À la veille du 3ème
congrès international de la médiation, les notaires se sont réunis le 25
février pour évoquer leurs fonctions de médiateur. Depuis l'adoption en 2016 de
la Loi Modernisation de la Justice du 21ème siècle, les
notaires, au même titre que les avocats et plus récemment les commissaires de
justice, proposent des médiations.
Ce mode alternatif de
règlement des litiges s'est accéléré en 2020, avec la création par le Conseil
supérieur du notariat de la direction nationale de la médiation. L'objectif est
de fédérer les 26 centres de médiations notariales présents dans toute la France.
La direction de la médiation centralise aussi l'offre de formations spécifiques
à cette activité en plein essor.
La médiation notariale,
d’abord uniquement conventionnelle, peut être judiciaire depuis 2022. Dans quel
cadre le notaire exerce-t-il cette activité ?
Un tiers de confiance
nécessaire à la résolution de conflits
« Ce qui m'a amené à la
médiation, c'est cette frustration de ne pas pouvoir aider les gens à résoudre
leurs conflits », raconte Fabrice François, membre du conseil
national de la médiation. Il a voulu passer « de la gestion de conflits
à la résolution de conflits ». Cependant, le notaire médiateur n'est
pas un juge. Il n'impose pas une solution au différend, mais « aide les
parties à solutionner leurs litiges » explique Nathalie
Bonnaud-Choukroun, notaire médiatrice.
De par son activité de
conseil juridique auprès des familles, à la recherche de compromis, le notaire
agit déjà en amiable compositeur. Il est d'autant plus considéré comme un tiers
de confiance, lorsqu'il intervient en qualité de médiateur.
L'indépendance est
essentielle au processus de médiation en raison du besoin d'agir avec
impartialité. Pour cette raison, le notaire chargé du dossier pour lequel il
est initialement saisi se déporte du conflit. Et les parties s'adressent à un
centre de médiations. La résolution du litige est ainsi confiée à un tiers, qui
n'est pas le notaire originellement saisi ou le notaire de famille. C'est
uniquement, en fin de médiation, lorsque celle-ci aboutit, que le notaire
d'origine est à nouveau chargé de rédiger les actes. Au Canada, État dans
lequel la pratique est en place depuis longtemps, le notaire saisi est aussi
celui qui se charge de la médiation. Une difficulté se pose quant à sa
proximité avec ses clients.
Un code de
déontologie a été décrété en décembre 2023 qui rappelle que les notaires
officient avec probité, impartialité et neutralité. Ils doivent
particulièrement veiller à éviter tous conflits d'intérêts, selon ce même
texte. Comme les avocats, ils sont tenus au secret professionnel qui est
général et absolu, précise maître François. « Le secret professionnel
ne peut être levé que par un texte, donc on retrouve cette notion
d'indépendance », ajoute-t-il. Le secret est inhérent à l'activité de
médiation, et le texte renforce la confiance que les parties au litige ont
quand elles s'adressent aux notaires pour résoudre leurs différends.
C'est en raison de cette
impartialité que le notaire médiateur n'intervient pas pour remédier à une
situation conflictuelle impliquant un confrère. Le différend entre un notaire
et son client est pris en charge par un médiateur de la consommation, le médiateur
du notariat. Il s'agit d'une autre institution attachée au Conseil
supérieur du notariat (CSN).
La médiation entre notaires
associés d'une même étude fait aussi l'objet d'un cadre spécifique que le CSN
propose en dehors de celui de la médiation notariale.
Des litiges familiaux
déjudiciarisés au profit du notariat
Selon les
statistiques du ministère de la justice, le nombre de contentieux des
affaires familiales diminue légèrement d'année en année. L'évolution de la loi,
attribuant le règlement de certains divorces par consentement mutuel aux
notaires, et promouvant le développement de la médiation, amène à une déjudiciarisation
des conflits familiaux. Le notaire, chargé d'un divorce, se mue en juge aux
affaires familiales pour ce qui relève de certaines ruptures du mariage non
fautives.
Pour la médiation notariale,
c'est différent. Le règlement du litige est effectué à la place du juge ou du
notaire de famille parce qu'il existe un dissensus persistant entre les parties
qu'elles souhaitent malgré tout résoudre à l'amiable. La procédure judiciaire
de divorce peut aussi faire l'objet d'une médiation notariale, s'il y a un
désaccord sur un point précis, comme par exemple la garde d'un enfant.
Le rôle des notaires
médiateurs est de favoriser le dialogue entre les parties, et ainsi de
favoriser les conditions à la résolution de leurs litiges. La limite de la
médiation, c'est qu'elle n'est envisageable qu'en accord avec les parties en
conflit. Aucune médiation ne s'engage sans le consentement des parties, et
aucune solution n'est imposée à l'issue de la médiation. Lorsqu'elle aboutit,
un accord est écrit. S'il s'agit d'un conflit successoral, un acte de partage
permet de résoudre le différend.
Bien qu'il soit payant, le
processus de médiation permet d'éviter les coûts plus élevés du procès. 70% des
conflits qui font l'objet d'une médiation par un notaire aboutissent à un
accord, selon la Lettre du notaire de septembre 2024. Maître Éloïse Vey,
consultante à la direction nationale de la médiation, évoque aussi le problème
récurrent de la dévalorisation des biens de famille en indivision. La valeur
d'un immeuble litigieux est aggravée par une procédure judiciaire qui peut être
très longue. Les prix de l'immobilier peuvent aussi baisser entre l'ouverture
d'une succession et la décision du juge. Pendant la durée du conflit familial,
les biens peuvent par ailleurs se dégrader faute d'entretien par l'une des parties.
Une fois saisi, le juge peut
toujours ordonner une médiation tentée par un notaire médiateur. Dans ce cas,
il va nommément désigner le médiateur ou l'un des centres de médiations
notariales. Le tribunal reste saisi de l'affaire pendant la phase de médiation.
En cas d'accord trouvé par les parties, elles ont deux possibilités. Elles
peuvent abandonner le recours devant le tribunal ou demander au juge de valider
l'accord pour le rendre exécutoire. En cas d'échec, les éléments tirés de la
médiation ne pourront être repris par le juge.
La déjudiciarisation des
contentieux de la famille par la médiation notariale pourrait être freinée par
la création en 2023 de l'audience de règlement amiable (ARA). Elle est
effectuée par un juge tiers désigné par le tribunal initialement saisi par les parties
et présente l'avantage d'être gratuite.
Les médiations notariales
participent toutefois à la diminution des contentieux des affaires familiales,
et fidèlement à l'esprit de la loi de 2016, des contentieux en immobilier.
Une expertise privilégiée en
matière patrimoniale
« La technique du
notaire ne permet pas forcément la résolution du conflit »,
relève maître Vey. Pour autant, « pour de la médiation judiciaire, les
magistrats sont rassurés d'avoir un notaire médiateur sur des problématiques
patrimoniales ».
Le notaire est un
professionnel du droit qui exerce un rôle de médiateur par la nature de son
office. Il doit aviser toutes les parties des conséquences des actes avant
qu'elles ne les signent. Il cherche aussi à concilier les intérêts de chacun
dans des situations complexes sur le plan émotionnel, comme c'est le cas lors
de la succession d'une maison ou d'une entreprise familiale.
Les notaires ont une
expertise dans la négociation des baux commerciaux et les ventes de fonds de
commerce. Ils interviennent aussi lorsque des blocages persistent dans les
sociétés immobilières ou entre copropriétaires. Un notaire médiateur, tiers à
la copropriété, à la place du professionnel habituel (syndic ou administrateur
d'immeuble) peut aider ponctuellement à résoudre les difficultés. À la
différence de l'avocat qui intervient dans toutes les spécialités du droit, le
passage devant le notaire est obligatoire pour les propriétaires de biens
immeubles. Il assure la sécurité des actes juridiques qu'il rédige et soumet à
signature.
À la différence des
commissaires de justice, également officiers publics, les notaires n'ont pas
compétence pour agir en matière de constat ou de voies d'exécution. Un décret
de 2021 a aussi ouvert la voie de la médiation aux CDJ. L'approche des notaires
médiateurs se distingue puisqu'ils sont formés à la rédaction d'actes. Les deux
professions peuvent agir sur les mêmes terrains, et tout particulièrement celui
de l'immobilier commercial, mais chacune à sa manière. Un commissaire de
justice sera compétent pour résoudre un conflit de voisinage dans la
copropriété et les risques d'impayés d'un copropriétaire. Dans le même
immeuble, le notaire médiateur sera plutôt sollicité pour régler les litiges
sur le partage des charges, puisque habitué à la rédaction des règlements de
copropriété, il sait les interpréter. Les notaires médiateurs peuvent
intervenir dans les litiges entre personnes morales de droit public,
typiquement pour des désaccords en urbanisme. Un domaine que le notariat
maitrise. La médiation notariale a donc de l'avenir pour les désaccords en
immobilier.
La participation prochaine
des notaires au congrès
de la médiation à Angers du 12 au 16 mars « démontre la volonté du
notariat d'être un acteur impliqué dans le développement de la médiation »,
explique Nathalie Bonnaud-Choukroun. La présence du notariat français est
incontournable à cette rencontre qui accueillera 16 pays.
Au programme, les différents
intervenants évoqueront notamment les crises au sein de l'entreprise et le
renouvellement de la médiation au sein des familles. Y sont attendus Claire
Hédon, défenseure des droits, ainsi que nombre d’avocats et de magistrats de
l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire.
Antonio
Desserre