Il a déjoué une nouvelle fois tous les
pronostics. Donald Trump est officiellement élu, ce mercredi 6 novembre,
président des États-Unis, après avoir passé la fatidique barre des 270 grands
électeurs. Contrairement à 2016, le candidat républicain arracherait cette fois
le vote populaire. Deux expertes auditionnées ce matin par la commission des
Affaires étrangères de l’Assemblée nationale reviennent sur cette victoire
quasi-totale.
On
annonçait une élection serrée, on a assisté à une revanche flamboyante. En lice
pour ravir la 47e présidence des Etats-Unis, candidat à sa réélection, Donald
Trump vient de remporter ce mercredi 6 novembre la présidentielle américaine
2024. La victoire du candidat républicain a été officialisée après son succès
dans le Wisconsin cet après-midi.
Cet
épisode marque le « spectaculaire
retour au pouvoir d’un personnage hors norme de la politique américaine »
pour Laurence Nardon, directrice du programme Etats-Unis de l’Institut français
des relations internationales (IFRI), auditionnée sur les résultats de
l’élection américaine par la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée
nationale ce matin.
Une base électorale largement élargie
« Donald Trump a gagné à travers tous les
autres pans de l'électorat américain, en réussissant encore une fois à rogner
sur des électeurs qui votent habituellement démocrate », réagit
également à chaud Alexandra de Hoop Scheffer, présidente du German Marshall
Fund. « Sa base électorale s'est
diversifiée et très largement élargie : Donald Trump a remporté davantage de
votes parmi les Afro-américains et les Latinos. Il fait un bond de près de 10
points chez les Hispaniques, les Asiatiques, les jeunes (les 18-29 ans) ainsi
que chez les primo-votants. Il rafle des voix chez les 30-44 ans. Seule
bizarrerie : il en perd chez les 65 ans et plus », détaille la
spécialiste.
Les
résultats semblent également indiquer que, contrairement à sa première élection
en 2016, le candidat républicain arracherait cette fois-ci le vote populaire,
celui des « vrais » électeurs, et non pas seulement celui du collège
électoral (ndlr : les grands électeurs). « Si cette tendance se confirme, sa prestation serait donc bien meilleure
qu’en 2016 », souligne Laurence Nardon.
Toutes les institutions dans le giron
républicain
Et
le succès du nouveau président républicain ne s’arrête pas là. Son camp a
remporté hier la majorité au Sénat américain, avec 51 sièges côté républicain,
contre 49 pour les démocrates et pourrait rafler la Chambre des Représentants.
Donald Trump aurait alors entre ses mains la « trifecta » : Maison
Blanche, Sénat et Chambre des représentants.
« On pourrait même parler
de quadrifecta, puisque la Cour suprême est acquise à la cause de Trump, qui en
a profondément et durablement bouleversé les équilibres idéologiques lors de
son dernier mandat », complète la directrice du programme Etats-Unis
de l’Institut français des relations internationales.
Le fiasco démocrate
L‘écrasante
revanche de Trump (qui ne sera investi qu’en janvier prochain) souligne
durement la déroute du camp démocrate. Au terme d’une campagne express depuis
fin juillet, « Kamala Harris a été une candidate assez faible qui n'a
pas réussi à incarner son propre récit et son propre programme », juge
Laurence Nardon de l’IFRI. « Elle n’a pas été perçue comme authentique
par les électeurs américains. Le terme d'authenticité revient beaucoup plus
pour Donald Trump que pour Kamala Harris. »
Pour
Alexandra de Hoop Scheffer, « Kamala Harris a en quelque sorte rejoué
la partition d’Hillary Clinton en 2016 : même moralisme, même soutien des
élites, même communautarisme - surtout à la fin de sa campagne présidentielle.
Cette stratégie a été perdante ».
L’échec d’un programme
Par
ailleurs, les votants républicains comme démocrates ont rappelé que l'économie
reste l’enjeu-clé des élections américaines : inflation, prix de l’essence et
de l’alimentation en tête. L’administration Biden, qui a pourtant mis sur la
table des milliards d’euros d’investissements pour reconquérir les classes
moyennes et ouvrières, a échoué à faire coïncider ce projet avec les
préoccupations concrètes des Américains.
« Les Américains ne voient que l'inflation et
blâment un programme d’investissements totalement dispendieux. Ils préfèrent
finalement qu'on les laisse, un peu à la Reagan, se débrouiller tout seul.
L’individu doit être en charge de son propre destin. L'aide de l'état fédéral
n'a pas été perçue comme quelque chose de positif par les électeurs »,
détaille Laurence Nardon.
Autre
loupé : le programme de campagne trop radical et trop progressiste des
démocrates. Façonné depuis 2020 par le parti et notamment les militants, il a
rebuté l'électorat américain y compris l'électorat démocrate, notamment sur les
questions de genre, d’immigration. « Kamala Harris a pris trop tard ses
distances avec ce programme », estime la spécialiste.
Une idée de la démocratie en question
« Le
parti démocrate va devoir se remettre en question. La question de la démocratie
américaine se pose avec une acuité particulièrement forte pour les États-Unis,
mais aussi pour nous », prévient la présidente du German Marshall
Fund, Alexandra Hoop Scheffer. « On sait que là où Trump sera le plus
disruptif, ce sera dans sa conception et dans sa pratique de la démocratie ;
et pour l’instant avec l’appui d’Elon Musk, notamment. Donald Trump a réussi à
convaincre les Américains que c’est lui qui incarnait le mieux ce système
politique ».
Delphine Schiltz