JUSTICE

Surpopulation carcérale : huit barreaux tirent la sonnette d’alarme dans une lettre ouverte

Surpopulation carcérale : huit barreaux tirent la sonnette d’alarme dans une lettre ouverte
Publié le 09/04/2024 à 15:34

Publié le 8 avril, ce texte à l’initiative du barreau des Hauts-de-Seine dénonce une nouvelle fois les conditions de détention au sein des prisons françaises et appelle à faire des JO une opportunité pour désemplir les prisons, à l’heure où la France enregistre un taux de surpopulation carcérale de 124,6 %.

L’État continue de se faire taper sur les doigts. Après de multiples injonctions, condamnations et rappels à l’ordre, cette fois-ci, c’est une lettre ouverte à destination du ministre de la Justice, publiée le 8 avril, qui tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur la situation dans les prisons françaises, où le nombre de détenus grimpe « de façon ininterrompue ».

À l’origine de ce courrier, le barreau des Hauts-de-Seine, soutenu par les barreaux de Melun, de Seine-Saint-Denis, du Val-d’Oise, d’Auxerre, de Meaux de Fontainebleau et de Chartres, où les établissements pénitentiaires sont le « reflet de cette surpopulation carcérale », nous explique le vie-bâtonnier du barreau altoséquanais Fabien Arakelian.

En effet, le seul centre pénitentiaire de Nanterre recense aujourd’hui 1 030 personnes détenues pour 592 places. Au niveau national, près de 77 000 détenus sont dénombrés pour une capacité d’accueil limitée à 60 719 places, soit 124,6 % de surpopulation carcérale d’après les chiffres de la Fondation Ifrap. « Alors qu’est-ce qu’on attend ? » s’insurge le bâtonnier, qui a lui-même pu constater les conditions « indignes » dans lesquelles vivent les détenus, lors d’une visite, le 12 mars dernier, à la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine.

Fabien Arakelian le rappelle, « la détention, c’est une privation de la liberté d’aller et venir, ce n’est pas purger une peine dans des conditions indignes. D’autant qu’il ne faut pas oublier que parmi ces personnes incarcérées, on compte également des personnes en détention provisoire présumées innocentes. »

Les Jeux de Paris comme opportunité pour vider les prisons

« Notre rôle en tant qu’auxiliaire de justice c’est donc d’alerter, de dénoncer, notamment avec la perspective des JO en région parisienne, puisqu’on nous annonce du répressif à tout va, on imagine donc qu’il va y avoir potentiellement des conséquences au niveau des incarcérations et de la surpopulation carcérale » pointe par ailleurs Fabien Arakelian.

En effet, pendant les Jeux, le ministère de la Justice, par le biais de ses circulaires, invite « à la mise en place d’une politique pénale déterminée prévoyant des réponses rapides et fortes, ce qui aura pour effet d’aggraver le phénomène », souligne la lettre ouverte, alors même qu’il pourrait s’agir, estiment les bâtonniers, d’une opportunité pour vider les prisons, à l’image de ce qui avait été entrepris lors de la crise Covid.

A cette époque, 13 500 détenus avaient pu être remis en liberté, « sans mettre en péril la sécurité des citoyens », soutient Fabien Arakelian. Mais si la France « a raté cette occasion de mettre un terme à une surpopulation carcérale chronique », affirme-t-il, les JO pourraient, selon les barreaux signataires, « être une épreuve de rattrapage et doivent être l’occasion de mettre un terme définitif à cette situation intenable ».

Et si le bâtonnier du barreau des Hauts-de-Seine n’espère pas de réponse de la part du gouvernement, pour lui, une chose est sûre, « construire des places de prisons supplémentaires n’est pas la solution ». « La problématique est plus globale, il faut penser à des alternatives aux détentions provisoires et aux incarcérations », martèle Fabien Arakelian.

Un nouveau référé liberté bientôt déposé

Pour les barreaux signataires, il est temps que l’État prenne ses responsabilités. « C’est insensé de demander aux citoyens de respecter les décisions de justice quand l’État lui-même ne le fait pas », estime le bâtonnier du barreau des Hauts-de-Seine.

A deux reprises déjà, le tribunal administratif de Cergy a condamné l’État et lui a enjoint de respecter un certain nombre d’injonctions, notamment concernant le système électrique, l’état des fenêtres, la dératisation de la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine. « Or, nous constatons que ces décisions ne sont pas respectées, fustige Fabien Arakelian. C’est pourquoi nous nous apprêtons dans les prochains jours, avec l’Observatoire international des prisons (OIP), à déposer un nouveau référé liberté pour que l’État soit condamné sous astreinte à effectuer ces injonctions. On demande à l’État de respecter des décisions de justice : c'est le monde à l'envers », ironise le bâtonnier.

D’ici là, pour un effet « coup de poing », une conférence de presse est organisée ce vendredi à l’Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine. Objectif, nous indique Fabien Arakelian : « montrer aux journalistes les photos » des cellules dans lesquelles sont enfermés les détenus. Des membres de l’OIP et un certain nombre de bâtonniers répondront également présents.

Allison Vaslin

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