DROIT

Le notaire, acteur croissant de la médiation

Le notaire, acteur croissant de la médiation
Publié le 07/03/2025 à 16:00

À la veille du 3ème congrès international de la médiation, les notaires se sont réunis le 25 février pour évoquer leurs fonctions de médiateur. Depuis l'adoption en 2016 de la Loi Modernisation de la Justice du 21ème siècle, les notaires, au même titre que les avocats et plus récemment les commissaires de justice, proposent des médiations.

Ce mode alternatif de règlement des litiges s'est accéléré en 2020, avec la création par le Conseil supérieur du notariat de la direction nationale de la médiation. L'objectif est de fédérer les 26 centres de médiations notariales présents dans toute la France. La direction de la médiation centralise aussi l'offre de formations spécifiques à cette activité en plein essor.

La médiation notariale, d’abord uniquement conventionnelle, peut être judiciaire depuis 2022. Dans quel cadre le notaire exerce-t-il cette activité ?

Un tiers de confiance nécessaire à la résolution de conflits

« Ce qui m'a amené à la médiation, c'est cette frustration de ne pas pouvoir aider les gens à résoudre leurs conflits », raconte Fabrice François, membre du conseil national de la médiation. Il a voulu passer « de la gestion de conflits à la résolution de conflits ». Cependant, le notaire médiateur n'est pas un juge. Il n'impose pas une solution au différend, mais « aide les parties à solutionner leurs litiges » explique Nathalie Bonnaud-Choukroun, notaire médiatrice.

De par son activité de conseil juridique auprès des familles, à la recherche de compromis, le notaire agit déjà en amiable compositeur. Il est d'autant plus considéré comme un tiers de confiance, lorsqu'il intervient en qualité de médiateur.

L'indépendance est essentielle au processus de médiation en raison du besoin d'agir avec impartialité. Pour cette raison, le notaire chargé du dossier pour lequel il est initialement saisi se déporte du conflit. Et les parties s'adressent à un centre de médiations. La résolution du litige est ainsi confiée à un tiers, qui n'est pas le notaire originellement saisi ou le notaire de famille. C'est uniquement, en fin de médiation, lorsque celle-ci aboutit, que le notaire d'origine est à nouveau chargé de rédiger les actes. Au Canada, État dans lequel la pratique est en place depuis longtemps, le notaire saisi est aussi celui qui se charge de la médiation. Une difficulté se pose quant à sa proximité avec ses clients.

Un code de déontologie a été décrété en décembre 2023 qui rappelle que les notaires officient avec probité, impartialité et neutralité. Ils doivent particulièrement veiller à éviter tous conflits d'intérêts, selon ce même texte. Comme les avocats, ils sont tenus au secret professionnel qui est général et absolu, précise maître François. « Le secret professionnel ne peut être levé que par un texte, donc on retrouve cette notion d'indépendance », ajoute-t-il. Le secret est inhérent à l'activité de médiation, et le texte renforce la confiance que les parties au litige ont quand elles s'adressent aux notaires pour résoudre leurs différends.

C'est en raison de cette impartialité que le notaire médiateur n'intervient pas pour remédier à une situation conflictuelle impliquant un confrère. Le différend entre un notaire et son client est pris en charge par un médiateur de la consommation, le médiateur du notariat. Il s'agit d'une autre institution attachée au Conseil supérieur du notariat (CSN).

La médiation entre notaires associés d'une même étude fait aussi l'objet d'un cadre spécifique que le CSN propose en dehors de celui de la médiation notariale.

Des litiges familiaux déjudiciarisés au profit du notariat

Selon les statistiques du ministère de la justice, le nombre de contentieux des affaires familiales diminue légèrement d'année en année. L'évolution de la loi, attribuant le règlement de certains divorces par consentement mutuel aux notaires, et promouvant le développement de la médiation, amène à une déjudiciarisation des conflits familiaux. Le notaire, chargé d'un divorce, se mue en juge aux affaires familiales pour ce qui relève de certaines ruptures du mariage non fautives.

Pour la médiation notariale, c'est différent. Le règlement du litige est effectué à la place du juge ou du notaire de famille parce qu'il existe un dissensus persistant entre les parties qu'elles souhaitent malgré tout résoudre à l'amiable. La procédure judiciaire de divorce peut aussi faire l'objet d'une médiation notariale, s'il y a un désaccord sur un point précis, comme par exemple la garde d'un enfant.

Le rôle des notaires médiateurs est de favoriser le dialogue entre les parties, et ainsi de favoriser les conditions à la résolution de leurs litiges. La limite de la médiation, c'est qu'elle n'est envisageable qu'en accord avec les parties en conflit. Aucune médiation ne s'engage sans le consentement des parties, et aucune solution n'est imposée à l'issue de la médiation. Lorsqu'elle aboutit, un accord est écrit. S'il s'agit d'un conflit successoral, un acte de partage permet de résoudre le différend.

Bien qu'il soit payant, le processus de médiation permet d'éviter les coûts plus élevés du procès. 70% des conflits qui font l'objet d'une médiation par un notaire aboutissent à un accord, selon la Lettre du notaire de septembre 2024. Maître Éloïse Vey, consultante à la direction nationale de la médiation, évoque aussi le problème récurrent de la dévalorisation des biens de famille en indivision. La valeur d'un immeuble litigieux est aggravée par une procédure judiciaire qui peut être très longue. Les prix de l'immobilier peuvent aussi baisser entre l'ouverture d'une succession et la décision du juge. Pendant la durée du conflit familial, les biens peuvent par ailleurs se dégrader faute d'entretien par l'une des parties.

Une fois saisi, le juge peut toujours ordonner une médiation tentée par un notaire médiateur. Dans ce cas, il va nommément désigner le médiateur ou l'un des centres de médiations notariales. Le tribunal reste saisi de l'affaire pendant la phase de médiation. En cas d'accord trouvé par les parties, elles ont deux possibilités. Elles peuvent abandonner le recours devant le tribunal ou demander au juge de valider l'accord pour le rendre exécutoire. En cas d'échec, les éléments tirés de la médiation ne pourront être repris par le juge.

La déjudiciarisation des contentieux de la famille par la médiation notariale pourrait être freinée par la création en 2023 de l'audience de règlement amiable (ARA). Elle est effectuée par un juge tiers désigné par le tribunal initialement saisi par les parties et présente l'avantage d'être gratuite.

Les médiations notariales participent toutefois à la diminution des contentieux des affaires familiales, et fidèlement à l'esprit de la loi de 2016, des contentieux en immobilier.

Une expertise privilégiée en matière patrimoniale

« La technique du notaire ne permet pas forcément la résolution du conflit », relève maître Vey. Pour autant, « pour de la médiation judiciaire, les magistrats sont rassurés d'avoir un notaire médiateur sur des problématiques patrimoniales ».

Le notaire est un professionnel du droit qui exerce un rôle de médiateur par la nature de son office. Il doit aviser toutes les parties des conséquences des actes avant qu'elles ne les signent. Il cherche aussi à concilier les intérêts de chacun dans des situations complexes sur le plan émotionnel, comme c'est le cas lors de la succession d'une maison ou d'une entreprise familiale.

Les notaires ont une expertise dans la négociation des baux commerciaux et les ventes de fonds de commerce. Ils interviennent aussi lorsque des blocages persistent dans les sociétés immobilières ou entre copropriétaires. Un notaire médiateur, tiers à la copropriété, à la place du professionnel habituel (syndic ou administrateur d'immeuble) peut aider ponctuellement à résoudre les difficultés. À la différence de l'avocat qui intervient dans toutes les spécialités du droit, le passage devant le notaire est obligatoire pour les propriétaires de biens immeubles. Il assure la sécurité des actes juridiques qu'il rédige et soumet à signature.

À la différence des commissaires de justice, également officiers publics, les notaires n'ont pas compétence pour agir en matière de constat ou de voies d'exécution. Un décret de 2021 a aussi ouvert la voie de la médiation aux CDJ. L'approche des notaires médiateurs se distingue puisqu'ils sont formés à la rédaction d'actes. Les deux professions peuvent agir sur les mêmes terrains, et tout particulièrement celui de l'immobilier commercial, mais chacune à sa manière. Un commissaire de justice sera compétent pour résoudre un conflit de voisinage dans la copropriété et les risques d'impayés d'un copropriétaire. Dans le même immeuble, le notaire médiateur sera plutôt sollicité pour régler les litiges sur le partage des charges, puisque habitué à la rédaction des règlements de copropriété, il sait les interpréter. Les notaires médiateurs peuvent intervenir dans les litiges entre personnes morales de droit public, typiquement pour des désaccords en urbanisme. Un domaine que le notariat maitrise. La médiation notariale a donc de l'avenir pour les désaccords en immobilier.

La participation prochaine des notaires au congrès de la médiation à Angers du 12 au 16 mars « démontre la volonté du notariat d'être un acteur impliqué dans le développement de la médiation », explique Nathalie Bonnaud-Choukroun. La présence du notariat français est incontournable à cette rencontre qui accueillera 16 pays.

Au programme, les différents intervenants évoqueront notamment les crises au sein de l'entreprise et le renouvellement de la médiation au sein des familles. Y sont attendus Claire Hédon, défenseure des droits, ainsi que nombre d’avocats et de magistrats de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire.

Antonio Desserre

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