Alors que le
marché de l’emploi est en tension, Claude Calmon, fondateur du cabinet de
recrutement Calmon Partners, observe que les candidats s’attendent de plus en
plus aujourd’hui à être « séduits par le recruteur ». Il
conseille notamment aux entreprises de travailler sur leur marque employeur et
de proposer de nouveaux aménagements du travail plus flexibles, pour « ne
pas perdre la guerre des talents ».
Pouvez-vous
revenir sur votre parcours et nous présenter votre cabinet ?
Je suis diplômé de l’ESSCA depuis 2009. J’ai fait une
première partie de carrière en finance entre Paris, Londres et New York. J’ai
posé la première brique de mon cabinet de recrutement en novembre 2020 avant de
développer le groupe tel qu’il est aujourd’hui.
Calmon Partners Group est un ensemble de trois entités :
un cabinet de recrutement, une société de levée de fonds et un pôle de
communication ; afin d’accompagner nos clients pendant les différentes
étapes de leur développement.
Cet écosystème évolue donc autour de trois activités
complémentaires. Nous offrons à nos clients la possibilité d’intégrer un
environnement dans lequel ils pourront trouver une réponse à ces problématiques
clés : pour
nous, l’humain, le capital et la communication ne peuvent être dissociés
lorsque l’on cherche à faire croître son activité.
Qu’est-ce
qui, à titre personnel, vous séduit et vous motive dans l’univers du
recrutement ?
Ce qui m’intéresse particulièrement dans ce secteur, c’est
le côté psychologique du métier : pour
être efficace, il faut que l’on comprenne la psychologie de nos clients et des
candidats. On doit rentrer dans la tête des gens avec qui l’on travaille, faire
en sorte que les attentes des uns et les ambitions des autres s’alignent.
Ce qui est aussi très motivant, c’est le challenge
intellectuel permanent : on parle au quotidien à des gens différents, à
des cultures différentes… Avant d’accepter une mission, on fait nos
« devoirs » : on apprend, on se renseigne, on essaie de comprendre les
codes de l’environnement du client. La dimension internationale que l’on a
donnée à notre métier est très stimulante. Notre métier demande une certaine
agilité intellectuelle. On avait fait le choix de commencer par le domaine de
la finance, mais on couvre aujourd’hui des secteurs très variés.
« Les candidats n’hésitent plus à ne
pas donner suite si cela
ne correspond pas à leur vision du futur poste ».
Le
marché de l’emploi est aujourd’hui en tension. Quels
sont les secteurs où il est difficile de recruter ?
Tous. Je ne connais aucune entreprise qui ne serait pas en
train de recruter. Le Covid a changé la donne ! Un nouveau phénomène que l’on observe
sur le marché du travail concerne les personnes qui décident de démissionner
même avant de trouver un autre job. Les candidats prennent leur temps pour
réfléchir, étudier le marché. La
guerre de talents est plus visible que jamais, surtout dans les secteurs tels
que les nouvelles technologies ou la finance, où l’on a quasiment atteint le plein emploi.
On
parle beaucoup de « pénurie ». Mais n’est-ce pas tout simplement que
les candidats sont plus exigeants ? Comment l’expliquer ?
En effet, on observe actuellement sur le marché du travail
un niveau d’exigence plus important vis-à-vis des postes proposés. Cependant,
il ne faut pas généraliser. Les candidats font plus attention à la manière dont
les entreprises recrutent, à leur marque employeur. Ils sont plus regardants
sur l’impact sur l’environnement et n’hésitent plus à ne pas donner suite si
cela ne correspond pas à leur vision du futur poste. En finance, on ne peut pas
vraiment parler d’une pénurie :
il y a une tension, certes, mais on arrive à recruter. On constate qu’avec la
crise en Ukraine et la chute des cryptomonnaie certaines banques commencent
même à licencier et ne prévoient pas, pour l’instant, de remplacer ces gens.
Il
semble qu’une inversion des rôles est à l’œuvre, et que la manière de recruter
est amenée à évoluer. Comment les entreprises
peuvent-elles désormais attirer les candidats ?
Depuis la crise du Covid, le rapport de force sur le marché
du travail s’est renversé. Désormais, les candidats s’attendent de plus en plus
à ce que l’on leur vende l’opportunité plutôt que l’inverse, ils s’attendent à
être « séduits » par le recruteur. Les entreprises doivent donc
travailler sur leur marque employeur, proposer de nouveaux aménagements du
travail plus flexibles. Une grande majorité des jeunes aujourd’hui sont prêts à
démissionner si on leur refuse le télétravail. Un engagement dans une cause
sociétale ou environnementale est aussi un facteur extrêmement important pour
les millennials. Les sociétés qui ne s’adaptent pas à cette nouvelle réalité et
aux attentes des jeunes risquent de perdre la guerre de talents.

Parmi
les critères importants, le sens du travail est un moteur qui revient souvent.
Que met-on derrière cette notion ?
Pour moi, cela signifie sentir que l’on fait partie d’un
projet important, qui nous tient à cœur, auquel on adhère complètement. Cela se
voit d’ailleurs chez les jeunes d’aujourd’hui : s’ils viennent tous les
matins au travail, c’est parce qu’ils sont convaincus que leur mission a du
sens, qu’ils contribuent à une cause, que leurs efforts profiteront aux autres.
Le sens du travail, c’est aussi l’équilibre entre la vie personnelle et
professionnelle. Pour les candidats, un travail qui a du sens, c’est aussi
celui qui leur permet de profiter de leur famille et leurs amis, un
environnement où l’on joue la transparence avec ses managers et sa hiérarchie.
Comment
motiver les nouvelles générations ? Comment les manager ?
Aujourd’hui, pour motiver les jeunes, il faut les intégrer
dans un projet, les responsabiliser, leur expliquer pourquoi ils font cela, ce
que leurs efforts vont apporter. Les jeunes ont également besoin d’avoir accès
direct au client, de faire partie d’un projet dans son ensemble. Il faut qu’ils
soient exposés au maximum au business, il faut leur montrer qu’ils ont droit à
une évolution régulière et transparente. Les nouvelles générations ont besoin
de comprendre que dans six mois, ils pourront passer à une autre mission, que
l’on peut leur proposer beaucoup de tâches différentes.
Ce qui est aussi très important, c’est de former les
managers à des nouvelles façons de manager les jeunes. Pour être un bon manager, l’expérience ne
suffit pas : il faut être régulièrement formé à comment
motiver.
Quels
sont les secteurs où les salaires ont le plus explosé dernièrement et pour
quelles raisons ?
Là où l’explosion des salaires est la plus visible, c’est
dans les secteurs de la
finance et des nouvelles technologies.
La raison est à chercher dans la croissance très rapide de ces marchés qui font
naître les besoins en recrutement. On note également une concurrence accrue
dans ces secteurs, une internationalisation, avec les GAFAM qui n’hésitent plus
à chasser sur le sol français. Ces dernières disposent de budgets très
conséquents, elles peuvent donc se permettre de payer très cher les ingénieurs
français.
Quels
sont les enjeux d’un cabinet de recrutement à l’heure de tous ces
changements ?
Notre valeur ajoutée réside dans la capacité à trouver des
profils dans un marché qui est devenu très actif grâce à notre présence à
l’international : on est devenu d’ailleurs un vrai vivier multiculturel et
multinational. Cette dimension internationale nous permet d’apporter du sang
frais sur le marché ultra concurrentiel comme Paris ou les grandes
métropoles : New York, Londres, Dubaï… Nous sommes en mesure de chercher
des compétences et expériences différentes. Au sein de notre cabinet, on mise aussi
sur des profils internationaux : nos collaborateurs viennent des différents
pays et nous avons des bureaux à l’international. Cela nous permet de répondre
de façon très agile aux problématiques de nos clients. Les cabinets de
recrutement qui subissent aujourd’hui cette guerre de talents sont
principalement ceux qui n’ont pas la possibilité de chasser au-delà des
frontières françaises.
Propos
recueillis par Bérengère Margaritelli