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Assurance habitation : 1,7 million de Français ne seraient pas couverts

Assurance habitation : 1,7 million de Français ne seraient pas couverts
Publié le 28/05/2025 à 07:00

Malgré une obligation légale pour la plupart des locataires et copropriétaires, 1,7 million de Français vivraient actuellement sans assurance habitation. En dépit des risques, beaucoup de foyers précaires renoncent à ces contrats au vu de l’inflation des tarifs.

Il n’existe pas d’estimations officielles du nombre de Français qui vivent sans assurance habitation. Mais, interrogée par le JSS, la fédération France Assureurs - qui représente les entreprises du secteur - avance toutefois le chiffre de 1,7 million de Français non couverts par une assurance habitation.

En France, l’assurance habitation est obligatoire pour tous les locataires, qu’ils occupent un logement meublé ou non. Pour les propriétaires, elle est obligatoire uniquement pour ceux dont le logement fait partie d’une copropriété, du moins pour la responsabilité civile qui est un des volets de l’assurance habitation.

En se basant sur ses propres études statistiques, France Assureurs explique que 797 000 résidences principales n’étaient pas assurées au 1er janvier 2024, sur un total de 31,4 millions de résidences principales. « Sachant qu’il y a en moyenne 2,2 personnes par résidence principale, il pourrait donc bien y avoir 2,5 % de la population qui n'est pas couverte ».

Rien qu’à Marseille, environ 20 % des locataires n’ont pas souscrit d’assurance habitation, explique au JSS Patrick Amico, adjoint au logement à la mairie de Marseille, confirmant une estimation parue en avril dans le quotidien La Provence. « Cette estimation est très fiable puisqu’elle émane de courtiers en assurance », précise-t-il.

Un chiffre particulièrement important car plus de la moitié de la population marseillaise est locataire, plus précisément 54 % des 877 000 habitants.

Pourquoi autant de foyers sans assurance ?

Pourquoi autant de Français prennent le risque de vivre sans assurance habitation ? La raison est avant tout économique, même si d’autres facteurs peuvent entrer en jeu, comme la méconnaissance des obligations légales, une difficulté à entreprendre des démarches administratives, ou parfois même une défiance envers les assureurs.

Le prix moyen d’un contrat d’assurance habitation a connu une hausse significative ces dernières années, avec une augmentation de 13,5 % depuis 2020, passant de 214 à 243 euros par an en 2024 (soit environ 20 euros par mois), d’après une étude du comparateur Assurland.

Sur la seule année 2024, le tarif moyen a augmenté de 7,2 %. « Cette hausse, la plus élevée depuis 2010, est directement liée à la recrudescence des événements climatiques, tels que les inondations dans le Nord-Pas-de-Calais, les tempêtes Ciaran et Domingos, ainsi que les périodes de sécheresse intense », explique le comparateur d’assurance dans son étude.

« Ces catastrophes ont entraîné des coûts significatifs pour les assureurs, qui se répercutent désormais sur les primes d'assurance », précise Assurland.

Et cette hausse n’est pas près de s’arrêter. D’après le cabinet de conseil Facts & Figures, l’augmentation des tarifs pourrait atteindre entre 8 et 12 % en 2025.

Or, l’importante progression des tarifs peut décourager certains foyers de prendre une assurance habitation, notamment dans les villes comme Marseille où le taux de pauvreté atteint 25 %.

D’autant que ces tarifs varient fortement selon les régions. En 2024, Paca était la région la plus chère (280 euros par an, +13 %), suivie de l’Occitanie (265 euros, +5,6 %) et de l’Ile-de-France (256 euros, +6 %). Les régions les moins chères sont la Bretagne (198 euros, +4,8 %), suivie des Pays de la Loire (200 euros, +1,2 %) et de la Normandie (208 euros, +5,7 %).

Ces fortes disparités régionales s’expliquent par les risques auxquels sont exposés les logements. En Paca, où les catastrophes naturelles (inondations, sécheresses) sont plus fréquentes et les cambriolages plus nombreux, les assureurs appliquent en conséquence des tarifs plus élevés. À l’inverse, en Bretagne ou dans les Pays de la Loire, ces risques sont moindres et les tarifs plus modérés.

« Un risque énorme »

Ne pas souscrire d’assurance habitation peut avoir de graves conséquences financières. Ce peut être aussi un motif de résiliation du bail.

« Vivre sans assurance habitation, c’est prendre un risque énorme », insiste David Rodrigues, responsable du service juridique de l'association de consommateurs CLCV (Consommation, logement et cadre de vie).

« Le contrat d’assurance multirisques habitation (MRH) offre à l’assuré des garanties complètes », rappelle France Assureurs. Sans contrat, aucune indemnisation n’est possible, ni pour les dommages causés chez soi, ni pour ceux infligés à des tiers.

L’assurance couvre - au minimum - les risques d’incendie, d’explosion ou de dégâts des eaux, mais aussi d’autres sinistres courants comme le vol ou le bris de glace.

« Si vous n’êtes pas assurés et qu’il y a un préjudice très important, vous serez potentiellement amenés à payer toute votre vie », ajoute David Rodrigues. Par exemple, un simple dégât des eaux peut coûter des centaines, voire des milliers d’euros.

« L’assurance n’est pas un substitut de responsabilité, elle paie simplement à votre place en cas de dégâts ou sinistres », précise l’expert.

Outre les ménages, les copropriétés doivent également être assurées. Or, un certain nombre de copropriétés à la gestion « désorganisée » ignorent cette obligation, témoigne David Rodrigues.

L’association CLCV accompagne régulièrement des copropriétaires qui - bien qu’assurés à titre personnel - ignorent que la copropriété doit être aussi couverte. « Dans leur esprit, la copropriété n’est pas perçue comme une personne morale. »

Et les conséquences d’un défaut d’assurance peuvent être lourdes. Le syndicat des copropriétaires, en tant que personnalité juridique, peut être tenu pour responsable en cas de sinistre corporel grave. « Il pourrait être condamné à verser une rente ou à indemniser lourdement une victime, par exemple si un accident entraîne un handicap », prévient David Rodrigues.

Les montants peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions d’euros. Il cite l’exemple d’un ascenseur mal entretenu : « Si le câble cède, que la cabine chute de plusieurs étages et que la victime se retrouve en fauteuil roulant, la responsabilité du syndicat de copropriété peut être engagée de façon très lourde », illustre-t-il.

De plus en plus de mairies proposent des contrats conventionnés

Pour dissuader les ménages de prendre ce risque, plusieurs mairies ont décidé depuis peu de proposer un contrat d’assurance habitation conventionné.

Ces contrats permettent aux foyers les plus modestes d’accéder à des tarifs préférentiels et ainsi de compenser un peu la hausse de prix.

Après Paris, l’agglomération de Grenoble, Montreuil (Seine-Saint-Denis) Lille, Tourcoing (Nord) et Créteil, c’est Marseille qui va bientôt lancer son offre conventionnée.

« Le dispositif lancé par la municipalité marseillaise vise à proposer aux ménages modestes une assurance habitation de qualité et à un tarif réduit, grâce à une convention avec des assureurs qui respecte un cahier des charges strict », explique Patrick Amico.

Ce dispositif sera uniquement destiné aux personnes ayant un niveau de revenus inférieurs au plafond pour les logements sociaux financés avec le PLUS (Prêt locatif à usage social), c’est-à-dire 23 200 euros de revenu fiscal de référence par an pour une personne seule et 44 500 euros pour un couple avec deux enfants.

Le déploiement du dispositif se précise, indique l’adjoint au logement. L’appel à manifestation d’intérêt a été lancé début avril, sur la base d’un cahier des charges conçu par la municipalité. Les premières réponses des compagnies d’assurance, qui regroupent plusieurs assureurs de niveau national, sont arrivées début mai. « Elles sont actuellement en cours d’examen. La désignation du ou des assureurs retenus interviendra fin juin, lors d’un conseil municipal. »

« Une fois la convention signée, la mairie pourra commencer la phase de communication auprès des habitants », continue Patrick Amico.

Les contrats devraient coûter entre 10 et 30 % de moins que des contrats classiques multirisques habitation. En outre, les garanties dans le contrat devraient être supérieures, avec notamment des franchises plus importantes et un meilleur niveau de protection des biens et des personnes.

La mairie de Marseille n’est pas un assureur. Elle ne finance donc pas le dispositif mais permet d’obtenir des tarifs plus avantageux auprès des assureurs, en leur ouvrant des contrats à une large échelle et en s’engageant à bien communiquer sur le dispositif.

« Le critère prix est d’autant plus important qu’aujourd’hui à Marseille le montant moyen des assurances multirisques habitation est à peu près le double de la moyenne nationale », poursuit l’adjoint au logement.

« Et une des premières dépenses évitées par les ménages en situation précaire est de ne pas prendre d’assurance habitation », précise-t-il.

L’assurance pour compte, une méthode sous-utilisée

Outre les contrats d’assurance conventionnés avec une mairie, une autre solution existe : l’assurance pour compte. Elle permet au bailleur de souscrire une assurance habitation à la place du locataire lorsqu’il ne fournit pas d’attestation.

« Si cette démarche est prévue depuis la loi Alur de 2014, elle reste très peu utilisée », explique David Rodrigues.

Cette assurance couvre les risques liés au logement et sera facturée au locataire. En plus du coût de l’assurance, le bailleur peut demander une indemnité de 10 % pour compenser les démarches effectuées pour le compte du locataire.

« Certains bailleurs sociaux utilisent cette solution, souvent dans le cadre d’accords collectifs avec des filiales qui proposent une assurance à tarif réduit. Mais cette pratique va au-delà de la simple possibilité offerte par l’assurance pour compte », développe David Rodrigues.

Mais cette démarche reste peu répandue, en particulier dans le secteur privé diffus. « Pourtant, elle représente une solution efficace pour lutter contre l’absence de contrat d’assurance habitation », conclut-il.

D’une manière générale, si rien n’est fait pour freiner l’inflation des tarifs des assurances habitation, le nombre de ménages tentés de renoncer à ces contrats risque de s’accroître, avec tous les risques que cela comporte.

Sylvain Labaune

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