concerner qu’un étranger manifestement âgé d’au moins dix-huit ans, […] est strictement proportionné et tient compte de la vulnérabilité de la personne », précisait le projet de loi adopté par le Parlement.

Et si « en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu faciliter l’identification des étrangers en situation irrégulière [et] a ainsi poursuivi l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière qui participe de la sauvegarde de l’ordre public, objectif de valeur constitutionnelle », le Conseil constitutionnel a estimé que « ces dispositions se bornent à prévoir que l’officier de police judiciaire […] en informe préalablement le procureur de la République. Ces opérations ne sont ainsi ni soumises à l’autorisation de ce magistrat, […] ni subordonnées à la démonstration qu’elles constituent l’unique moyen d’identifier la personne qui refuse de s’y soumettre ».

Autre grief noté par le Conseil : le texte ne prévoyait pas que lorsque la personne contrôlée ou retenue a demandé l’assistance d’un avocat, cette disposition doit être effectuée en la présence de ce dernier.

Les mesures concernant les entreprises conservées

Le Conseil a également assorti de réserves d’interprétation la déclaration de conformité à la Constitution de deux articles. L’article 14 notamment « prévoit, à titre expérimental, que, lorsque l’autorité administrative envisage de refuser de délivrer ou de renouveler un titre de séjour demandé par un étranger, elle examine tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance de certains autres titres de séjour ».

L’institution a considéré que, « sauf à méconnaître les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République, ces dispositions doivent s’entendre comme imposant à l’autorité administrative d’informer l’étranger, lors du dépôt de sa demande, qu’il doit transmettre l’ensemble des éléments justificatifs permettant d’apprécier sa situation au regard de tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance de l’un des titres de séjour visés par l’expérimentation ».

En ce qui concerne les entreprises, la loi finale conserve l’article 27, créant une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » ou « salarié » d’une durée d’un an, qui n’a pas été soumis au jugement du Conseil constitutionnel. C’est le cas également de l’article 23, facilitant les formations de français pour les travailleurs étrangers. La loi devrait être promulguée ce week-end.

Alexis Duvauchelle

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