JUSTICE

Pierre Lyon-Caen, magistrat engagé et cofondateur du Syndicat de la magistrature, est décédé

Pierre Lyon-Caen, magistrat engagé et cofondateur du Syndicat de la magistrature, est décédé
Pierre Lyon-Caen en juin 2021 lors d'un entretien avec l'AFHJ. © Capture AFHJ
Publié le 26/08/2025 à 16:51

Le Syndicat de la magistrature a annoncé lundi 25 août le décès d’un de ses fondateurs. Magistrat engagé, Pierre Lyon-Caen est mort à l’âge de 86 ans, le 23 août dernier. Directeur adjoint du cabinet du garde des Sceaux Robert Badinter, procureur de la République de Nanterre et avocat général à la chambre sociale de la Cour de cassation, il a œuvré pour préserver l’indépendance de la magistrature.

Le Syndicat de la magistrature (SM) a annoncé ce lundi le décès de Pierre Lyon-Caen, survenu le 23 août, à l’âge de 86 ans. Dans son communiqué, l’organisation rend hommage à l’un de ses pères-fondateurs : « Un homme de dialogue, d’une grande courtoisie, modéré dans son expression, mais très ferme sur ses convictions. »

Une famille de juristes

Né le 28 février 1939 à Paris, Pierre Lyon-Caen est issu d’une éminente famille de juristes : un père, François, et un frère, Arnaud, tous deux avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; un grand-père Léon (1877-1967), magistrat et Premier président de la Cour de cassation en 1945.

D’origine juive, Pierre Lyon-Caen est un « enfant caché » par ses grands-parents pendant l’occupation allemande. Son enfance est tragiquement marquée par la déportation de plusieurs membres de sa famille. Son père meurt au camp d’Auschwitz en 1944. « Des années, nous avons attendu et cru à son retour, dès que quelqu’un sonnait à la porte », confie-t-il dans un entretien donné à l’Association française pour l’histoire de la justice (AFHJ).

« Mes origines juives ont marqué mon enfance mais n’ont pas eu d’incidence sur ma vie professionnelle (Ndlr : contrairement à celle de son grand-père, Léon, qui sera exclu de la cour de Cassation parce que juif) ; je ne portais pas mes origines en bandoulière ».

 « Le poids du parquet » et la « solitude du juge »

A l’issue ses études de droit, Pierre Lyon-Caen est nommé magistrat à l’administration centrale. Lors de ses stages à l’ENM et pendant ses premières années d’exercice, le magistrat est frappé par « le poids du parquet » et « la solitude du juge ». En 1968, il fonde, avec d’autres auditeurs de justice, Dominique Charvet, Louis Joinet et Claude Parodi, le Syndicat de la magistrature. Il en est le vice-président puis le secrétaire général jusqu’en 1972.

« Si la magistrature ne veut pas perdre son âme, si elle veut trouver dans la nation la place qui lui revient, elle doit disposer d'une structure non institutionnelle pour exprimer librement son point de vue (…) dans les domaines concernant le fonctionnement de la justice et les libertés », écrit-il en 1981 dans la revue Pouvoir.

La création du syndicat marque le début de son engagement politique. Questionné sur la « magistrature de gauche » par l’AFHJ, Pierre Lyon-Caen affirme : « Je suis peut-être traditionaliste sur ce point, mais je considère que le juge doit être indépendant même vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis de ceux qui l'entourent. »

Lorsqu’il rejoint le cabinet de Robert Badinter en 1981, Pierre Lyon-Caen maintient « des échanges nourris, parfois opposés mais toujours construits avec le Syndicat de la magistrature », témoigne l’organisation.

Human Bomb, une affaire « douloureuse » dans la carrière du magistrat

Promu président du tribunal de grande instance de Pontoise en 1985, il est ensuite nommé procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre en 1990, où une affaire le marque : la prise d'otage de la maternelle de Neuilly.

En mai 1993, un homme portant une ceinture d’explosifs prend en otage 21 enfants âgés de 3 à 5 ans et une institutrice. Pierre Lyon-Caen est de ceux qui négocient, en improvisant pendant de longues heures, avec cet homme, cette « bombe humaine » – Human Bomb - pour tenter d'obtenir sa reddition et la libération des enfants. Au cours des négociations, et alors que plusieurs enfants ont été libérés, le RAID intervient sans prévenir le magistrat pour abattre le preneur d’otages.

« Ça a été pour moi une affaire extrêmement douloureuse », confiera-t-il. « Douloureuse, parce qu'on a peut-être tué quelqu'un qui pouvait s’en sortir vivant. C'était très risqué, parce qu'il était d'une dangerosité certaine. Le goût amer que j'ai eu, c'est justement que j'avais contribué à améliorer les choses pendant un certain temps, et que je n'ai pas pu aller jusqu'au bout de mon rôle. »

Pierre Lyon-Caen termine sa carrière à la Cour de cassation en tant qu’avocat général. « Son engagement continue après son départ en retraite puisqu’il a été membre actif de plusieurs organisations, ayant toutes pour objet la préservation de l’État de droit et des libertés », salue le Syndicat de la magistrature. Il est notamment membre de la Commission nationale consultative des droits de l'homme de 2009 à 2015.

Ses obsèques auront lieu le 5 septembre à 10h30 à la coupole du Père Lachaise.

Delphine Schiltz

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