Un rapport du ministère de la
Justice recense un bond de 77 % des infractions en sept ans, avec une très
large majorité de mis en cause masculins. Les 13-15 ans sont davantage
représentés, en particulier pour des faits d’exploitation sexuelle.
« Le sujet des
infractions sexuelles perpétrées par les personnes mineures est un phénomène
loin d’être marginal. » C’est ce que confirme un rapport du ministère
de la Justice paru juin dernier, qui révèle qu’en 2024, plus d’un mis en cause
sur quatre pour viol, et près d’un mis en cause sur trois pour agression
sexuelle étaient mineurs au moment des faits.
Des faits en augmentation,
comparativement à 2017, première année de référence dans le rapport, qui précise :
« Entre 2017 et 2024, le nombre de mis en cause dans une affaire
comportant au moins une infraction de violences sexuelles augmente fortement,
passant de 8 900 à 15 700. » Soit un bond de 77 % en sept
ans.
Au total, 92 100 mineurs
ont été mis en cause sur cette période pour des infractions sexuelles,
lesquelles sont classées par viol, agression sexuelle, exploitation sexuelle ou
encore violences sexuelles non physiques.
Des chiffres que la
Chancellerie explique par le contexte du mouvement « Me too » et la
libération de la parole des victimes, plus enclines désormais à signaler ces
faits, même plus antérieurs, aux services de police et de gendarmerie ainsi
qu’à la justice.
« Une réalité
fortement genrée »
Le rapport va un peu plus
loin et fait état du profil des mis en cause dans les affaires d’infraction
sexuelles. 93 % d’entre eux sont de jeunes garçons, et 7 % sont des filles
mineures.
Relayant le rapport sur les réseaux
sociaux, la magistrate et haute fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes
Charlotte Beluet décrypte là « une réalité fortement genrée » pour
chacune des quatre catégories entrant dans le champ des infractions sexuelles.
Dans les affaires de viols,
97 % des auteurs ou des mis en cause sont des hommes. Ils représentent
94 % des mis en cause dans les affaires d’agressions sexuelles et de
violences sexuelles non physiques.
Le rapport indique par
ailleurs que les 13-15 ans constituent la tranche d’âge la plus représentée pour
les infractions sexuelles (46 %) devant les 16-17 ans (24 %). Une
« prédominance » à mettre en perspective avec les régimes
juridiques très différents qui s’appliquent avant et après 13 ans, pointe le
ministère. Car un mineur ayant commis une série d’infractions sexuelles avant
et après ses 13 ans sera souvent jugé uniquement pour celles commises après ses
13 ans, « la réponse judiciaire pour les autres infractions étant
beaucoup plus limitée ».
De plus, la part des 13-15
ans est plus forte encore dans les faits d’exploitation sexuelle. Les violences
sexuelles non physiques sont la catégorie d’infraction pour laquelle la part
des 16-17 ans est la plus représentée (24 %).
« Plus de 7 mis en
cause sur 10 ont moins de 16 ans. Ce constat impose une action éducative et
préventive dès le plus jeune âge », estime la magistrate.
Exploitation sexuelle :
19 % des mis en cause sont des femmes
Et si les garçons sont
majoritaires dans toutes les catégories, « la présence des filles est
notable dans certaines formes d’exploitation sexuelle, notamment en lien avec
le proxénétisme », souligne Charlotte Beluet.
Les filles représentent en
effet 19 % des auteurs ou des mis en cause dans la catégorie de
l’exploitation sexuelle « du fait d’une forte représentation dans les
infractions liées au proxénétisme, où plus de quatre mis en cause sur dix sont
des femmes (43 %), et dans celles concernant la pédopornographie (21 %) », indique le ministère.
Elles ne pèsent par ailleurs
que 3 % des mis en cause pour les viols, « proportion la plus
faible observée », et leur poids s’avère légèrement plus élevé en ce
qui concerne les agressions sexuelles et les violences sexuelles (6 %).
Enfin, « seules 10 %
de femmes sont mises en cause pour la corruption de mineurs ».
Les agressions sexuelles,
première infraction commise
Selon les données du rapport,
« les viols constituent l’infraction la plus fréquente après les
agressions sexuelles » avec près de 32 000 et plus de 58 500
mis en cause sur la période 2017-2024.
Néanmoins, les faits de viols
ont bondi de 148 % entre l’année 2017 et 2024, quand les agressions
sexuelles affichent une hausse « plus modérée » de 47 %.
Près de 9 000 mineurs
ont été mis en cause pour exploitation sexuelle, et près de 3 000 pour
violences sexuelles non physique.
Fait notable également, dans
85 % des cas, les victimes de ces mineurs sont elles aussi mineures. Le
Sénat révélait déjà en 2022 une augmentation de 60 % des violences de
jeunes commises sur des mineurs entre 2016 et 2021.
Le ministère de la Justice ne
donne toutefois pas plus d’informations sur les victimes « compte tenu
des outils utilisés », précise Charlotte Beluet qui appelle à la
poursuite d’une mobilisation « coordonnée et continue », avec
notamment un engagement éducatif précoce mobilisant différents acteurs, dont
les écoles et la justice.
Près d’un tiers des mis en
cause sont condamnables
Sur les 92 102 personnes
mineures mises en cause pour au moins une infraction sexuelle, 56 572
n’ont pas pu être poursuivies faute d’infraction suffisamment caractérisée ou
du fait de l’irresponsabilité de l’auteur.
La réponse pénale est de
l’ordre de 92,2 % sur la période observée pour les 35 530 mineurs
restant, qui ont quant à eux été poursuivis, soit 39 % de la totalité de
cette catégorie. Parmi eux, 20 400 ont été poursuivis devant une
juridiction pour mineurs ou ont vu leur affaire transmise à un juge
d’instruction, et 12 400 ont vu leur affaire classée après une procédure
alternative réussie, détaille le rapport.
Ce dernier dénombre
10 794 condamnations entre 2017 et 2023, avec une majorité de peines pour
des agressions sexuelles (7 900), loin devant les viols (2 071),
l’exploitation sexuelle (728) et les violences sexuelles non physique (88).
Pour l’ensemble des condamnations sexuelles commises par les mineurs, « les
femmes ne représentent que 2 % des condamnations. »
Allison
Vaslin