DROIT

« Pas un idéal abstrait, mais une pratique concrète » : les professions du droit font un pas de plus vers l’égalité femme-homme

« Pas un idéal abstrait, mais une pratique concrète » : les professions du droit font un pas de plus vers l’égalité femme-homme
Publié le 28/05/2025 à 17:38

Les ordres et organisations professionnels des commissaires de justice, des notaires, des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation et des greffiers des tribunaux de commerce ont signé, mardi 27 mai, une charte commune en faveur de l’égalité professionnelle femmes-hommes. Un engagement « clair », qui fixe des objectifs communs, comme la représentativité des femmes dans les instances dirigeantes.

« Des sujets transversaux, qui nous concernent tous ». Malgré la féminisation croissante des professions du droit, certaines problématiques demeurent : l’accès aux instances dirigeantes, les freins aux avancements dans les carrières, le manque de soutien aux jeunes parents et les difficultés pour se faire remplacer lors de congés maladie ou longue durée.

Mardi 27 mai 2025, l’hôtel de Bourvallais accueillait ainsi un moment fort, et semble-t-il, attendu de longue date : la signature, en présence du garde des Sceaux Gérald Darmanin, d’une charte commune en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Une démarche interprofessionnelle qui « doit être saluée », a introduit le ministre de la Justice ce jour-là. « Elle démontre la force de la famille du droit, son inventivité et son envie d'action. Ce qu'elle démontre surtout, c'est que la modernité n'est pas une menace pour vos métiers. »

Ce moment symbolique, présenté par les signataires comme « un tournant pour [les] professions d'officiers ministériels », a rassemblé notamment Céline Deschamps, porte-parole du Conseil supérieur du notariat, Victor Geneste, président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, Thomas Lyon-Caen, président de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et Agnès Carlier, vice-présidente de la Chambre nationale des commissaires de justice.

« Ce n’est pas souvent que nos professions produisent des choses ensemble », souligne cette dernière, également présidente et fondatrice de la commission égalité de la CNCJ. Jointe par le JSS, elle revient sur la genèse du texte. « Cette charte a eu un parcours atypique. J’ai pris en charge le sujet de l’égalité pour les commissaires de justice, mais je connaissais d’autres professionnelles intéressées, qui rencontraient des problématiques communes. Nous nous réunissons désormais régulièrement, de façon informelle, au sein d’un Comité pour la parité interprofessionnel. »

Chaque instance comporte aujourd’hui un observatoire de la parité, qui siège au sein de ce comité chargé de produire un rapport annuel autour de ces thématiques. « Leur rôle est d’identifier les problématiques spécifiques à chaque profession, et d’identifier des actions concrètes », poursuit Agnès Carlier. Au cœur des préoccupations des commissaires de justice par exemple, la question de la délivrance d’ordonnances de protection et de la mise à l’abri des femmes victimes de violences.

L’officialisation d’engagements concrets

Car toutes les branches du droit n’en sont pas au même niveau d’égalité. Si, chez les notaires, la parité parfaite a été atteinte dans les bureaux nationaux, les chiffres sont différents chez les commissaires de justice : les titulaires sont à 43 % sont des femmes, et chez les salariés, celles-ci représentent 68 % des effectifs. « Pour les femmes, être salariée présente plus d’avantages, de protection sociale et financière : la possibilité de poser un congé maternité, et d’être remplacée en cas d’absence, par exemple », analyse Agnès Carlier.  

La charte engage désormais chaque métier, et pérennise une feuille de route aux objectifs clairs d’égalité et de parité. Elle contient six engagements concrets : favoriser une progression de carrière équitable et transparente, accroître la représentativité des femmes dans les fonctions ordinales et institutionnelles, lever les freins à l'entrée dans les professions, soutenir la parentalité et la conciliation des temps de vie, prévenir et traiter les comportements discriminatoires, et mettre en place des observatoires de la parité.

Une véritable « exigence d’égalité », selon Gérald Darmanin. « Vous devez ressembler à la France dans sa diversité, dans ses parcours et dans son exigence d'égalité. Je pense que c'est tout le sens de cette charte (…) et de la volonté claire de faire de vos ordres professionnels des espaces où la parité progresse, où l’égalité réelle, mesurable et mesurée, pilotée, est poursuivie avec constance », a-t-il encore salué lors de la signature.

Les professions du droit n’ont pourtant pas attendu ce temps officiel pour faire bouger les choses. Depuis quelques années, ces métiers ont connu une évolution significative de leur composition, avec une féminisation croissante de leurs effectifs, y compris dans les fonctions de responsabilité. Entre janvier et octobre 2024, le Conseil supérieur du notariat (CSN), le Conseil national des barreaux (CNB) et le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables (CNOEC) étaient tous les trois dirigés par une femme - une première dans l’histoire.

« Les nouvelles générations sont en demande de changements »

« La parité ne doit pas être un idéal abstrait, mais une pratique concrète. Cette charte est un outil opérationnel pour transformer nos engagements en actions mesurables », complète Céline Deschamps, porte-parole du Bureau du Conseil supérieur du notariat en charge de la parité.

 « La charte était déjà mise en application, confirme Agnès Carlier. Mais c’est un engagement fort de la part du ministre. Les nouvelles générations sont en demande de vrais changements dans les pratiques. Dans les faits, nous tendons tous vers la parité, mais nous ne la retrouvons pas forcément au sein des ordres et des bureaux nationaux. Leur accès est plus compliqué pour les jeunes femmes. Elles font bouger les choses, mais c’est aussi à nous de faire un pas vers elles et de leur faciliter la tâche. »

Mylène Hassany

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