ÉCONOMIE

Location meublée touristique : vers une réforme du régime fiscal

Location meublée touristique : vers une réforme du régime fiscal
Publié le 02/11/2023 à 12:32

Face à la prolifération des meublés touristiques de courte durée dans le paysage locatif qui bénéficient du régime fiscal avantageux de la location meublée, des pistes envisagées pour endiguer ce phénomène qui accentue la problématique du logement dans certaines communes pourraient bien entrer en vigueur dès 2024. Parmi elles, une réduction des abattements des logements meublés de tourisme classés dans les zones tendues.

« Depuis plusieurs années déjà, les locations meublées touristiques se sont multipliées, créant un effet de déséquilibre entre l’offre et la demande dans certains territoires. » Tels sont les propos introductifs formulés par l’experte en fiscalité des entreprises et droits des sociétés au sein de la société de services destinée aux professionnels SVP, Charline Laurent, lors du webinaire « La location meublée sera-t-elle toujours avantageuse en 2024 ? » dispensé le 5 octobre dernier.

Et pour cause, le régime fiscal des locations meublées présente des avantages d’exonérations que ne possède pas le régime fiscal des locations non meublées (microfoncier), aussi appelée locations nues. Ces dernières sont imposées comme des revenus fonciers avec un plafond à 15 000 euros, alors que les locations meublées le sont en tant que bénéfices industriels et commerciaux (BIC), avec un plafond plus élevé. « Une spécificité française qui crée une distorsion en faveur des locations meublées » explique le site UFC Que choisir, la location meublée devenant même une « niche fiscale » pour certains, pointe pour sa part l’experte.

Mais les meublés de tourisme, comme ils sont nommés dans les textes législatifs, bénéficient d’un régime plus avantageux que les locations meublées traditionnelles (logement occupé par un locataire sur une durée plus ou moins longue). En effet, le plafond pour le micro-BIC est de 77 700 euros pour les locations classiques, et s’élève à 188 700 euros pour un meublé touristique classé, avec un abattement de 71 % contre 30 % pour la location nue et 50 % pour de la location traditionnelle.

Avec le régime réel qui s’applique pour sa part au-delà du plafond fixé pour le micro-BIC, il est possible pour les investisseurs de déduire l’amortissement en sus de leurs charges, l’amortissement gommant entre 40 et 80 % des revenus locatifs voire 100 % parfois pour du logement neuf. L’ensemble des charges liées au bien immobiliers est également déductible, un choix donc « très intéressant » estime Charline Laurent.

Ces régimes s’appliquent toutefois uniquement aux locations meublées qui ne proposent pas de services de parahôtellerie, certains meublés touristiques en étant exemptés.

Des avantages fiscaux différents entre le régime de locations meublées professionnelles et non professionnelles

L’experte en droit des entreprises le rappelle : « la location meublée doit être bien distinguée de l’activité de parahôtellerie ». Dès lors qu’un logement remplit trois des quatre critères assujettis à la TVA et fixés par le décret de 2015, à savoir la fourniture du linge, la fourniture du petit déjeuner, la réception, et le nettoyage des locaux, le logement entre dans le régime bien moins « favorable » de la parahôtellerie, explique Charline Laurent.

De la même manière, il faut distinguer les locations meublées professionnelles (LMP) des locations meublées non professionnelles (LMNP) détaille l’experte. En effet, bien qu’elles entrent toutes les deux dans le régime de logement meublé, ces locations ne présentent pas les mêmes conséquences en matière d’impôts fiscaux, notamment sur le régime des plus-values.

Pour un LMNP, les amortissements ne sont pas pris en compte dans ce régime, créant une nouvelle fois « un effet d’aubaine de la location meublée », là où les LMP (dont l’inscription au RCS n’est plus obligée depuis 2018) peut voir des régimes d’exonération s’appliquer mais au bout de cinq années d’activités seulement, rendant la LMNP plus avantageuse. En revanche, l’imputation sur le revenu global est sans limitation de montant pour le LMP, à la différence des LMNP dont l’imputation s’effectue sur les revenus de même nature durant les dix années suivants pendant lesquelles l’activité est exercée à titre non professionnelle, récapitule l’experte.

Toutefois, rappelle Charline Laurent, pour obtenir les statuts de LMNP et LMP et se voir appliquer leur régimes spécifiques, les bailleurs doivent impérativement s’inscrire au greffe du tribunal de commerce du lieu où se situe le bien qu’ils louent.

Une définition juridique large de la location meublée non reconnue par le fisc

Mais si ces régimes fiscaux avec chacun leurs spécificités sont attrayants, c’est parce qu’ils échappent à la définition juridique plus large de la location meublée. En effet, au regard de cette définition, deux dispositifs s’appliquent pour la location d’une résidence principale.

Le premier est la loi du 6 juillet 1989 qui définit « le niveau minimum d’équipement et de confort » en qualité et nombre suffisant, complète Charline Laurent. Le décret du 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale constitue le second dispositif. Il indique que le mobilier doit comporter un minimum d’éléments listés par ledit décret. Pour que le logement soit juridiquement qualifié comme logement à usage de résidence principale, il doit donc remplir ces conditions qui ne sont pourtant pas reconnues fiscalement, puisqu’il suffit, pour qualifier un logement de meublé « de considérer une location à titre habituel ou occasionnel avec un minimum d’habitabilité sans autre précision », soulève l’experte.

Et de compléter que « le décret de 2015 est une source d’indice pour le fisc pour qualifier la location meublée mais pas une condition sine qua non de la qualification fiscale de l’activité en location meublée », expliquant le régime avantageux des locations meublées également applicable aux meublés touristiques qui bénéficient en outre d’exonérations fiscales plus élevées que les locations meublées traditionnelles.

Les locations meublées dans les zones tendues dans le viseur des réformes

Pour amoindrir l’effet d’aubaine des régimes favorables de la location meublée et de surcroit la prolifération des meublés touristiques qui empêche la location traditionnelle dans des zones tendues, une réforme a été envisagée.

Mais celle-ci « ne date pas d’hier » pointe Charline Laurent. En effet, les pistes d’une réforme ont fait l’objet d’étude dans deux rapports, à savoir celui de l’inspection générale des finances de 2022 qui « s’attelait déjà à essayer de réduire le régime fiscal de la location meublée du fait de l’expansion massif des locations touristiques dans certains territoires » intitulé « Lutter contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire national », et un rapport parlementaire plus récent de juillet 2023 nommé « Les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété ».

En ressort la piste d’une réforme « a minima » qui prévoit de limiter certains avantages de la location meublée classée imposée en micro-BIC en zone tendue uniquement, à savoir réduire l’abattement de 71 % à 50 %. Ce texte prévoit en outre de ramener le plafond du régime micro-BIC des meublés de tourismes classés au seuil des locations meublées traditionnelles, soit à 77 700 euros, et ce toujours pour les logements de ce type en zones tendues.

Une proposition de loi déposée fin mai 2023 par le gouvernement qui a annoncé vouloir « remettre à plat » le régime des locations meublées de courte durée dans le cadre de l’examen du projet de loi de finance pour 2024, va encore plus loin. Si elle propose également un abattement passant ici à 30 % avec un plafond à 15 000 euros, à l’instar des locations non meublées, soit plus de 10 fois moins que ce qui est actuellement prévu, la loi envisage également de diminuer l’abattement et le plafond pour les locations meublées traditionnelles en zone tendue seulement, avec un plafond de revenus à 50 000 euros. Si la réforme est acceptée, elle passera alors par voie d’amendement, précise l’experte.

Le seconde piste de réforme est un régime « de plus grande ampleur ». À l’image de la proposition de loi du gouvernement, la réforme consisterait à aligner le régime fiscal de la location meublée sur celui de la location nue qui, comme l’a rappelé l’experte, est moins intéressant, mais aussi bien pour de la location meublée classique que touristique. En outre, elle supprimerait la possibilité d’inclure les intérêts d’emprunt et l’amortissement des locaux dans les charges déductibles lorsque le bien générant des loyers n’est pas la résidence principale du locataire, l’amortissement pour les contribuables au réel serait restreint aux seuls meubles, et la Cotisation foncière des entreprises (CFE) serait supprimée pour les locations meublées.

Des leviers fiscaux offertes aux collectivités pour réduire les meublés touristiques

« Alors à quoi s’attendre ? », interroge Charline Laurent. Selon l’experte, nous nous orientons plutôt vers la réforme « a minima » qui ne toucherait alors que les meublés de tourismes classés.

Toutefois, des questions restent pour l’heure en suspens. Est-ce que la réforme se fera bien par zonage (selon le nombre d’habitants ou selon qu’il s’agisse d’une zone tendue), est-ce que la diminution de l’abattement envisagée sera bien celle initialement mentionnée ?... les régimes envisagés étant en évolution, comme le souligne Charline Laurent. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire l’a d’ailleurs attesté lors d’un discours le 27 septembre dernier relatif au projet de loi de finance pour 2024, indiquant que le gouvernement « est prêt à avancer sur le sujet », et que le « dialogue continue ».

Mais si des régimes moins avantageux sont envisagés pour contraindre la location meublée touristiques voire la location meublée classique dans les zones tendues, (dans le cas où la réforme passerait), il est également possible de jouer sur les leviers fiscaux offerts aux collectivités, pointe l’experte, et certaines communes l’ont déjà bien compris.

Elles peuvent en effet jouer sur la majoration de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires où la majoration passe dans certains territoires « de 5 à 60 % » indique Charline Laurent. Mais seules les communes de plus de 50 000 habitants avec une disparité entre l’offre et la demande de logement sont concernées pour le moment. Un décret d’août 2023 qui entrera en vigueur le 1er janvier 2024, étend toutefois la liste des communes avec de nouveaux critères, et intègre ainsi les communes de moins de 50 000 habitants où il y a une explosion des meublés de tourisme, précise l’experte.

La réglementation du changement d’usage pour les meublés de tourisme est également un levier possible. Elle s’applique à toutes les locations touristiques considérées comme logement d’habitation au 1er janvier 1978 et après, exceptée aux résidences principales louées moins de 120 jours dans les communs de plus de 200 000 habitants (ce qui est le cas de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne notamment) et les zones tendues dans les communes de plus de 50 000 habitants.

Alors, à la question « est-ce que la location meublée sera toujours avantageuse en 2024 ? », l’on peut, d’après les réformes envisagées, pencher pour la négative, et notamment pour les locations meublées classiques qui pourraient se retrouver pénalisées du fait de la multiplication des meublés touristiques. Mais est-ce que ces réformes auront pour effet de limiter leur prolifération, ce qui est in fine l’effet recherché ? Seul le temps nous le dira.

Allison Vaslin

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