Alors que les actes
antisémites ont reculé en 2024, les autres faits à caractère raciste et
xénophobe ont quant à eux bondi. Par ailleurs, bien que les affaires jugées soient
en hausse, pour la Commission nationale consultative des droits de l’homme, « la
réponse pénale n’est pas à la hauteur des enjeux ».
Malgré un contexte politique tendu
en 2024, avec notamment un siège vacant pendant plus de huit mois à la tête de la
Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et
la haine anti-LGBT (DILCRAH), le baromètre de la Commission
nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) révèle quelques
résultats encourageants.
Pour l’année passée, l’indice
de tolérance en France s’élève en effet à 63/100, alors qu’il avait reculé de
trois points en 2023. Il s’agit là du troisième meilleur score depuis 1990,
souligne la CNCDH.
Une progression favorisée
notamment par un renouvellement de génération, plus tolérante que les plus précédentes,
ce que la Commission appelle la « polarisation générationnelle ».
Selon les données, le niveau de tolérance progresse ainsi chez les plus jeunes
tranches d’âge (1987 et après) « tandis que [celui] des cohortes les
plus anciennes soit stagn[e], soit recul[e] ».
Les préjugés persistent
Malgré des progrès, certains préjugés
et discriminations persistent, notamment à l’égard des minorités comme les Roms,
la moins acceptée, 59 % des répondants estimant qu’il forment « un
groupe à part », loin devant les Musulmans (32 %). La statistique
est toutefois en baisse au regard des années précédentes.
Les stéréotypes sur les immigrés
ont également la peau dure, puisque 60 % des répondants pensent encore que
de nombreux immigrés viennent en France dans l’unique but de profiter de la
protection sociale, et 46 % s’accordent à dire que l’insécurité est
symptomatique de l’immigration.
Quant aux clichés antisémites,
36 % des sondés estiment que les Juifs « ont un rapport
particulier à l’argent », mais 90 % partagent l’opinion selon
laquelle « les Français juifs sont des Français comme les autres ».
Les diffamations xénophobes
en forte hausse
Si les faits racistes envers
les Juifs sont en léger recul, avec 1 570 faits recensés contre 1 676
en 2023, la CNCDH constate cependant « une hausse des autres faits
racistes et xénophobes. En outre, les violences envers les personnes ont
progressé. »
D’après les données de
PHAROS, service de lutte contre la haine en ligne, le pourcentage de
signalements pour provocation publique à la haine, discrimination, injures et
diffamations xénophobes a bondi de 55 % entre 2023 et 2024, pour atteindre
cette dernière année les 36 048 signalements.
9 350 crimes ou délits à
caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont été recensés en 2024 selon
les données du Service statistique (SSMSI), soit une hausse de 11 % par
rapport à 2023. Les atteintes à la vie et violences, ainsi que les menaces
ou chantage ont respectivement progressé de 23 et 14 %.
Plus d’un million de victimes
non déclarées
Des chiffres éloquents qui seraient
pourtant loin de la réalité, la commission évoquant une « sous-déclaration »
et des « chiffres noirs ». Selon une enquête de 2022 de VRS
(vécu et ressenti en matière de sécurité) menée par l’INSEE, 1,2 million de
personnes âgées de 14 ans et plus estiment avoir été victimes chaque année d’au
moins une atteinte à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.
Toutefois, 97 % des
victimes ne portent pas plainte, diminuant de facto les chiffres réels. Phénomène
que la CNCDH explique par le manque de confiance des citoyens dans les
institutions, le sentiment que la démarche ne sera pas utile, ou encore la peur
des représailles.
La Commission rappelle
également son opposition au recours à la main courante en cas d’infractions à
caractère raciste, antisémite ou xénophobe et sa volonté de les interdire dans
ce cas précis.
Des conséquences sur la santé
des victimes
La rapport 2024 opère
également un focus sur l’impact du racisme et des discriminations sur la santé,
et plus précisément les conséquences physiques et psychologiques.
Selon la CNCDH, les personnes
qui subissent le racisme - en ligne comme dans la vraie vie - verraient « leur
état de santé se dégrader ». « Hypervigilance, stress,
dépression, anxiété, parfois associés à des maux de tête, de l’hypertension
sont fréquents chez les personnes racisées » liste la Commission. Ce
qui entraînerait entre autres des dépressions et un isolement marqué.
Et si le racisme peut avoir
un impact « très précoce », il peut se poursuivre dans la
sphère professionnelle, avec des opportunités freinées par des préjugés, ou une
minimisation des compétences qui « affecte durablement la confiance en
soi ».
Des biais raciaux qui
s’infiltrent jusque dans les hôpitaux et la prise en charge médicale d’un
patient d’ordinaire stéréotypé, puisque des études démontrent « la
persistance d’un ressenti de discrimination dans le domaine de la santé chez
les personnes immigrées ou ayant un lien avec l’immigration »,
rapporte la CNCDH.
Cette dernière revient
notamment sur le « syndrome méditerranéen » qui suppose une
dramatisation ou une exagération « culturelle » de la douleur
éprouvée par des personnes d’origine africaine ou méditerranéenne. Deux femmes
ont par exemple trouvé la mort faute d’avoir eu l’attention et les soins
nécessaires en raison de ce préjugé.
Un traitement
judiciaire jugé insuffisant
Autre point d’attention, le
traitement judiciaire des infractions entrant dans le champ du racisme. Ne
pouvant se baser sur les chiffres de 2024 puisqu’ils n’ont pas été communiqués,
la Commission s’est appuyée sur les données de 2023 du ministère de la Justice.
Selon ce dernier, le taux de
réponse pénale s’élèverait à 86 %. Toutefois, la CNCDH relève que « la
méthode de calcul utilisée ne permet pas d’éclairer la situation réelle du
traitement judiciaire » de ces infractions, et table plutôt sur un
taux de réponse de 43 %.
Le rapport fait également
état de 8 282 affaires traitées en 2023 par les parquets, soit une légère
augmentation de 4 % quand le nombre d’actes enregistrés par le ministère
de l’Intérieur augmentait de 32 %.
Par ailleurs, 1 600
condamnations ont été prononcées, et seulement cinq pour discrimination.
« La réponse pénale n’est pas à la hauteur des enjeux »,
déplore la Commission.
44 recommandations pour
lutter contre toutes formes de racisme et de discrimination viennent compléter
le rapport, parmi lesquelles utiliser davantage l’éventail des peines prévues
par le Code pénal, former les personnels soignants et éducatifs, ou encore renforcer
la lutte contre la haine en ligne.
Allison
Vaslin