En matière de recherche
documentaire, les magistrats qui ont testé ces outils s’accordent à dire que
l’IA permet un gain de temps « extraordinaire ». Problème :
pour l’heure, l'exactitude n'est « pas toujours au rendez-vous ».
L’intelligence artificielle va-t-elle bouleverser les usages de la cour d’appel de Paris ?
Quatre
juges issus de différents pôles ont testé récemment, en conditions réelles, plusieurs applications d’intelligence artificielle juridique. Objectif : « mesurer leur efficacité, leurs limites et
leur intégration potentielle dans le fonctionnement quotidien des juridictions »,
détaille
la cour d’appel.
« C’est la première fois
qu’on nous demande en amont notre avis » se réjouit d’ailleurs la
présidente de chambre au pôle social Gwenaëlle Ledoigt.
L’IA « bluffante »
pour les recherches documentaires
Les outils ont notamment « bluffé »
les magistrats en matière de recherche documentaire, en raison d’un gain de
temps jugé « extraordinaire ». « Là où,
traditionnellement, il fallait explorer laborieusement différents fonds
documentaires, parfois peu ergonomiques, l’IA propose une réponse rapide,
hiérarchisée, avec renvois vers les sources », souligne la cour d’appel.
Même son de cloche pour l’analyse
des documents, qualifiée de « performante » par les quatre
testeurs. « Les articles de lois, arrêts ou éléments de doctrine sont
automatiquement détectés et mis en surbrillance, avec un accès direct à la
source », rapporte la conseillère au pôle urgences civiles et libertés
Marie-Catherine Gaffinel.
Les IA mises au banc d’essai ont
par ailleurs fait leurs preuves dans la rédaction de synthèses et la génération
d’un projet de motivation, à partir d’un sens de décision donné. « En droit
de la famille, j’ai demandé à l’IA de résumer la procédure et les demandes à
partir de plusieurs pièces : le résultat était exploitable, parfois
perfectible, mais extrêmement utile pour démarrer le travail », témoigne
Florence Hermite, conseillère au pôle de la famille.
Des confusions et une qualité
inégale
Si les quatre juges
reconnaissent une assistance non négligeable sur certains aspects, les outils
ont toutefois montré des limites.
« L'exactitude n'est
pas toujours au rendez-vous car certains outils confondent encore des articles
de lois ou génèrent des références erronées », avec des associations
de textes sans véritable compréhension juridique, rapporte la cour. De même
pour la fonction d’analyse qui reste « inégale » selon les
contentieux.
A défaut de se substituer à
l’interprétation humaine, ces outils viennent « soulager la charge
cognitive », pointe Marie-Catherine Gaffinel. « Pour les décisions
complexes, l’intervention humaine reste indispensable, ne serait-ce que parce
qu’aucun outil ne maîtrise (en tout cas à ce jour) nos critères de décision, en
particulier dans des domaines comme le droit de famille où les faits sont
cruciaux », indique pour sa part Florence Hermite.
Pour des contentieux simples,
en revanche, l’IA pourrait, dans un avenir proche, « produire des
décisions quasiment complètes, prêtes à être revues », augure la cour
d’appel parisienne.
Reste que l’IA, qui « transformera
en profondeur les usages et l’organisation du travail judiciaire », « oblige
à reconsidérer les rôles, les formations, l’encadrement des assistants et
stagiaires, ainsi que les rapports avec les avocats » ajoute-t-elle.
Aucune date de mise en
service de ces outils n’a pour l’heure été annoncée. La juridiction invite dans
un premier temps à une vigilance sur les questions d’éthique et de protection
de données.
Allison
Vaslin