Saisis d’une QPC émanant du
barreau de Rennes, les Sages ont considéré que les travaux parlementaires de la
loi initiale visaient à permettre un droit de visite sans distinction des lieux
de privation de liberté dans le cadre d’une procédure pénale ou administrative.
Le Conseil constitutionnel a
déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de l’article 719 du Code
de procédure pénale (CPP). Cet alinéa autorise députés, sénateurs,
représentants français au Parlement européen, ainsi que les bâtonniers depuis
le début de l’année 2022, à visiter plusieurs lieux de privation de liberté,
comme les locaux de garde à vue, de retenues douanières, de rétention
administrative, les zones d'attente, les établissements pénitentiaires et les
centres éducatifs fermés.
Mais cette liste n’inclut pas
les locaux de détention situés dans les tribunaux. Et le
barreau de Rennes en a fait les frais. Le 9 avril 2024, Catherine
Glon, alors bâtonnière de Rennes, souhaite accéder aux geôles du tribunal
judiciaire avec ses délégués. Mais le palais de justice lui refuse cet accès.
La bâtonnière saisit alors le tribunal administratif de Rennes d'un recours
pour excès de pouvoir, et demande également la transmission au Conseil d’État
d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour examiner l’article
719 du CPP.
Dans
sa décision du 7 novembre 2024, le tribunal accepte de
transmettre la QPC, rappelant que le Conseil constitutionnel ne s’est pas
encore prononcé sur cette question, et estimant que la question de la
bâtonnière sur l’atteinte potentielle au principe de sauvegarde de la dignité
humaine et le droit à la liberté d'expression et de communication revêt « un
caractère sérieux ». Une décision confirmée par le Conseil d’État, qui
transmet la question au Conseil constitutionnel le 29 janvier 2025.
Une différence de traitement sans
rapport avec l’objet de la loi
Dans sa décision, le Conseil
constitutionnel a expliqué qu’ « il ressort des travaux [parlementaires]
préparatoires de la loi du 15 juin 2000 (renforçant la protection de la
présomption d’innocence et les droits des victimes et qui a initié ces visites,
ndlr) que le législateur a entendu instaurer un droit de visite des lieux où
une personne est privée de liberté dans le cadre d’une procédure pénale ou
administrative » sans distinction, ce qui rend la différence de
traitement instituée selon le lieu de privation de liberté sans rapport avec
l’objet de la loi, et donc contraire à la Constitution.
Pour éviter de supprimer le
droit de visite des lieux de privation de liberté actuel, son abrogation a été
reportée au 30 avril 2026, le temps pour le législateur de mettre la loi en
conformité avec la Constitution.
Alexis
Duvauchelle