Les ordres et organisations professionnels des commissaires de justice, des notaires, des avocats
au Conseil d’État et à la Cour de cassation et des greffiers des tribunaux de
commerce ont signé, mardi 27 mai, une charte
commune en faveur de l’égalité professionnelle femmes-hommes. Un engagement
« clair », qui fixe des objectifs communs, comme la
représentativité des femmes dans les instances dirigeantes.
« Des sujets
transversaux, qui nous concernent tous ». Malgré
la féminisation croissante des professions du droit,
certaines problématiques demeurent : l’accès aux instances dirigeantes, les
freins aux avancements dans les carrières, le manque de soutien aux jeunes
parents et les difficultés pour se faire remplacer lors de congés maladie ou
longue durée.
Mardi 27 mai 2025, l’hôtel de
Bourvallais accueillait ainsi un moment fort, et semble-t-il, attendu de longue
date : la signature, en présence du garde des Sceaux Gérald Darmanin,
d’une charte commune en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et
les hommes.
Une démarche
interprofessionnelle qui « doit être saluée », a introduit le
ministre de la Justice ce jour-là. « Elle démontre la force de la famille du
droit, son inventivité et son envie d'action. Ce qu'elle démontre surtout,
c'est que la modernité n'est pas une menace pour vos métiers. »
Ce moment symbolique,
présenté par les signataires comme « un tournant pour [les] professions
d'officiers ministériels », a rassemblé notamment Céline Deschamps,
porte-parole du Conseil supérieur du notariat, Victor Geneste, président du Conseil
national des greffiers des tribunaux de commerce, Thomas Lyon-Caen, président
de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et Agnès
Carlier, vice-présidente de la Chambre nationale des commissaires de justice.
« Ce n’est pas
souvent que nos professions produisent des choses ensemble », souligne
cette dernière, également présidente et fondatrice de la commission égalité de
la CNCJ. Jointe par le JSS, elle revient sur la genèse du texte. « Cette
charte a eu un parcours atypique. J’ai pris en charge le sujet de l’égalité
pour les commissaires de justice, mais je connaissais d’autres professionnelles
intéressées, qui rencontraient des problématiques communes. Nous nous
réunissons désormais régulièrement, de façon informelle, au sein d’un Comité
pour la parité interprofessionnel. »
Chaque instance comporte
aujourd’hui un observatoire de la parité, qui siège au sein de ce comité chargé
de produire un rapport annuel autour de ces thématiques. « Leur rôle
est d’identifier les problématiques spécifiques à chaque profession, et
d’identifier des actions concrètes », poursuit Agnès Carlier. Au cœur
des préoccupations des commissaires de justice par exemple, la question de la
délivrance d’ordonnances de protection et de la mise à l’abri des femmes
victimes de violences.
L’officialisation
d’engagements concrets
Car toutes les branches du
droit n’en sont pas au même niveau d’égalité. Si, chez les notaires, la parité
parfaite a été atteinte dans les bureaux nationaux, les chiffres sont
différents chez les commissaires de justice : les titulaires sont à 43 % sont
des femmes, et chez les salariés, celles-ci représentent 68 % des effectifs. « Pour
les femmes, être salariée présente plus d’avantages, de protection sociale et
financière : la possibilité de poser un congé maternité, et d’être
remplacée en cas d’absence, par exemple », analyse Agnès Carlier.
La charte engage désormais
chaque métier, et pérennise une feuille de route aux objectifs clairs d’égalité
et de parité. Elle contient six engagements concrets : favoriser une progression
de carrière équitable et transparente, accroître la représentativité des femmes
dans les fonctions ordinales et institutionnelles, lever les freins à l'entrée
dans les professions, soutenir la parentalité et la conciliation des temps de
vie, prévenir et traiter les comportements discriminatoires, et mettre en place
des observatoires de la parité.
Une véritable « exigence
d’égalité », selon Gérald Darmanin. « Vous devez ressembler à
la France dans sa diversité, dans ses parcours et dans son exigence d'égalité.
Je pense que c'est tout le sens de cette charte (…) et de la volonté claire de
faire de vos ordres professionnels des espaces où la parité progresse, où
l’égalité réelle, mesurable et mesurée, pilotée, est poursuivie avec constance »,
a-t-il encore salué lors de la signature.
Les professions du droit
n’ont pourtant pas attendu ce temps officiel pour faire bouger les choses.
Depuis quelques années, ces métiers ont connu une évolution significative de
leur composition, avec une féminisation croissante de leurs effectifs, y compris
dans les fonctions de responsabilité. Entre janvier et octobre 2024, le Conseil
supérieur du notariat (CSN), le Conseil national des barreaux (CNB) et le
Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables (CNOEC) étaient tous les
trois dirigés par une femme - une première dans l’histoire.
« Les nouvelles
générations sont en demande de changements »
« La parité ne doit pas
être un idéal abstrait, mais une pratique concrète. Cette charte est un outil
opérationnel pour transformer nos engagements en actions mesurables »,
complète Céline Deschamps, porte-parole du Bureau du Conseil supérieur du
notariat en charge de la parité.
« La charte était déjà mise en
application, confirme Agnès Carlier. Mais c’est un engagement fort de la
part du ministre. Les nouvelles générations sont en demande de vrais
changements dans les pratiques. Dans les faits, nous tendons tous vers la
parité, mais nous ne la retrouvons pas forcément au sein des ordres et des
bureaux nationaux. Leur accès est plus compliqué pour les jeunes femmes. Elles
font bouger les choses, mais c’est aussi à nous de faire un pas vers elles et
de leur faciliter la tâche. »
Mylène
Hassany