Difficile de
connaître les chiffres réels concernant les personnes en situation de handicap
en France tant le sujet est complexe et recouvre des réalités très différentes.
Néanmoins, une chose est sûre, le handicap concerne beaucoup plus de personnes
qu’on ne l’imagine, et notamment dans la catégorie des personnes en âge de
travailler.
Pour rappel, la
loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des
droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées a défini la notion de handicap ainsi :
« Constitue
un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou
restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement
par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou
définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales,
cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé
invalidant. »
Aujourd’hui, on
distingue cinq grandes familles de handicap : moteur, psychique, mental,
sensoriel, maladies invalidantes. En outre, 80 à 85 % des personnes handicapées seraient atteintes d’un handicap non
visible.
En pratique, les travailleurs handicapés peuvent donc souffrir de maux
très divers : de la personne en chaise roulante à celle victime d’une
dépression nerveuse en passant par les personnes souffrant d’insuffisance
rénale ou d’épilepsie. Ces personnes n’ont d’ailleurs pas toujours conscience qu’elles
souffrent d’un handicap qui leur ouvre des droits.
Une meilleure
intégration, enjeu des politiques gouvernementales
En parallèle, on constate que l’insertion sociale et professionnelle
des personnes présentant un handicap est depuis longtemps un enjeu des
politiques gouvernementales qui s’inscrit dans un contexte plus large, européen
et international. En France, la volonté est à mettre en œuvre une meilleure
intégration des personnes handicapées au sein de la société. C’est en tous cas
ce que laisse penser la réforme du système qui a été engagée.
Ainsi, la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 « pour la liberté de
choisir son avenir professionnel », entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2020, a réformé l’obligation d’emploi des
travailleurs handicapés afin de contraindre davantage les entreprises à
respecter leurs obligations.
Le taux d’emploi des personnes en situation de handicap n’a pas changé,
il reste fixé à 6 % de l’effectif de l’entreprise ; en revanche, la loi a
changé les modalités de calcul de ce dernier et a renforcé la sanction envers
les entreprises qui ne jouent pas le jeu de l’embauche et se contentent de
verser une contribution à l’AGEFIPH (Association de gestion du fonds pour
l’insertion des personnes handicapées).
Il est donc désormais impératif que les entreprises de plus de 20 salariés mette le sujet sur la table
pour déterminer les moyens qu’elles vont mettre en œuvre
afin d’être en règle avec la législation,
d’éviter des sanctions financières et plus largement, de faire changer les
mentalités sur le sujet.
L’embauche n’est
pas l’unique levier
Outre l’embauche qui reste la solution à privilégier mais qui n’est pas
toujours possible, l’employeur dispose d’autres leviers, à savoir :
• verser une contribution à l’Agefiph,
• mettre en œuvre un
programme d’action en faveur des personnes handicapées ;
• mettre en œuvre une
politique de maintien dans l’emploi ;
• inciter les salariés
présentant un handicap à se déclarer.
Naturellement, un panachage de ces différentes solutions est tout à fait
possible et même à privilégier.
D’ailleurs, concernant le versement d’une contribution à l’Agefiph, les employeurs n’ont pas intérêt à se contenter de cette solution. En
effet, s’ils ne font rien d’autre, la contribution à l’Agefiph pourra atteindre 1 500 fois le Smic horaire par bénéficiaire non employé (article
L. 5212-10 du Code du travail).
Pour rappel, la contribution annuelle est égale au produit du nombre de
travailleurs handicapés bénéficiaires de l’obligation d’emploi manquants
multiplié par :
• 400 fois le smic horaire brut pour les
entreprises de 20 à moins de 250 salariés ;
• 500 fois le smic horaire brut pour les
entreprises de 250 à moins de 750 salariés ;
• 600 fois smic horaire brut pour les
entreprises de 750 salariés et plus (article D. 5212-20 du Code du travail).
Exemples :
• une entreprise de 70 salariés doit embaucher 4 salariés handicapés. À défaut, elle paierait (en 2021) : 10,48x4x400 = 16 768 euros (hors modulation en vigueur de
2020 à 2024) ;
• une entreprise de 300 salariés doit embaucher 18 salariés handicapés. À défaut, elle paierait (2021) : 10,48x18x500 = 94 320 euros (hors modulation en vigueur de
2020 à 2024).
Le montant de la contribution peut notamment être diminué si
l’employeur justifie de dépenses supportées directement par l’entreprise et
destinées à favoriser l’accueil, l’insertion ou le maintien dans l’emploi des
travailleurs handicapés (article L. 5212-11 du Code du travail).
Les employeurs peuvent également appliquer un programme d’action
pluriannuel en faveur des personnes handicapées prévu par un accord de branche
ou d’entreprise ou de groupe agréé par l’administration pour une durée maximale
de trois ans qui pourra être renouvelé une fois (article L. 5212-8 du Code du travail).
Le montant du financement par l’employeur du programme pluriannuel est
au moins égal, par année, au montant de la contribution annuelle à l’AGEFIPH, à
l’exclusion des dépenses déductibles (article R. 5212-12 du Code du travail). Les employeurs n’auront donc pas la possibilité de faire des économies en
choisissant cette option.
L’employeur peut également mettre en place une politique de maintien
dans l’emploi.
Les handicaps peuvent en effet intervenir en cours de carrière, et dans
ce cas, il faut conduire une véritable réflexion sur l’organisation du travail
et la gestion des risques au sein de la société. Il faut également être
vigilant à bien mettre en œuvre les « aménagements dits raisonnables » au sens
de la directive 2000/78 /CE du Conseil du 27 novembre 2000 qui peuvent même conduire parfois à devoir réaffecter le salarié à un autre poste au sein de l’entreprise. La nouvelle loi sur la santé au travail (n° 2021-1018 du 2 août 2021) incite fortement les
entreprises à engager des démarches préventives.
Enfin, l’employeur peut également inciter les salariés en situation de
handicap à se déclarer voire parfois leur faire prendre conscience de leur
handicap.
En pratique, cela peut passer par des mesures assez évidentes comme
l’adaptation du poste de travail, l’aménagement des horaires, la mise à
disposition de matériel spécifique mais également par des mesures plus
recherchées comme la mise en place d’un numéro particulier permettant d’obtenir
tout type de conseils sur le handicap, un accompagnement dans les démarches de
reconnaissance au statut d’handicapé, l’organisation de défis au profit
d’associations soutenant les handicapés pour permettre d’aborder le sujet et
montrer son intérêt et sa bienveillance dans le domaine, etc.
Les employeurs ont donc un véritable choix dans les mesures à prendre
et doivent trouver la solution qui sera la bonne pour eux. Reste à former
les managers sur le sujet pour qu’ils soient en mesure de le gérer.
Guillaume Roland
Avocat associé
responsable du Pôle Social
Cabinet HERALD,
Membre du réseau ETELIO
Ondine Juillet,
Avocate collaboratrice
au sein du Pôle Social
Cabinet HERALD,
Membre du réseau ETELIO