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Racisme, antisémitisme, xénophobie… Un bilan en demi-teinte

Racisme, antisémitisme, xénophobie… Un bilan en demi-teinte
Publié le 05/08/2025 à 08:40

Alors que les actes antisémites ont reculé en 2024, les autres faits à caractère raciste et xénophobe ont quant à eux bondi. Par ailleurs, bien que les affaires jugées soient en hausse, pour la Commission nationale consultative des droits de l’homme, « la réponse pénale n’est pas à la hauteur des enjeux ».

Malgré un contexte politique tendu en 2024, avec notamment un siège vacant pendant plus de huit mois à la tête de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), le baromètre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) révèle quelques résultats encourageants.

Pour l’année passée, l’indice de tolérance en France s’élève en effet à 63/100, alors qu’il avait reculé de trois points en 2023. Il s’agit là du troisième meilleur score depuis 1990, souligne la CNCDH.

Une progression favorisée notamment par un renouvellement de génération, plus tolérante que les plus précédentes, ce que la Commission appelle la « polarisation générationnelle ». Selon les données, le niveau de tolérance progresse ainsi chez les plus jeunes tranches d’âge (1987 et après) « tandis que [celui] des cohortes les plus anciennes soit stagn[e], soit recul[e] ».

Les préjugés persistent

Malgré des progrès, certains préjugés et discriminations persistent, notamment à l’égard des minorités comme les Roms, la moins acceptée, 59 % des répondants estimant qu’il forment « un groupe à part », loin devant les Musulmans (32 %). La statistique est toutefois en baisse au regard des années précédentes.

Les stéréotypes sur les immigrés ont également la peau dure, puisque 60 % des répondants pensent encore que de nombreux immigrés viennent en France dans l’unique but de profiter de la protection sociale, et 46 % s’accordent à dire que l’insécurité est symptomatique de l’immigration.

Quant aux clichés antisémites, 36 % des sondés estiment que les Juifs « ont un rapport particulier à l’argent », mais 90 % partagent l’opinion selon laquelle « les Français juifs sont des Français comme les autres ».

Les diffamations xénophobes en forte hausse

Si les faits racistes envers les Juifs sont en léger recul, avec 1 570 faits recensés contre 1 676 en 2023, la CNCDH constate cependant « une hausse des autres faits racistes et xénophobes. En outre, les violences envers les personnes ont progressé. »

D’après les données de PHAROS, service de lutte contre la haine en ligne, le pourcentage de signalements pour provocation publique à la haine, discrimination, injures et diffamations xénophobes a bondi de 55 % entre 2023 et 2024, pour atteindre cette dernière année les 36 048 signalements.

9 350 crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont été recensés en 2024 selon les données du Service statistique (SSMSI), soit une hausse de 11 % par rapport à 2023. Les atteintes à la vie et violences, ainsi que les menaces ou chantage ont respectivement progressé de 23 et 14 %.

Plus d’un million de victimes non déclarées

Des chiffres éloquents qui seraient pourtant loin de la réalité, la commission évoquant une « sous-déclaration » et des « chiffres noirs ». Selon une enquête de 2022 de VRS (vécu et ressenti en matière de sécurité) menée par l’INSEE, 1,2 million de personnes âgées de 14 ans et plus estiment avoir été victimes chaque année d’au moins une atteinte à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.

Toutefois, 97 % des victimes ne portent pas plainte, diminuant de facto les chiffres réels. Phénomène que la CNCDH explique par le manque de confiance des citoyens dans les institutions, le sentiment que la démarche ne sera pas utile, ou encore la peur des représailles.

La Commission rappelle également son opposition au recours à la main courante en cas d’infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe et sa volonté de les interdire dans ce cas précis.

Des conséquences sur la santé des victimes

La rapport 2024 opère également un focus sur l’impact du racisme et des discriminations sur la santé, et plus précisément les conséquences physiques et psychologiques.

Selon la CNCDH, les personnes qui subissent le racisme - en ligne comme dans la vraie vie - verraient « leur état de santé se dégrader ». « Hypervigilance, stress, dépression, anxiété, parfois associés à des maux de tête, de l’hypertension sont fréquents chez les personnes racisées » liste la Commission. Ce qui entraînerait entre autres des dépressions et un isolement marqué.

Et si le racisme peut avoir un impact « très précoce », il peut se poursuivre dans la sphère professionnelle, avec des opportunités freinées par des préjugés, ou une minimisation des compétences qui « affecte durablement la confiance en soi ».

Des biais raciaux qui s’infiltrent jusque dans les hôpitaux et la prise en charge médicale d’un patient d’ordinaire stéréotypé, puisque des études démontrent « la persistance d’un ressenti de discrimination dans le domaine de la santé chez les personnes immigrées ou ayant un lien avec l’immigration », rapporte la CNCDH.

Cette dernière revient notamment sur le « syndrome méditerranéen » qui suppose une dramatisation ou une exagération « culturelle » de la douleur éprouvée par des personnes d’origine africaine ou méditerranéenne. Deux femmes ont par exemple trouvé la mort faute d’avoir eu l’attention et les soins nécessaires en raison de ce préjugé.

Un traitement judiciaire jugé insuffisant

Autre point d’attention, le traitement judiciaire des infractions entrant dans le champ du racisme. Ne pouvant se baser sur les chiffres de 2024 puisqu’ils n’ont pas été communiqués, la Commission s’est appuyée sur les données de 2023 du ministère de la Justice.

Selon ce dernier, le taux de réponse pénale s’élèverait à 86 %. Toutefois, la CNCDH relève que « la méthode de calcul utilisée ne permet pas d’éclairer la situation réelle du traitement judiciaire » de ces infractions, et table plutôt sur un taux de réponse de 43 %.

Le rapport fait également état de 8 282 affaires traitées en 2023 par les parquets, soit une légère augmentation de 4 % quand le nombre d’actes enregistrés par le ministère de l’Intérieur augmentait de 32 %.

Par ailleurs, 1 600 condamnations ont été prononcées, et seulement cinq pour discrimination. « La réponse pénale n’est pas à la hauteur des enjeux », déplore la Commission.

44 recommandations pour lutter contre toutes formes de racisme et de discrimination viennent compléter le rapport, parmi lesquelles utiliser davantage l’éventail des peines prévues par le Code pénal, former les personnels soignants et éducatifs, ou encore renforcer la lutte contre la haine en ligne.

Allison Vaslin

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