JUSTICE

Gérald Darmanin lance les États généraux de l’insertion et de la probation, « parent pauvre de la chaîne pénale »

Gérald Darmanin lance les États généraux de l’insertion et de la probation, « parent pauvre de la chaîne pénale »
Publié le 24/06/2025 à 18:36

Le ministre de la Justice a inauguré ce mardi un cycle de rencontres visant notamment à renforcer les SPIP, alors qu’un projet de réforme de la politique pénale devrait être présenté au Premier ministre à la rentrée.

Gérald Darmanin remet au centre des débats la réinsertion des détenus. Le ministre de la Justice a officiellement lancé, mardi 24 juin, les États généraux de l’insertion et de la probation, devant un parterre composé de présidents de tribunaux, magistrats et autres acteurs du monde judiciaire.

« Un chantier majeur et, on l’espère, fondateur pour notre politique pénale », a assuré Gérald Darmanin. Et un chantier qui arrive surtout alors que la surpopulation carcérale a atteint de nouveaux sommets : au 1er mai, les prisons françaises comptaient 83 681 détenus pour seulement 62 570 places opérationnelles, soit 134 % d’occupation et même 164 % en maison d’arrêt. Une hausse continue du nombre d’incarcérations provoquée par « les récentes réformes pénales, qui ont renforcé la réponse judiciaire », a estimé le garde des Sceaux, avec des incarcérations « plus longues et plus effectives ».

Cette surpopulation est aussi la conséquence du manque d’accompagnement vers la sortie de la détention. « La république se mesure à ses capacités non seulement à punir, mais aussi à réinsérer », a-t-il ajouté. Gérald Darmanin a en ce sens qualifié la récidive d’« échec collectif », alors que le taux d’anciens détenus provoquant une nouvelle infraction dans les quatre ans atteint les 60 %. « Tant que nous ne briserons pas le cycle incarcération-rejet-récidive, nous continuerons à courir après des chiffres au lieu de construire une société plus sûre pour les Français et les personnes condamnées. »

La France « à un carrefour de sa politique pénale »

Un nombre de récidives qui a pour conséquence « une société qui doute de sa justice et des professionnels qui s’épuisent », a estimé le ministre, qui a assuré que la France était arrivée « à un carrefour de sa politique pénale ». Le garde des Sceaux n’a pas manqué de se féliciter des récentes réformes en cours d’application, en premier lieu desquelles la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic instaurant des prisons de haute sécurité.

Mais Gérald Darmanin a reconnu « la difficulté et la lenteur d’exécution des peines ». Il a également admis que ces dernières pouvaient manquer de « lisibilité, d’efficacité, et parfois même de sensIl est difficile d’articuler prévention, exécution et réinsertion ».

Des peines qui manquent également de contenu, selon le ministre de la Justice. « Or une peine sans contenu est une peine vide de sens », a-t-il assuré. La peine est aussi jugée comme illisible par le garde des Sceaux, qui la considère « souvent perdue dans un empilement de mécanismes et de régimes dérogatoires ». Une réflexion a déjà été engagée pour simplifier l’échelle des peines.

Objectif de la Chancellerie : « Recentrer [le] droit autour de quatre piliers clairs : la peine de prison, la peine de probation, l’amende – notamment sous forme de jours-amende –, et les interdictions et obligations », afin d’aboutir à un système « plus lisible, plus efficace et véritablement dissuasif, plus simple pour le magistrat et plus compréhensible pour le citoyen ».

Le ministre de la Justice a appelé à ce que « l’échelle des peines ne soit plus une collection hétéroclite de sanctions, jusqu’à 235 pour le magistrat, mais un outil cohérent et intelligible ». Gérald Darmanin veut faire en sorte que l’intégralité des peines prononcées soient correctement exécutées, afin de « redonner de la valeur au prononcé judiciaire et à l’autorité de l’État ». « La peine ne s’arrête pas au prononcé du jugement, mais commence au prononcé du jugement : elle s’exécute, se comprend, se transforme. Elle porte un message pour la société et un chemin pour la personne condamnée. »

Les SPIP, une « richesse ignorée »

Les échanges effectués à l’occasion de ces États généraux permettront d’« analyser l’évolution et les missions des SPIP (services pénitentiaires d’insertion et de probation) au sein de la chaine pénale pour faire émerger des pistes concrètes permettant d’améliorer l’accompagnement des personnes placées sous main de justice qui leur sont confiées », a détaillé le ministère de la Justice dans un communiqué.

« Il est urgent de restructurer, donner les moyens », a renchéri Gérald Darmanin, constatant des SPIP « sous tension, aux marges floues, et parfois aux moyens dérisoires ». Le garde des Sceaux a annoncé souhaiter que cette « richesse ignorée » soit renforcée par la mise en œuvre d’un « cap politique plus clair, une reconnaissance statutaire solide et une visibilité publique assumée ».

Les semaines de réflexions à venir devront également être « un moment pour rendre visible ce qui est trop souvent invisible : les réussites silencieuses des SPIP, le travail quotidien des CPIP (conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation), et les ponts qu’ils bâtissent entre les personnes condamnées et la société ». Le ministre a assuré attendre « une justice pénale exigeante et une probation qui n’est ni une indulgence, ni une impasse, mais une alternative crédible, encadrée, ambitieuse pour favoriser le parcours de chacun et éviter au maximum le milieu carcéral ».

Parmi les propositions avancées par le ministre figure la catégorisation des personnes prévenues, qui selon lui « manque d’efficience et de bon sens ». L’ancien maire de Tourcoing a regretté que seuls la durée de la peine et le statut juridique devant le juge soient pris en compte pour l’affectation dans le milieu carcéral fermé comme ouvert, prenant l’exemple du Royaume-Uni et de l’Allemagne, pour qui « une différenciation selon la dangerosité des profils des détenus et leur capacité à se réinsérer » est effectuée.

Pour le garde des Sceaux, de tels critères pourraient permettre « une gestion carcérale plus sûre et plus efficace ». Gérald Darmanin souhaite la mise en place d’établissements spécialisés, de régimes de détention adaptés, et d’« une affectation sur mesure qui ne se fasse uniquement pas entre maison d’arrêt et établissement pour personnes définitivement condamnée ».

Un rapport rendu public en décembre

Cette phase de discussions suit une première phase, qui s’étale entre avril et juillet, consacrée à des diagnostics, rencontres, enquêtes et auditions de professionnels. Bilan de cette première phase selon le ministre : dix directions interrégionales consultées, des dizaines de sites visités, des centaines de professionnels déjà entendus.

Prochaine étape prévue entre septembre et novembre : des tables rondes locales et nationales qui concerneront SPIP, magistrats, élus, partenaires et chercheurs. Un rapport de synthèse rendu public au début du mois de décembre devrait formuler « des propositions innovantes, consensuelles, certaines mises en œuvre à droit constant, d’autres appelant des ajustements législatifs ».

Ces États généraux devraient également permettre au garde des Sceaux de peaufiner son projet de réforme de la politique pénale. Prévu pour une présentation au Premier ministre à la rentrée, le texte devrait contenir une dizaine d’article « revoyant le sursis, l’aménagement des peines et remettant en place des courtes peines ».

Gérald Darmanin avait notamment évoqué plus tôt dans le mois la suppression du sursis pour les petites peines, qui selon lui ne permet pas de lutter contre la récidive, au profit de peines de travail d’intérêt général ou de détention à domicile. Le ministre a néanmoins précisé que la première version du projet de loi ne contiendrait aucune proposition liée à ces États généraux. Mais des articles de ce projet de loi seront laissés libres, « afin que syndicats et professionnels décident ensemble de ces questions très importantes ».

Gérald Darmanin souhaite clôturer ces États généraux d’ici le mois de novembre, avec, à la clé, « le plus rapidement possible, des changements pour l’ensemble de ceux qui travaillent pour la probation », afin que la celle-ci ne soit plus considérée comme « le parent pauvre de la chaîne pénale ».

Alexis Duvauchelle

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