Publié le 8 avril, ce texte à
l’initiative du barreau des Hauts-de-Seine dénonce une nouvelle fois les
conditions de détention au sein des prisons françaises et appelle à faire des JO
une opportunité pour désemplir les prisons, à l’heure où la France enregistre
un taux de surpopulation carcérale de 124,6 %.
L’État continue de se faire
taper sur les doigts. Après de multiples injonctions, condamnations et rappels
à l’ordre, cette fois-ci, c’est une lettre ouverte à destination du ministre de
la Justice, publiée le 8 avril, qui tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme
sur la situation dans les prisons françaises, où le nombre de détenus grimpe « de façon ininterrompue ».
À l’origine de ce courrier,
le barreau des Hauts-de-Seine, soutenu par les barreaux de Melun, de
Seine-Saint-Denis, du Val-d’Oise, d’Auxerre, de Meaux de Fontainebleau et de
Chartres, où les établissements pénitentiaires sont le « reflet de
cette surpopulation carcérale », nous explique le vie-bâtonnier du barreau
altoséquanais Fabien Arakelian.
En effet, le seul centre
pénitentiaire de Nanterre recense aujourd’hui 1 030 personnes détenues
pour 592 places. Au niveau national, près de 77 000 détenus sont dénombrés
pour une capacité d’accueil limitée à 60 719 places, soit 124,6 % de
surpopulation carcérale d’après les chiffres de la Fondation Ifrap. « Alors
qu’est-ce qu’on attend ? » s’insurge le bâtonnier, qui a lui-même
pu constater les conditions « indignes » dans lesquelles vivent
les détenus, lors d’une visite, le 12 mars dernier, à la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine.
Fabien Arakelian le rappelle,
« la détention, c’est une privation de la liberté d’aller et venir, ce
n’est pas purger une peine dans des conditions indignes. D’autant qu’il ne faut
pas oublier que parmi ces personnes incarcérées, on compte également des
personnes en détention provisoire présumées innocentes. »
Les Jeux de Paris comme
opportunité pour vider les prisons
« Notre rôle en tant
qu’auxiliaire de justice c’est donc d’alerter, de dénoncer, notamment avec la
perspective des JO en région parisienne, puisqu’on nous annonce du répressif à
tout va, on imagine donc qu’il va y avoir potentiellement des conséquences au
niveau des incarcérations et de la surpopulation carcérale » pointe par
ailleurs Fabien Arakelian.
En effet, pendant les Jeux,
le ministère de la Justice, par le biais de ses circulaires, invite « à la
mise en place d’une politique pénale déterminée prévoyant des réponses rapides
et fortes, ce qui aura pour effet d’aggraver le phénomène », souligne
la lettre ouverte, alors même qu’il pourrait s’agir, estiment les bâtonniers,
d’une opportunité pour vider les prisons, à l’image de ce qui avait été
entrepris lors de la crise Covid.
A cette époque, 13 500
détenus avaient pu être remis en liberté, « sans mettre en péril la
sécurité des citoyens », soutient Fabien Arakelian. Mais si la France
« a raté cette occasion de mettre un terme à une surpopulation
carcérale chronique », affirme-t-il, les JO pourraient, selon les barreaux
signataires, « être une épreuve de rattrapage et doivent être l’occasion
de mettre un terme définitif à cette situation intenable ».
Et si le bâtonnier du barreau
des Hauts-de-Seine n’espère pas de réponse de la part du gouvernement, pour lui, une
chose est sûre, « construire des places de prisons supplémentaires n’est
pas la solution ». « La problématique est plus globale, il faut
penser à des alternatives aux détentions provisoires et aux incarcérations »,
martèle Fabien Arakelian.
Un nouveau référé liberté
bientôt déposé
Pour les barreaux signataires,
il est temps que l’État prenne ses responsabilités. « C’est insensé de
demander aux citoyens de respecter les décisions de justice quand l’État lui-même
ne le fait pas », estime le bâtonnier du barreau des Hauts-de-Seine.
A deux reprises déjà, le tribunal
administratif de Cergy a condamné l’État et lui a enjoint de respecter un
certain nombre d’injonctions, notamment concernant le système électrique, l’état
des fenêtres, la dératisation de la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine. « Or,
nous constatons que ces décisions ne sont pas respectées, fustige Fabien
Arakelian. C’est pourquoi nous nous apprêtons dans les prochains jours, avec
l’Observatoire international des prisons (OIP), à déposer un nouveau référé
liberté pour que l’État soit condamné sous astreinte à effectuer ces injonctions.
On demande à l’État de respecter des décisions
de justice : c'est le monde à l'envers », ironise le bâtonnier.
D’ici là, pour un effet « coup
de poing », une conférence de presse est organisée ce vendredi à l’Ordre
des avocats du barreau des Hauts-de-Seine. Objectif, nous indique Fabien
Arakelian : « montrer aux journalistes les photos » des
cellules dans lesquelles sont enfermés les détenus. Des membres de l’OIP et un
certain nombre de bâtonniers répondront également présents.
Allison
Vaslin