JUSTICE

Mobilisation contre la loi Attal : « Incarcérer des mineurs ne fera qu’empirer la situation »

Mobilisation contre la loi Attal : « Incarcérer des mineurs ne fera qu’empirer la situation »
Publié le 05/05/2025 à 18:12

Lundi 5 mai, devant le tribunal judiciaire de Paris, la manifestation a rassemblé avocats, professionnels de la PJJ et magistrats. Depuis quelques semaines, ces derniers veulent rendre visible leur opposition à la loi proposition de loi Attal, qui projette de réformer la justice pénale des mineurs. Un texte que la profession qualifie de « répressif », voire « réactionnaire ». D’autres rassemblements ont eu lieu dans toute la France, à l’appel de plusieurs barreaux.

C’est en robe qu’ils se sont rassemblés devant le palais de justice, pancartes et banderole en main. Un vent froid fait flotter les drapeaux aux couleurs de plusieurs syndicats, dont la Fédération nationale des unions des jeunes avocats (FNUJA).

Les avocats du barreau de Paris, rejoints par certains de leurs confrères et consœurs d’Ile-de-France, protestent ce lundi 5 mai contre la proposition de loi émise par l’ancien Premier ministre Gabriel Attal et qui entend réformer la justice pénale des mineurs en renforçant les sanctions et en supprimant l’excuse de minorité. Un « projet de réforme qui menace les principes fondateurs de la justice des mineurs », précisait l’appel à mobilisation diffusé sur les réseaux sociaux.

Selon le barreau de Paris,  ce projet de réforme « menace les principes fondateurs de la justice des mineurs »

« Aujourd’hui, on se bat contre une loi inconstitutionnelle, tout simplement, explique Solène Debarre, avocate pénaliste et membre de l’antenne des mineurs du barreau de Paris. Un vrai danger menace les spécialités des juridictions de mineurs, et la frontière entre les mineurs et les adultes s’effrite. Les mineurs sont avant tout des adultes en formation. Leurs passages en détention sont souvent délétères. Incarcérer plus de mineurs ne fera qu’empirer la situation, alors qu’on sait que l’éducatif, l’implication des parents, préviennent la récidive. »

« Il n’y avait pas besoin de réforme, mais bien de moyens, complète Charlotte Tenehaus, avocate spécialisée en justice des mineurs. La loi Attal n’est pas une réponse à un besoin réel, mais à un sentiment, un mantra, celui d’une « justice laxiste ». Aujourd’hui, nous n’avons même pas d’étude sur les impacts du Code de justice pénale des mineurs (créé par Éric Dupond-Moretti et entré en vigueur en 2021, ndlr). Il aurait fallu une étude globale pour évaluer ses résultats. Mais on a préféré l’opinion publique et une opération de communication. »

« La délinquance vient avant tout d’un manque éducatif et d’un manque affectif »

Aux côtés des avocats, quelques magistrats – le Syndicat de la magistrature avait également appelé à se mobiliser contre le texte -, des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse, et également des représentants du monde associatif, comme l’association CDP-enfance, qui lutte contre la maltraitance des enfants et qui les assiste lors des procédures judiciaires.

Marie Fougères, administratrice de ce collectif et ancienne cheffe d’établissement, craint notamment les conséquences et « l’effet boule de neige » d’un tel texte, qui prévoit d’abaisser la majorité pénale : « Les neurosciences le prouvent : à 15, 16 ans, le cerveau est immature. Cette loi est tout simplement un déni de science. »

Pour la manifestante, la répression ne remplacera jamais le fait « d’investir dans l’éducation ». « Remettre un médecin scolaire dans chaque établissement, renforcer la présence d’infirmières et d’assistantes sociales… On a besoin de ces accompagnements. Aujourd’hui, il n’y a plus de suivi pour les enfants qui décrochent. La délinquance vient avant tout d’un manque éducatif et d’un manque affectif », poursuit l’ex-enseignante.

Un avis partagé par les représentants syndicaux de la PJJ. Cécile Rouibah, secrétaire régionale CGT PJJ-Justice Ile-de-France et Outre-Mer, dénonce une loi « répressive à l’encontre du développement de l’enfant, qui a besoin de temps pour se construire ».

« Si la loi passe, les audiences vont se multiplier et les incarcérations augmenter, craint l’éducatrice. Un enfant ne peut pas comprendre les sanctions. Tous les professionnels s’accordent pour dire que sans éducation, on n’obtient rien. Le terrain n’a pas été consulté, on ne nous écoute plus, au profit de textes pensés pour remporter des voix aux élections ».

Cécile Rouibah évoque elle aussi le Code de justice pénale des mineurs, dont les conséquences sur les agents du ministère de la Justice ont été directes, selon elle : « Les moyens n’ont pas suivi. On passe beaucoup moins de temps avec les mineurs et leurs familles. Il y a eu beaucoup de départs d’éducateurs, et une perte de sens générale se ressent dans notre profession. »

La secrétaire régionale s’interrompt pour lancer à un groupe d’adolescentes, intriguées par la manifestation : « Vous avez quel âge ? 16 ans ? C’est pour vous qu’on se bat ! Vous, qui pourrez peut-être bientôt aller en prison si vous volez une brosse à dents ! » « Merci, alors ! » répond une jeune fille.

Les débats sur le texte se poursuivent ce mardi 6 mai en commission mixte paritaire.

Mylène Hassany

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