Les prix de gros de
l’électricité devraient se maintenir les cinq prochaines années, assure-t-on à la conférence EnR Entreprises. Une stabilité
qui pourrait inciter les fournisseurs à proposer des offres plus attractives,
facilitant ainsi la transition énergétique des entreprises. Mais la baisse du
coût de l’électricité risque de diminuer l’incitation à investir dans des
contrats à long terme pour les énergies renouvelables, et l’engagement de la France
sur le développement du biogaz doit être affermi.
N’ayant toujours pas atteint
les 44 % d’énergies renouvelables dans la consommation brute finale d’énergie
exigés par la directive sur les renouvelables de 2018, comme le révélait le média Contexte, la France,
qui cible plutôt les 35 % pour 2030, peine à voir les entreprises s’engager
pleinement dans l’adoption des énergies décarbonées, un retard accentué par la
récente crise énergétique.
Pourtant, le gouvernement a lancé
quelques initiatives pour accélérer cette transition, notamment avec la
publication, en novembre dernier, de la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie 2025-2035
(PPE) et de la troisième stratégie
nationale bas-carbone (SNBC). Ces deux piliers de la politique énergétique et
climatique française ont pour objectif d’orienter le pays vers la neutralité
carbone d’ici 2050, en cohérence avec les engagements européens et l’Accord de
Paris.
Dans ce contexte, la sixième
édition de la conférence EnR Entreprises, organisée par l’Institut Orygeen, association
à but non lucratif dont la mission est d'encourager les industriels à améliorer
leurs performances énergétiques, au ministère de l’Économie et des Finances, jeudi
6 février, a été l’occasion de débattre des défis et des opportunités liés à
cette transition. L’évolution des réglementations du secteur y est apparue
comme un levier essentiel pour encourager les investissements, d’autant que les
prix de l’énergie commencent à se stabiliser en France.
Lors d’une table ronde
consacrée aux obstacles réglementaires et aux solutions contractuelles pour accélérer
l’adoption des énergies décarbonées par les entreprises, Dominique Jamme,
directeur de la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE), a souligné que « la
crise sur le marché de l’électricité est passée, même si la situation reste
plus tendue pour le gaz, notamment à la fin de l’hiver et durant l’été prochain
». Selon lui, en France, les prix de gros de l’électricité devraient alors se
maintenir autour de 70 € en 2026, puis de 65 € sur les cinq années suivantes. Une
stabilité qui pourrait inciter les fournisseurs à proposer des offres de long
terme plus attractives, facilitant ainsi la transition énergétique des
entreprises.
En France, le développement
des PPA est en retard
Avec de tels tarifs, la
France bénéficie donc d’un avantage compétitif notable par rapport à ses
voisins européens, a-t-il avancé : « Les prix y sont nettement plus
compétitifs qu’en Allemagne, au Benelux ou en Italie. Seules l’Espagne et la
Scandinavie affichent des niveaux similaires voire plus bas, mais pour d’autres
raisons spécifiques. Sur cinq ans, les perspectives françaises sont
encourageantes, même si elles restent plus incertaines à plus long terme. »
Cet atout repose en grande
partie sur le parc nucléaire français, dont la durée de vie pourrait être
prolongée à 50 ou 60 ans, voire 80 ans comme cela a déjà été annoncé dans
certains pays, sous réserve des impératifs de sécurité. Toutefois, cette forte compétitivité
freine le développement des contrats d’approvisionnement en énergies
renouvelables (PPA). Ces accords de long terme permettent à un producteur
d’électricité de vendre directement l’énergie générée par une installation
spécifique, telle qu’une ferme solaire ou un parc éolien, à un acheteur. « Si
les prix étaient à 90 €, comme en Allemagne, leur essor en France aurait sans
doute été plus rapide », a-t-il ironisé.
En effet, avec des prix plus
élevés, les producteurs d’énergie renouvelable en Allemagne ont une incitation
plus forte à conclure ces contrats, et les entreprises acheteuses sont plus
enclines à y recourir pour sécuriser des prix fixes et se protéger contre la
volatilité. En revanche, en France, le coût relativement bas de l’électricité,
soutenu par le parc nucléaire, diminue l’incitation à investir dans des
contrats à long terme pour les énergies renouvelables. Ainsi, tant que les prix
restent attractifs, le développement des PPA pourrait être plus lent en France
qu’en Allemagne.
Appels d’offres : des tarifs
qui tardent à baisser ?
Le directeur de la CRE a
aussi souligné les obstacles rencontrés avec les appels d’offres publics : « Par
exemple, sur les contrats pour les panneaux photovoltaïques, on est plutôt
autour de 80 € par mois, ce qui reste élevé pour des engagements sur 20 ans. De
notre côté, nous aimerions voir les prix baisser, car les coûts ont fortement
diminué. Pourtant, dans les faits, les tarifs issus de ces appels d’offres
publics ne reculent que très lentement, à raison de 1 à 2 % à chaque fois. Mais
c’est le gouvernement qui fixe le prix plafond, les volumes et les cahiers des
charges donc on ne peut rien faire. »

« Sur les contrats pour les photovoltaïques, on est à80 € par mois pour des engagements sur 20 ans » pointe Dominique Jamme @ JSS
Il convient toutefois de
temporiser, a estimé Dominique Jamme, qui rappelle que la France traverse une
phase de transition entre la sortie de crise et la mise en consultation de la
programmation pluriannuelle de l’énergie. « Faut-il nécessairement atteindre
tous les objectifs uniquement par le biais d’appels d’offres assortis de
contrats garantis par l’État ? La question mérite d’être posée »,
s’interroge ce dernier.
Par ailleurs, selon les
prochaines réglementations, l’éolien maritime pourrait également rencontrer
quelques difficultés à l’avenir. « Il est prévu, dans les prochains cahiers
des charges – bien que cela ne soit pas encore adopté et seulement en étude –,
qu’une partie de la production ne soit plus soutenue par l’État. C’est un
élément qui pourrait avoir des répercussions sur la signature des PPA. »
Assurer un accès pérenne au biogaz
Pour Michel Germond-Pierroux,
responsable des affaires publiques de l'entreprise EQIOM, acteur dans le
secteur des matériaux de construction, la programmation pluriannuelle de
l’énergie 2025-2035 s’inscrit dans une stratégie politique globale. D’après
lui, « avant qu’une règle ne devienne une règle de droit, elle est d’abord
le fruit d’une volonté politique qui s’affirme », insistant aussi sur l'importance
d'un cadre politique stable et porteur pour permettre aux entreprises
d'investir massivement.
En ce qui concerne le gaz
vert, notamment le biométhane, Michel Germond-Pierroux a insisté sur la
nécessité d'obtenir des garanties sur l’ambition de la France en matière
d'infrastructures, de production et de sécurité d’approvisionnement. « Il
est essentiel de raccorder les sites encore isolés et d’assurer un accès souple
et pérenne au biogaz, ne serait-ce que par le biais d’une prime aux entrants,
pour déclencher les investissements nécessaires, comme prévu dans une feuille
de route concertée avec l’État », a-t-il précisé.
Une analyse qu’a également partagé
Dominique Jamme, qui en a profité pour mettre en lumière l’importance d'un
soutien renforcé de la France au développement du biogaz : « Produire
du biogaz est coûteux, bien plus que le gaz fossile, et dans le contexte
économique actuel, cet appui devient indispensable. »
Enfin, le responsable des
affaires publiques, qui est également juriste, a souligné que l’implication et
la validation de la population étaient « essentielles pour éviter toute
opposition ». « Il est crucial de maintenir un dialogue continu, non
seulement entre les industriels et des institutions comme la Commission de
régulation de l’énergie, mais aussi avec la population, afin de les convaincre
de la viabilité des nouveaux projets énergétiques. »
Romain
Tardino