La plus haute juridiction de
l’ordre judiciaire a notamment considéré que le Conseil n’avait encore jamais
eu l’occasion de juger de la constitutionnalité de ces cours pour justifier la transmission de quatre QPC en la matière.
Le Conseil constitutionnel
devra trancher. La Cour de cassation lui a transmis, mercredi 20 septembre,
huit questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) au sujet des cours
criminelles départementales. Quatre d'entre elles avaient auparavant été analysées par une cour criminelle départementale de Lyon dans une autre affaire.
Ces cours, initiées par le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, sont censées
récupérer une partie des affaires jugées par les cours d’assises, à la différence desquelles elles ne
font pas intervenir de jurés populaires, étant composées uniquement de cinq
magistrats. Généralisées début 2023, elles visent à raccourcir les délais de jugement, mais aussi à réaliser des économies et à éviter la
correctionnalisation des viols.
Dans une brève, la Cour de
cassation assure, pour justifier leur transmission, que les QPC en question invoquent la violation d’un principe constitutionnel selon lequel
le jugement des affaires criminelles devrait faire intervenir des jurés.
« Or, cette question est nouvelle, le Conseil constitutionnel n’ayant
encore jamais eu l’occasion de dire si un tel principe constitutionnel existe
ou non », estime la juridiction.
La Cour de cassation considère également que ces QPC permettaient d’interroger la différence de traitement
entre les accusés en fonction de la cour qui les juge (cours criminelle
départementale ou cour d'assises). « Les règles concernant la
détermination de la majorité nécessaire pour prononcer un verdict de
culpabilité ou la peine maximale encourue sont différentes selon que les
accusés sont jugés par une juridiction comprenant ou non des jurés »,
poursuit la chambre criminelle de la Cour.
Dans un texte publié en juin
dernier sur Lexbase, Benjamin Fiorini, maître de conférences
en droit privé et sciences criminelles et auteur de propositions de QPC à ce
sujet, avait également dénoncé cette différence de traitement qui selon lui
« pose un problème constitutionnel sérieux, puisque selon la
juridiction criminelle devant laquelle les accusés sont poursuivis, la
proportion de juges à convaincre pour obtenir un acquittement est plus ou moins
forte ».
Le barreau de Paris et le
Conseil national des barreaux en appui
Réuni en séance le 12
septembre, le conseil de l’Ordre du barreau de Paris avait décidé d’intervenir au
soutien de ces QPC. En fin d’année dernière, ce même barreau avait déploré que
la généralisation des cours criminelles départementales avait été décidée
« avant la remise du rapport du comité d’évaluation de suivi de la cour
criminelle départementale du mois d’octobre 2022, et ce en dépit des alertes du
Conseil national des barreaux », affirmant dans le même temps que ce
comité n’avait pas pu vérifier les éventuelles économies engendrées par ces
cours.
Le Conseil national des
barreaux s’était lui aussi prononcé contre cette généralisation, « constatant
que les objectifs initiaux de la réforme introduite par la loi de programmation
de la justice du 23 mars 2019 n’ont, en réalité, pas été atteints à l’issue de
la période d’expérimentation ». Il avait aussi annoncé s’associer
« à tout projet ou proposition de loi tendant à préserver le jury
populaire en cour d’assises ».
Alexis
Duvauchelle