Restées lettre morte auprès
des anciens gouvernements, les demandes de création d’un ministère de la
Condition animale par plusieurs associations de protection animale ont de
nouveau afflué dans les jours suivant la nomination du nouveau Premier
ministre.
Mis à jour le 9 janvier
La demande ne date pas
d’hier, mais n’a pourtant toujours pas trouvé d’écho auprès du gouvernement
français.
C’est pourquoi quelques jours
à peine après la nomination du nouveau Premier ministre François Bayrou le
13 décembre dernier, plusieurs organisations de protection animale ont, en
groupe ou de manière indépendante, réitéré leur souhait de voir un ministère
dédié à la Condition animale enfin créé.
Une demande que 21 ONG, dont
Convergence Animaux Politique (CAP), Code animal ou encore la Fondation Droit
Animal, Éthique et Sciences (LFDA) ont formulé dans un courrier commun adressé
au Premier ministre le 16 décembre dernier, sollicitant dans le même temps une
audience. Le 19 décembre suivant, l’association La ligue des animaux (LLDA) envoyait
elle aussi un courrier similaire, rappelant « l’urgente » et
« évidente » nécessité de créer un tel ministère et l’importance
de la cause animale pour près de 70 % des Français (selon un sondage IFOP
de 2023). 82 % des Français se disent même favorables à la création d’un
tel ministère. « Face à l’urgence, un engagement politique fort est
indispensable. Les animaux ne peuvent plus attendre ! » est-il ainsi
martelé par le président de la LLDA Enzo Ridel.
Le Parti animaliste n’a quant
à lui pas attendu la nomination du nouveau Premier ministre pour interpeller le
chef de l’État et réclamer une nouvelle fois la création d’un ministère de la Condition
animale après l’annonce de la démission du précédent gouvernement.
S’inspirer des voisins
européens
Car si la condition animale
est aujourd’hui traitée par différents ministères tels que celui l’Agriculture
et de la Souveraineté alimentaire pour les sujets relatifs à l’élevage, ou
celui de la Transition écologique en ce qui concerne la faune sauvage libre et
captive, « l’État agit sur ces dossiers sans coordination et sans
traiter la question animale de manière transversale. Si un ministre de la
Condition animale était nommé dans votre gouvernement, il aurait une compétence
étendue pour traiter de tous ces sujets de manière autonome et
indépendante » est-il indiqué dans le courrier collectif. « Le
bien-être animal est bel et bien à la croisée d’autres enjeux » nous
explique Enzo Ridel.
Des propos qui font écho à
ceux déjà formulés en 2021 par l’association le Mouvement des animaux dans un
programme de 40 pages, dans lequel était réclamée la création d’un ministère
dédié à la Condition animale plutôt qu’un Secrétariat dépendant du ministère de
l’Agriculture, « compte tenu des très nombreux domaines où les animaux
sont directement concernés ». Un ministère de la Condition animale
pourrait ainsi être « l’interlocuteur direct des autres ministères
concernés par les animaux », et traiter la question de la souffrance
animale, notamment dans les abattoirs, pour l’habillement et dans les laboratoires
où ils font l’objet de tests, dans son ensemble.
Pour le président de la LLDA,
cette création serait un moyen « d’encadrer les pratiques liées aux
animaux, d’assurer leur bien-être et de coordonner les actions en matière de
lutte contre la maltraitance animale ». D’une pierre deux coups, cette
création permettrait également de « renforcer la place de la France
parmi les pays engagés ».
Comme le rappellent les 21
ONG signataires du courrier du 16 décembre, les gouvernements allemand et belge
ont pour leur part franchi le pas et disposent respectivement d’une commissaire
fédérale au bien-être animal depuis 2023, et d’un ministère dédié depuis
plusieurs années déjà. La Commission européenne s’est quant à elle dotée d’un
Commissaire européen à la Santé et au Bien-être animal pas plus tard que le 17
septembre dernier, qui témoigne de « l’importance croissante du
bien-être animal au sein des politiques européennes » pointait la LFDA
à cette occasion. Ce commissaire aura notamment pour tâche celle de réviser la
législation sur le bien-être animal d’ici 2026.
1,8 million d’animaux
utilisés à des fins scientifiques
Chaque année, environ
1 000 taureaux sont mis à mort lors de spectacles tauromachiques en
France. Une source de « souffrance inacceptable » soutenue par
moins de 20 % des Français, rappelle la LLDA dans son courrier.
100 000 animaux de compagnie sont abandonnés dans ce même laps de temps,
phénomène accentué par les ventes en salons qui encouragent des « adoptions
impulsives et surcharge les refuges » en grande difficulté, ne pouvant
plus accueillir d’animaux faute de place mais
également de moyens.
Du côté des laboratoires, si
le nombre d’animaux
utilisés à des fins scientifiques diminue d’année en année en France, notre
pays est actuellement le plus gros utilisateur européen d’animaux dans des
procédures expérimentales : en 2022, l’Hexagone a ainsi eu recours à plus
d’1,8 million de bêtes, selon les chiffres de la Commission européenne. La France
est également responsable de près d’un tiers des cas d’expérimentation
associées à une douleur sévère.
Par ailleurs, 80 millions de
poulets sont tous les ans enfermés dans des hangars où ils ne voient jamais la
lumière du jour, et autant de canetons naissent pour le foie gras, rapportait
le Mouvement pour les animaux dans son programme. Un ministère dédié pourrait
donc, à défaut d’interdire ces pratiques, les réguler et offrir à ces animaux
des conditions de vie et une fin de vie plus décente, de même pour les 5
millions de bovins, 25 millions de porcs et 850 millions de volailles. En Île-de-France,
100 % des bêtes sont égorgées sans étourdissement préalable, souligne pour
sa part la Fédération Française de Protection Animale.
Les associations peu
optimistes quant à une réponse favorable du gouvernement
Mais alors que le budget 2025 n’a
pas encore été voté, et avec un ministère de la Famille et de la petite enfance
dépourvu de représentant, la priorité a semble-t-il peu de chances d’être donnée
à la cause animale dans les jours à venir.
C’est en tout cas ce que nous
confirme l’association Convergence Animaux Politique qui porte la demande de
création d’un ministère dédié depuis 2017. Au-delà des délais de réponse de
Matignon qui « ne mettent en général pas moins d’un mois à nous
parvenir », à l’instar de celle de Michel Barnier faisant suite à la
demande de l’association, cette dernière ne se fait pas « d’illusion » :
« nous pensons en effet que notre demande ne recevra pas de suite
favorable, cependant, c'est notre rôle de faire pression sur le gouvernement
pour qu'il entende les demandes des ONG ». En cause selon elle,
probablement un « manque de considération envers les enjeux liés à
l'amélioration de la condition animale » estiment-elles.
Pour le président de la LLDA,
cette absence de reconnaissance de la condition animale réside dans une
priorité mise ailleurs : « Les activités humaines – et non pas
leurs impacts – sont les sujets qui ont été adressés en priorité par les
Gouvernement successifs de ces dix dernières années dans des visions court-termismes
(…) Répondre à l'impérativité des crises sociales et économiques entraine
inévitablement la mise en place de mesures politiques d'urgence. Celles-ci ne
doivent pas pour autant être des freins à la réduction de nos impacts et à
l'amélioration des conditions de vie de tous les êtres vivants »
abonde-t-il.
À l’instar de l’association
CAP, Enzo Ridel n’a à ce-jour pas obtenu de réponse à ses demandes qui sont à
chaque changement de gouvernement transmises de nouveau « sans qu’elles
soient retenues ». Le président doute également, « compte
tenu de la crise politique actuelle qui traverse la France, et de sa gestion »,
que cette nouvelle demande soit prise en compte. « Elle serait pourtant
un signal positif et un symbole rassembleur autour d'une cause commune pour le
progrès de notre société » nous confie-t-il. « Nous espérons
qu'un jour les animaux seront représentés au sein du gouvernement avec un
ministère dédié afin qu'il ne soit plus sous la tutelle de celui de
l'Agriculture. » L’espoir est permis.
Allison
Vaslin