Débattues depuis le début du mois de mai,
la proposition de loi sur l'aide à mourir et celle sur les soins palliatifs ont
été adoptées en séance publique mardi 27 mai au soir. Lors des débats, il a
notamment été reproché à l'autorisation de l'injection létale un risque de
contournement des difficultés d'accès aux soins palliatifs.
Les députés ont tranché. Au terme d’une
ultime séance, la proposition de loi visant à étendre les soins palliatifs (560
voix pour, 0 contre) et celle qui ouvre une « aide active à mourir
» (305 voix pour, 199 contre) ont été adoptées ce mardi 27 mai à l’Assemblée
nationale.
Encadrée en Belgique pour l'euthanasie
active, autorisée en Suisse pour le suicide assisté, l'aide à mourir pourrait donc
bientôt être légalisée en France. Pour mémoire, les débats parlementaires de
2024 sur la fin de vie souhaités par le gouvernement Attal avaient été
repoussés pour cause de dissolution de l'assemblée. Au total, sur les deux
textes, c'est plus de 3 400 amendements qui ont été discutés dans l'hémicycle
pendant près de 200 heures.
Un délit d’entrave à l’aide à mourir
Le nouveau
texte proposé prévoit l'administration
d'une substance létale sur le patient. Cette injection serait administrée soit
par le soignant dans le cas de l'euthanasie active, soit par le patient
lui-même dans le cas du suicide assisté. Cette proposition va donc plus loin
que la Loi Leonetti de 2005, qui autorisait l'arrêt des soins, et plus
loin encore que la loi Claeys-Leonetti de 2016 qui ajoutait la sédation
profonde.
Le texte de loi sur l'aide à mourir a
suscité de vifs débats concernant la dépénalisation du suicide assisté et de
l'euthanasie active vis-à-vis de la responsabilité des médecins et des
infirmiers qui le pratiqueront. Les députés sont allés au-delà de cette
légalisation de l'acte en pénalisant la seule tentative d'empêchement du
suicide assisté et de l'euthanasie active par le « délit d'entrave à
l'aide à mourir ».
Bien que le droit à cette aide s'adresse
à des patients en fin de vie, les rapporteurs ont déclaré s'être inspiré du
délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse. La création de cette
infraction n'a toutefois pas été soutenue par le gouvernement, et en
particulier par François Bayrou, qui a émis des doutes sur l'opportunité de ce
texte. Le délit d'incitation à l'aide à mourir, présenté dans la proposition
initiale, a été au contraire retiré du texte.
Autre point notable : le suicide
assisté ne concernera ni les patients incapables de s'exprimer à cause d'un
problème physique ni ceux atteints de troubles psychiques. Philippe Juvin,
médecin et député (Droite Républicaine), s'est vivement opposé à la proposition
de loi. « Le consentement est-il libre et éclairé, véritablement, quand
on est déficient mental, autiste, bipolaire, en prison, ou sous tutelle ? ».
Ce dernier préconisait aussi
l'intervention d'un juge pour contrôler la réalité du consentement du patient
placé sous mesure de protection afin d'éviter tout abus de faiblesse. Le texte
ne prévoit en effet le recours à un juge des contentieux de la protection qu'en
cas de doute ou de conflit.
Seront seules concernées par l'aide à
mourir les personnes atteintes d'une pathologie incurable et en phase avancée.
Si l'acte est envisagée ailleurs qu'à l'hôpital, le médecin aura l'obligation
d'informer le patient de son droit d'accéder aux soins palliatifs.
Un recours pour garantir l'accès aux
soins palliatifs
Pour que l'accès aux soins palliatifs
soit « effectif », selon Marie-Noelle Battistel (Socialistes et
apparentés), la loi débattue prévoit la création d'un recours en référé devant
le juge administratif contre les établissements de santé qui n'assureraient pas
la garantie d'accès aux soins palliatifs. Si le patient n'a pas la possibilité
d'exercer lui-même cette action urgente, elle pourra être intentée par la
personne de confiance qu'il aura désigné ou un proche, avec son accord.
Les députés ont aussi voté en faveur de
la création des maisons départementales d'accompagnement et de soins palliatifs
qui seront des établissements médico-sociaux d'assistance aux personnes « en
fin de vie dont l'état médical est stabilisé ». Ces termes ne sont pas
plus définis dans le texte qui vient d'être voté.
Si la loi Claeys-Leonetti dispose
que la décision d'arrêter les soins ne se prend qu'après l'avis formé par
l'équipe soignante, de son côté, la proposition de loi prévoit qu'une personne
de confiance et la famille du patient en fin de vie puissent participer aussi à
ce collège mais uniquement avec le consentement du malade.
Adoptée en première lecture, les deux
propositions de loi devront désormais être discutées au Sénat. Le député
Philippe Vigier (Les Démocrates) rappelait juste avant le vote solennel que la
loi Claeys-Leonetti avait été largement approuvée par l'Assemblée
nationale, puis complètement retoquée par la chambre haute. Finalement, cette
loi avait été adoptée par les deux assemblées en des termes très différents du
texte originel. « C'est un droit en plus, ce n'est pas un droit en
moins » a-t-il ajouté.
Les débats continueront donc sur
l'intérêt d'administrer, en plus de l'arrêt des soins et de la sédation
profonde, une substance mortelle.
Antonio
Desserre