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(75) Des outils d’IA expérimentés à la cour d’appel de Paris

(75) Des outils d’IA expérimentés à la cour d’appel de Paris
Publié le 26/05/2025 à 17:27

En matière de recherche documentaire, les magistrats qui ont testé ces outils s’accordent à dire que l’IA permet un gain de temps « extraordinaire ». Problème : pour l’heure, l'exactitude n'est « pas toujours au rendez-vous ».

L’intelligence artificielle va-t-elle bouleverser les usages de la cour d’appel de Paris ?

Quatre juges issus de différents pôles ont testé récemment, en conditions réelles, plusieurs applications d’intelligence artificielle juridique. Objectif : « mesurer leur efficacité, leurs limites et leur intégration potentielle dans le fonctionnement quotidien des juridictions », détaille la cour d’appel.

« C’est la première fois qu’on nous demande en amont notre avis » se réjouit d’ailleurs la présidente de chambre au pôle social Gwenaëlle Ledoigt.

L’IA « bluffante » pour les recherches documentaires

Les outils ont notamment « bluffé » les magistrats en matière de recherche documentaire, en raison d’un gain de temps jugé « extraordinaire ». « Là où, traditionnellement, il fallait explorer laborieusement différents fonds documentaires, parfois peu ergonomiques, l’IA propose une réponse rapide, hiérarchisée, avec renvois vers les sources », souligne la cour d’appel.

Même son de cloche pour l’analyse des documents, qualifiée de « performante » par les quatre testeurs. « Les articles de lois, arrêts ou éléments de doctrine sont automatiquement détectés et mis en surbrillance, avec un accès direct à la source », rapporte la conseillère au pôle urgences civiles et libertés Marie-Catherine Gaffinel.

Les IA mises au banc d’essai ont par ailleurs fait leurs preuves dans la rédaction de synthèses et la génération d’un projet de motivation, à partir d’un sens de décision donné. « En droit de la famille, j’ai demandé à l’IA de résumer la procédure et les demandes à partir de plusieurs pièces : le résultat était exploitable, parfois perfectible, mais extrêmement utile pour démarrer le travail », témoigne Florence Hermite, conseillère au pôle de la famille.

Des confusions et une qualité inégale

Si les quatre juges reconnaissent une assistance non négligeable sur certains aspects, les outils ont toutefois montré des limites.

« L'exactitude n'est pas toujours au rendez-vous car certains outils confondent encore des articles de lois ou génèrent des références erronées », avec des associations de textes sans véritable compréhension juridique, rapporte la cour. De même pour la fonction d’analyse qui reste « inégale » selon les contentieux.

A défaut de se substituer à l’interprétation humaine, ces outils viennent « soulager la charge cognitive », pointe Marie-Catherine Gaffinel. « Pour les décisions complexes, l’intervention humaine reste indispensable, ne serait-ce que parce qu’aucun outil ne maîtrise (en tout cas à ce jour) nos critères de décision, en particulier dans des domaines comme le droit de famille où les faits sont cruciaux », indique pour sa part Florence Hermite.

Pour des contentieux simples, en revanche, l’IA pourrait, dans un avenir proche, « produire des décisions quasiment complètes, prêtes à être revues », augure la cour d’appel parisienne.

Reste que l’IA, qui « transformera en profondeur les usages et l’organisation du travail judiciaire », « oblige à reconsidérer les rôles, les formations, l’encadrement des assistants et stagiaires, ainsi que les rapports avec les avocats » ajoute-t-elle.

Aucune date de mise en service de ces outils n’a pour l’heure été annoncée. La juridiction invite dans un premier temps à une vigilance sur les questions d’éthique et de protection de données.

Allison Vaslin

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