CRITIQUE LITTERAIRE. La monnaie traditionnelle et la monnaie numérique se concurrencent-elles ou bien se
complètent-elles ? Actuellement les deux coexistent et l’emprise de chacune est mouvante, analysent Christian de Boissieu et Marc Schwartz dans leur parution, « précieuse pour les spécialistes et indispensable pour les étudiants », estime Jean-Louis Chambon, président-fondateur du cercle Turgot.
Le thème de la « guerre des
monnaies » reste un grand classique qui a fait l’objet d’une littérature
abondante, stimulante pour les économistes et vivifiante pour des générations
d’étudiants.
Toutefois, la « nouvelle » guerre des monnaies, qui s’annonce dans le
sillage des bouleversements liés aux technologies numériques, promet
d’introduire de nouveaux défis, sans pour autant pouvoir effacer les
fondamentaux, en termes de statut, de bien commun, de souveraineté et de
finalité d’amélioration de chaque position concurrentielle… C’est en effet la
thèse que développent Christian de Boissieu, professeur émérite de Paris 1 Panthéon Sorbonne, vice-président du cercle des économistes, et Marc Schwartz, président directeur général de la monnaie de Paris, dont
l’expertise n’est plus à démontrer. Dans cette brillante parution, le duo
d’auteurs affiche une conviction première : « La nouvelle guerre des
monnaies opposera, dans la sphère numérique, monnaies publiques et monnaies
privées ».
La nécessité de développer une « théorie qualitative »
L’un des grands mérites de
cet ouvrage, très documenté, est d’offrir un panorama complet de réflexion sur
chaque composante de la problématique monétaire. Y sont notamment exposés : les
relations entre monnaie-pouvoir et souveraineté, élargies vers la dimension
politique et sociale de la monnaie ; l’évolution du pouvoir des Banques
Centrales ; l’avenir du cash face à la monnaie numérique ; la
question des cryptos actifs, bitcoin et autres composantes, indument consacrés
comme « monnaie ».
Les auteurs s’interrogent
également sur l’avenir de la version numérique des monnaies officielles des
banques centrales. Quid de l’offre monnaies publiques versus monnaies
privées ? La « dédollarisation » est-elle une illusion ? Où
en sont les monnaies de réserve ? Autre sujet, la transition énergétique
suppose des conflits de financement à arbitrer.
Enfin, Christian de Boissieu
et Marc Schwartz attachent une grande importance sur la nécessité de développer
une « théorie qualitative » complétant les différentes approches
quantitatives : les grandes facettes de la monnaie, stabilité, liquidité,
adossement à des marchés financiers développés, rôle politique et social,
influence internationale, quantité disponible, doivent aussi prendre en compte
le devoir de compétitivité de la monnaie qui ne se réduit pas à son taux de
change, mais tout autant « ... à pouvoir affronter la concurrence des autres
devises et à incarner un pays ou une zone économique ». Vaste programme !
Une parution de référence, à la fois précieuse pour les spécialistes, et
indispensable pour les étudiants et un public plus large à la recherche du sens
des évolutions des politiques monétaires.
Jean-Louis Chambon
Président-fondateur du cercle Turgot