Face à la prolifération des meublés
touristiques de courte durée dans le paysage locatif qui bénéficient du régime
fiscal avantageux de la location meublée, des pistes envisagées pour endiguer
ce phénomène qui accentue la problématique du logement dans certaines communes pourraient
bien entrer en vigueur dès 2024. Parmi elles, une réduction des abattements des
logements meublés de tourisme classés dans les zones tendues.
« Depuis plusieurs
années déjà, les locations meublées touristiques se sont multipliées, créant un
effet de déséquilibre entre l’offre et la demande dans certains territoires. »
Tels sont les propos introductifs formulés par l’experte en fiscalité des
entreprises et droits des sociétés au sein de la société de services destinée
aux professionnels SVP, Charline Laurent, lors du webinaire « La
location meublée sera-t-elle toujours avantageuse en 2024 ? » dispensé
le 5 octobre dernier.
Et pour cause, le régime
fiscal des locations meublées présente des avantages d’exonérations que ne
possède pas le régime fiscal des locations non meublées (microfoncier), aussi
appelée locations nues. Ces dernières sont imposées comme des revenus fonciers avec
un plafond à 15 000 euros, alors que les locations meublées le sont en
tant que bénéfices industriels et commerciaux (BIC), avec un plafond plus
élevé. « Une spécificité française qui crée une distorsion en faveur
des locations meublées » explique le site UFC Que choisir, la location
meublée devenant même une « niche fiscale » pour certains,
pointe pour sa part l’experte.
Mais les meublés de tourisme,
comme ils sont nommés dans les textes législatifs, bénéficient d’un régime plus
avantageux que les locations meublées traditionnelles (logement occupé par un
locataire sur une durée plus ou moins longue). En effet, le plafond pour le
micro-BIC est de 77 700 euros pour les locations classiques, et s’élève à
188 700 euros pour un meublé touristique classé, avec un abattement de
71 % contre 30 % pour la location nue et 50 % pour de la
location traditionnelle.
Avec le régime réel qui
s’applique pour sa part au-delà du plafond fixé pour le micro-BIC, il est
possible pour les investisseurs de déduire l’amortissement en sus de leurs
charges, l’amortissement gommant entre 40 et 80 % des revenus locatifs
voire 100 % parfois pour du logement neuf. L’ensemble des charges liées au
bien immobiliers est également déductible, un choix donc « très
intéressant » estime Charline Laurent.
Ces régimes s’appliquent
toutefois uniquement aux locations meublées qui ne proposent pas de services de
parahôtellerie, certains meublés touristiques en étant exemptés.
Des avantages fiscaux
différents entre le régime de locations meublées professionnelles et non
professionnelles
L’experte en droit des
entreprises le rappelle : « la location meublée doit être bien
distinguée de l’activité de parahôtellerie ». Dès lors qu’un logement
remplit trois des quatre critères assujettis à la TVA et fixés par le décret de
2015, à savoir la fourniture du linge, la fourniture du petit déjeuner, la
réception, et le nettoyage des locaux, le logement entre dans le régime bien
moins « favorable » de la parahôtellerie, explique Charline
Laurent.
De la même manière, il faut
distinguer les locations meublées professionnelles (LMP) des locations meublées
non professionnelles (LMNP) détaille l’experte. En effet, bien qu’elles entrent
toutes les deux dans le régime de logement meublé, ces locations ne présentent
pas les mêmes conséquences en matière d’impôts fiscaux, notamment sur le régime
des plus-values.
Pour un LMNP, les
amortissements ne sont pas pris en compte dans ce régime, créant une nouvelle
fois « un effet d’aubaine de la location meublée », là où les
LMP (dont l’inscription au RCS n’est plus obligée depuis 2018) peut voir des
régimes d’exonération s’appliquer mais au bout de cinq années d’activités
seulement, rendant la LMNP plus avantageuse. En revanche, l’imputation sur le
revenu global est sans limitation de montant pour le LMP, à la différence des
LMNP dont l’imputation s’effectue sur les revenus de même nature durant les dix
années suivants pendant lesquelles l’activité est exercée à titre non
professionnelle, récapitule l’experte.
Toutefois, rappelle Charline
Laurent, pour obtenir les statuts de LMNP et LMP et se voir appliquer leur
régimes spécifiques, les bailleurs doivent impérativement s’inscrire au greffe
du tribunal de commerce du lieu où se situe le bien qu’ils louent.
Une définition juridique
large de la location meublée non reconnue par le fisc
Mais si ces régimes fiscaux avec
chacun leurs spécificités sont attrayants, c’est parce qu’ils échappent à la
définition juridique plus large de la location meublée. En effet, au regard de
cette définition, deux dispositifs s’appliquent pour la location d’une
résidence principale.
Le premier est la loi du 6
juillet 1989 qui définit « le niveau minimum d’équipement et de
confort » en qualité et nombre suffisant, complète Charline Laurent. Le
décret du 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location de logement à
usage de résidence principale constitue le second dispositif. Il indique que le
mobilier doit comporter un minimum d’éléments listés par ledit décret. Pour que
le logement soit juridiquement qualifié comme logement à usage de résidence
principale, il doit donc remplir ces conditions qui ne sont pourtant pas
reconnues fiscalement, puisqu’il suffit, pour qualifier un logement de meublé
« de considérer une location à titre habituel ou occasionnel avec un
minimum d’habitabilité sans autre précision », soulève l’experte.
Et de compléter que « le
décret de 2015 est une source d’indice pour le fisc pour qualifier la location
meublée mais pas une condition sine qua non de la qualification fiscale de
l’activité en location meublée », expliquant le régime avantageux des
locations meublées également applicable aux meublés touristiques qui
bénéficient en outre d’exonérations fiscales plus élevées que les locations
meublées traditionnelles.
Les locations meublées dans
les zones tendues dans le viseur des réformes
Pour amoindrir l’effet d’aubaine
des régimes favorables de la location meublée et de surcroit la prolifération
des meublés touristiques qui empêche la location traditionnelle dans des zones
tendues, une réforme a été envisagée.
Mais celle-ci « ne
date pas d’hier » pointe Charline Laurent. En effet, les pistes d’une
réforme ont fait l’objet d’étude dans deux rapports, à savoir celui de
l’inspection générale des finances de 2022 qui « s’attelait déjà à
essayer de réduire le régime fiscal de la location meublée du fait de
l’expansion massif des locations touristiques dans certains territoires »
intitulé « Lutter contre l’attrition des résidences principales dans les
zones touristiques en Corse et sur le territoire national », et un rapport
parlementaire plus récent de juillet 2023 nommé « Les dépenses fiscales
et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété ».
En ressort la piste d’une
réforme « a minima » qui prévoit de limiter certains avantages de la
location meublée classée imposée en micro-BIC en zone tendue uniquement, à
savoir réduire l’abattement de 71 % à 50 %. Ce texte prévoit en outre
de ramener le plafond du régime micro-BIC des meublés de tourismes classés au
seuil des locations meublées traditionnelles, soit à 77 700 euros, et ce toujours
pour les logements de ce type en zones tendues.
Une proposition de loi
déposée fin mai 2023 par le gouvernement qui a annoncé vouloir « remettre
à plat » le régime des locations meublées de courte durée dans le
cadre de l’examen du projet de loi de finance pour 2024, va encore plus loin. Si
elle propose également un abattement passant ici à 30 % avec un plafond à
15 000 euros, à l’instar des locations non meublées, soit plus de 10 fois
moins que ce qui est actuellement prévu, la loi envisage également de diminuer
l’abattement et le plafond pour les locations meublées traditionnelles en zone
tendue seulement, avec un plafond de revenus à 50 000 euros. Si la réforme
est acceptée, elle passera alors par voie d’amendement, précise l’experte.
Le seconde piste de réforme
est un régime « de plus grande ampleur ». À l’image de la
proposition de loi du gouvernement, la réforme consisterait à aligner le régime
fiscal de la location meublée sur celui de la location nue qui, comme l’a
rappelé l’experte, est moins intéressant, mais aussi bien pour de la location
meublée classique que touristique. En outre, elle supprimerait la possibilité
d’inclure les intérêts d’emprunt et l’amortissement des locaux dans les charges
déductibles lorsque le bien générant des loyers n’est pas la résidence
principale du locataire, l’amortissement pour les contribuables au réel serait
restreint aux seuls meubles, et la Cotisation foncière des entreprises (CFE)
serait supprimée pour les locations meublées.
Des leviers fiscaux offertes
aux collectivités pour réduire les meublés touristiques
« Alors à quoi
s’attendre ? », interroge Charline Laurent. Selon l’experte, nous
nous orientons plutôt vers la réforme « a minima » qui ne toucherait
alors que les meublés de tourismes classés.
Toutefois, des questions
restent pour l’heure en suspens. Est-ce que la réforme se fera bien par zonage
(selon le nombre d’habitants ou selon qu’il s’agisse d’une zone tendue), est-ce
que la diminution de l’abattement envisagée sera bien celle initialement
mentionnée ?... les régimes envisagés étant en évolution, comme le
souligne Charline Laurent. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire l’a
d’ailleurs attesté lors d’un discours le 27 septembre dernier relatif au projet
de loi de finance pour 2024, indiquant que le gouvernement « est prêt à
avancer sur le sujet », et que le « dialogue continue ».
Mais si des régimes moins
avantageux sont envisagés pour contraindre la location meublée touristiques
voire la location meublée classique dans les zones tendues, (dans le cas où la
réforme passerait), il est également possible de jouer sur les leviers fiscaux
offerts aux collectivités, pointe l’experte, et certaines communes l’ont déjà
bien compris.
Elles peuvent en effet jouer
sur la majoration de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires où la
majoration passe dans certains territoires « de 5 à 60 % »
indique Charline Laurent. Mais seules les communes de plus de 50 000
habitants avec une disparité entre l’offre et la demande de logement sont
concernées pour le moment. Un décret d’août 2023 qui entrera en vigueur le 1er
janvier 2024, étend toutefois la liste des communes avec de nouveaux critères,
et intègre ainsi les communes de moins de 50 000 habitants où il y a une
explosion des meublés de tourisme, précise l’experte.
La réglementation du
changement d’usage pour les meublés de tourisme est également un levier possible.
Elle s’applique à toutes les locations touristiques considérées comme logement d’habitation
au 1er janvier 1978 et après, exceptée aux résidences principales
louées moins de 120 jours dans les communs de plus de 200 000 habitants (ce qui
est le cas de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne notamment) et les zones
tendues dans les communes de plus de 50 000 habitants.
Alors, à la question « est-ce
que la location meublée sera toujours avantageuse en 2024 ? », l’on
peut, d’après les réformes envisagées, pencher pour la négative, et notamment
pour les locations meublées classiques qui pourraient se retrouver pénalisées du
fait de la multiplication des meublés touristiques. Mais est-ce que ces réformes
auront pour effet de limiter leur prolifération, ce qui est in fine
l’effet recherché ? Seul le temps nous le dira.
Allison
Vaslin