De nombreuses dispositions ajoutées
en commission mixte paritaire ont été considérées comme cavaliers législatifs,
comme la restriction du regroupement familial et la mise en place d’une caution
pour les étudiants étrangers. L’instauration de quotas migratoires a également
été censurée au fond. Les mesures concernant les entreprises restent cependant
dans le projet de loi qui sera promulgué prochainement.
Un grand ménage a été fait
dans le projet de loi visant à contrôler l’immigration et améliorer
l’intégration, après la décision du Conseil
constitutionnel rendue ce jeudi 25 janvier. Le Conseil avait
été saisi par le président de la République, la présidente de l’Assemblée
nationale et par plusieurs députés et sénateurs.
Sur 49 articles soumis à
l’examen des Sages (le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale en comptait
86), 35 articles ont été censurés, dont 31 totalement et 4 partiellement, la
plupart étant issus de la commission mixte paritaire qui avait suivi l’adoption
de la motion de rejet par l’Assemblée nationale le 11 décembre dernier.
Parmi ces 35 articles, 32 ont
été censurés « pour motif de procédure et en application d’une
jurisprudence constante », a expliqué le Conseil constitutionnel dans
un communiqué, c’est-à-dire qu’ils ont été considérés comme cavaliers
législatifs. Ces mesures n’ont donc pas leur place dans cette loi, mais le
Conseil n’a pas déterminé leur constitutionnalité au fond.
C’est le cas notamment des
articles 3, 4 et 5, qui prévoyaient de restreindre le regroupement familial.
L’article 4 souhaitait réserver l’autorisation de séjourner en France au titre
du regroupement familial aux étrangers possédant « une connaissance de
la langue française [leur] permettant au moins de communiquer de façon
élémentaire ».
La caution pour les étudiants
étrangers repoussée
L’article 11 instituant une « caution
retour » pour les étudiants étrangers, qui avait fait couler beaucoup
d’encre au moment du vote de la loi, a lui aussi été jugé cavalier législatif. Il
en est de même de l’article 15, qui voulait exclure les étrangers en situation
irrégulière de la réduction tarifaire des titres de transports pour les
personnes à faibles revenus, de l’article 16, qui exemptait les britanniques
propriétaires d’une résidence secondaire en France de souscrire une demande de
visa de long séjour, et de l’article 17, visant à instaurer une amende pour un
étranger qui séjournerait au-delà de la durée autorisée par son visa.
L’article 24, qui pouvait
permettre de déchoir de la nationalité une personne ayant acquis la qualité de
Français et ayant été condamné pour homicide volontaire commis sur une personne
dépositaire de l’autorité publique, a lui aussi été retiré par le Conseil
constitutionnel, tout comme l’article 25, qui obligeait un enfant né de parents
étrangers à « manifester sa volonté » d’acquérir la
nationalité française à sa majorité pour pouvoir l’obtenir.
Tous ces articles « ne
présentent pas de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui
figuraient dans le projet de loi [initial] déposé sur le bureau du Sénat »,
a déterminé le Conseil constitutionnel. Cela enfreint l’article 45 de la
Constitution qui impose ce lien.
L’instauration de quotas
migratoires censurée au fond
Sur le fond, une partie de
l’article 1er, instaurant des quotas migratoires déterminés par le
Parlement sur « le nombre des étrangers admis à s’installer durablement
en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile,
compte tenu de l’intérêt national », a été censurée. Le Conseil
constitutionnel a estimé à ce sujet que rien dans la Constitution ne permet au
législateur d’« imposer au Parlement l’organisation d’un débat en
séance publique ou la fixation par ce dernier de certains objectifs chiffrés en
matière d’immigration ».
L’intégralité de l’article 38
est également passée à la trappe. Le texte souhaitait imposer le relevé des
empreintes digitales et la prise de photographie aux étrangers ayant franchi
une frontière extérieure sans être autorisé à entrer sur le territoire. « Le
recours à la contrainte, qui ne peut concerner qu’un étranger manifestement âgé
d’au moins dix-huit ans, […] est strictement proportionné et tient compte de la
vulnérabilité de la personne », précisait le projet de loi adopté par
le Parlement.
Et si « en adoptant
ces dispositions, le législateur a entendu faciliter l’identification des
étrangers en situation irrégulière [et] a ainsi poursuivi l’objectif de lutte
contre l’immigration irrégulière qui participe de la sauvegarde de l’ordre
public, objectif de valeur constitutionnelle », le Conseil
constitutionnel a estimé que « ces dispositions se bornent à prévoir
que l’officier de police judiciaire […] en informe préalablement le procureur
de la République. Ces opérations ne sont ainsi ni soumises à l’autorisation de
ce magistrat, […] ni subordonnées à la démonstration qu’elles constituent
l’unique moyen d’identifier la personne qui refuse de s’y soumettre ».
Autre grief noté par le
Conseil : le texte ne prévoyait pas que lorsque la personne contrôlée ou
retenue a demandé l’assistance d’un avocat, cette disposition doit être
effectuée en la présence de ce dernier.
Les mesures concernant les
entreprises conservées
Le Conseil a également
assorti de réserves d’interprétation la déclaration de conformité à la
Constitution de deux articles. L’article 14 notamment « prévoit, à
titre expérimental, que, lorsque l’autorité administrative envisage de refuser
de délivrer ou de renouveler un titre de séjour demandé par un étranger, elle
examine tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance de certains autres
titres de séjour ».
L’institution a considéré
que, « sauf à méconnaître les libertés et droits fondamentaux de valeur
constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la
République, ces dispositions doivent s’entendre comme imposant à l’autorité
administrative d’informer l’étranger, lors du dépôt de sa demande, qu’il doit
transmettre l’ensemble des éléments justificatifs permettant d’apprécier sa
situation au regard de tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance de
l’un des titres de séjour visés par l’expérimentation ».
En ce qui concerne les
entreprises, la loi finale conserve l’article 27, créant une carte de séjour
temporaire portant la mention « travailleur temporaire » ou
« salarié » d’une durée d’un an, qui n’a pas été soumis au jugement
du Conseil constitutionnel. C’est le cas également de l’article 23, facilitant
les formations de français pour les travailleurs étrangers. La loi devrait être
promulguée ce week-end.
Alexis
Duvauchelle