En répondant à deux questions
prioritaires de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a validé la compatibilité de
ces nouvelles juridictions avec la Constitution, estimant notamment que la
présence d’un jury populaire pour juger les crimes de droit commun était
« une tradition républicaine », mais pas un principe
fondamental.
Le Conseil constitutionnel a
tranché : les cours criminelles départementales sont conformes à la
Constitution. Ces juridictions faisaient l’objet de deux questions prioritaires
de constitutionnalité (QPC). En cause principalement : l’absence de jury
populaire au sein de ces cours.
Dans leur unique décision
répondant aux deux questions, les Sages expliquent qu’« une tradition
républicaine (la présence d’un jury populaire, ndlr) ne saurait être utilement
invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire
à la Constitution ». Ils appuient cette justification par le fait que
si la très grande majorité des textes pris en matière de procédure pénale avant
l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 assurent la présence d’un jury,
ce principe a néanmoins déjà été écarté, « en dépit de son importance »,
pour certains crimes. Le Conseil cite notamment une loi de 1938 révisant le Code
de justice militaire pour l’armée de mer.
Les crimes « de droit
commun » pas réservés aux cours d’assises
Autre argument avancé par l’institution :
les dispositions assurant le jury présentes dans la loi « n’ont eu ni
pour objet ni pour effet de réserver à une juridiction composée d’un jury le
jugement des crimes « de droit commun », catégorie qui n’a au demeurant été
définie par aucun texte ». Le Conseil constitutionnel estime également
sur ce point que « le principe invoqué ne saurait être regardé comme
répondant à l’ensemble des critères requis pour la reconnaissance d’un principe
fondamental reconnu par les lois de la République ».
S’appuyant sur la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’institution assure également que
le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits,
les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, mais à la
condition que « ces différences ne procèdent pas de distinctions
injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales ».
Elle constate à ce titre que « les personnes jugées devant une cour
criminelle départementale sont, eu égard à la nature des faits qui leur sont
reprochés et aux circonstances exigées pour leur renvoi devant cette
juridiction, dans une situation différente de celle des personnes jugées devant
une cour d’assises ». Avec ces critères, le Conseil constitutionnel
estime que « le législateur n’a pas instauré de discriminations
injustifiées entre ces personnes ».
Des règles de majorité
différentes mais justifiées
Un autre problème soulevé par
ces QPC concernait la différence dans les règles de majorité. Les accusés jugés
devant une cour criminelle départementale seraient, selon les auteurs des
questions, défavorisés par rapport aux accusés jugés devant une cour d’assises.
« Si les accusés ne sont pas soumis aux mêmes règles de majorité selon
qu’ils comparaissent devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle
départementale, cette différence de traitement est justifiée par une différence
de situation tenant à la composition respective de ces deux juridictions »,
estime le Conseil constitutionnel, qui assure également que « les
règles applicables devant la cour criminelle départementales sont identiques à
celles applicables devant la cour d’assises », mais aussi que ces deux
types de cours présentent « par [leur] composition, les mêmes garanties
d’indépendance et d’impartialité ».
Dans un tweet, Éric
Dupond-Moretti s’est félicité de cette décision, un « jour important
pour les victimes », selon lui. « Je le répète, ce n’est pas
la mort de la cour d’assises que j’ai renforcée en redonnant toute sa
souveraineté au jury populaire », a-t-il assuré.
Benjamin Fiorini, maître de
conférences en droit privé et sciences criminelles à l’université Paris 8 et
fondateur de site Internet Sauvons les assises, a lui déploré « un
raisonnement qui est une insulte à notre histoire judiciaire et à la logique
juridique », annonçant une suite de son combat « sur le
terrain politique cette fois ».
Alexis
Duvauchelle