Alors
que le ministre du logement Guillaume Kasbarian présentait la semaine dernière son
projet de loi « relatif
au développement de logements abordables », le sujet des locations saisonnières
touristiques revient dans le débat. Elles sont directement visées par un autre
texte en cours d’examen au Parlement, qui doit remédier aux déséquilibres du
marché locatif.
Les parlementaires montent à
l’assaut d’Airbnb. Préparant la discussion en séance publique, le 21 mai, d'une
proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif, le
Sénat a conduit le mois dernier une consultation auprès des élus locaux afin de recueillir leur
sentiment sur les meublés de tourisme qui pullulent dans leurs communes.
Estimés à 800 000 sur un stock de 38 millions de logements en France, leur
essor provoque une « attrition » du parc de résidences
principales dans un certain nombre de villes, souligne le Sénat.
La nécessité de réguler la
location de meublés touristiques semble faire l'objet d'un relatif consensus. Dans
son 29ème rapport sur l'état du mal-logement en France, la Fondation Abbé
Pierre note que « de très nombreux
rapports ont abouti ces dernières années à la conclusion qu’il faut mieux
encadrer ces activités et supprimer leur niche fiscale, permettre aux
collectivités de limiter leur développement en leur imposant des mesures de compensation
pour le logement durable, un nombre de jours de location maximal, un numéro
unique d’enregistrement pour faciliter les contrôles ou des normes de
performance énergétique comme pour tout logement locatif ».
Adoptée en première lecture
par l'Assemblée nationale le 29 janvier, la proposition de loi visant à
remédier aux déséquilibres du marché locatif contient trois articles : le
premier soumet la location d'un meublé de tourisme à la réalisation d'un
diagnostic de performance énergétique, le second prévoit l'élargissement des
communes concernées par le régime du changement d'usage du local, prévu par
l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation. Enfin, le
troisième article vise à réduire les avantages fiscaux ouverts par ce type de
location. Autant de mesures qui répondent en partie aux inquiétudes des élus
locaux franciliens, principaux concernés par l’explosion des meublés touristiques.
La part des logements ayant fait l’objet d’une location touristique en petite
et en grande couronne est passée de 22,9% en 2016, à 33,5% en 2019, selon une
étude de l’Institut Paris Région.
Les
élus demandent des outils pour assurer un suivi
Pour Romain Marchand, 1er
adjoint chargé de l’aménagement de la ville d’Ivry-sur-Seine, le sujet est bien
une préoccupation, mais il regrette des moyens de suivi limités : « le
problème, c'est qu'on manque un peu de moyens humains pour travailler sur le
sujet, et encore moins dans une perspective de contrôle ». Pour lui, les
meublés touristiques représentent sans aucun doute des logements en moins pour
les Ivryens. Il estime qu'un soutien de l’État serait bienvenu : « clairement, il nous manque une vision
statistique, et une ingénierie pour travailler [sur ces questions] ».
La loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) du
23 novembre 2018 avait mis en place un certain nombre de règles à respecter
pour les propriétaires loueurs de meublés de tourisme, dont la limite de 120
jours de location pour les résidences principales. Sans que les communes ne
soit pour autant dotées des outils de contrôle nécessaires à leur bonne
application.
D’après le rapport de la
commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur la proposition
de loi, le développement d'une « API meublés » pourrait répondre au
besoin de suivi des locations de meublés touristiques. La loi visant à sécuriser et
réguler l'espace numérique (SREN), adoptée définitivement le 10 avril dernier, crée
cette interface de programmation d'application dont le but sera de « faciliter les
échanges de données entre les intermédiaires de location de meublés de tourisme
et les communes, afin de permettre à celles-ci de mieux contrôler le respect de
la réglementation ». L’expérimentation dans cinq communes en
2022 de ce dispositif par la direction générale des
entreprises (DGE), le pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN) et la
direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), a abouti
à un résultat « positif », « tant pour les plateformes
de location […] que pour les collectivités », selon le
gouvernement.
Rééquilibrer
la fiscalité au profit du logement durable
Reste l’épineuse question de
la fiscalité. Le rapport de la commission des affaires économiques souligne que
« la
fiscalité locative repose sur une dichotomie entre le régime foncier applicable
à la location nue et le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC),
applicable à la location meublée ». Ce
régime du micro-BIC ouvre « droit à
un abattement fiscal de 50 % des revenus annuels tirés de la location de
locaux meublés non classés, dont le plafond est fixé à
77 700 euros ». Si le propriétaire fait classer son meublé
de tourisme au titre du code du tourisme, il bénéficie même « d’un abattement de 71 % et d’un plafond
de 188 700 euros de recettes tirées de la location des biens ».
Ce régime fiscal s'avère donc particulièrement incitatif pour les bailleurs, en
comparaison du régime foncier appliqué à la location de logements nus. La
direction de la législation fiscale (DLF), interrogée dans le cadre du rapport,
évoque une « vétusté » des
règles fiscales s'appliquant aux loueurs en meublé, et considère que « l'ensemble des avantages » de leur
régime doit être remis à plat.
Aussi, afin de
réduire cette valorisation fiscale des meublés touristiques, le
troisième article de la proposition de loi prévoit d'aligner le régime fiscal
des meublés touristiques sur celui du régime du microfoncier. En zone tendue,
les meublés de tourisme bénéficieraient d'un régime à 50% et 30 000 euros de
plafond de revenus pour ceux qui sont classés, et à 30% et 15 000 euros de
plafond pour les meublés non classés. Les parlementaires espèrent que ce
rééquilibrage empêche les meublés de tourisme de devenir un frein au logement
durable et pérenne. Pour peu que le texte soit voté en l’état par les sénateurs.
Verdict le 21 mai au palais du Luxembourg.
Etienne
Antelme