SOCIÉTÉ

Le Sénat fermement opposé à l’octroi d’un statut d’OPJ aux policiers municipaux

Le Sénat fermement opposé à l’octroi d’un statut d’OPJ aux policiers municipaux
Publié le 28/05/2025 à 21:47

Dans son rapport voté à l'unanimité par la Commission des lois ce 28 mai, le Sénat plaide pour une « extension limitée » des prérogatives judiciaires des policiers municipaux, en leur permettant notamment de prononcer des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) pour un nombre restreint d’infractions.

Dans le sillage du Beauvau des polices municipales, lancé en avril 2024, le Sénat vient de formuler 25 propositions, adoptées à l’unanimité par la Commission des lois ce 28 mai, « pour donner aux polices municipales les moyens de lutter contre l’insécurité du quotidien ». Parmi elles, plusieurs concernent une extension de leurs prérogatives judiciaires.

« Le statut juridique des policiers municipaux n’a pas changé depuis 1999, alors que la France a changé et que la police municipale, aujourd'hui, est quotidiennement présente dans les collectivités », rappelle la présidente de la Commission des lois, Muriel Jourda.

Le nombre de policiers municipaux a connu une forte progression au cours de la dernière décennie : plus 28 000 agents en 2023, soit une hausse de 45 % depuis 2012. « Cette hausse devrait se confirmer avec la volonté des maires de recruter 11 000 agents supplémentaires d’ici aux élections municipales de 2026 », indique le rapport.

Développement accru des polices municipales, mais aussi « durcissement du contexte sécuritaire » et « montée en puissance de la délinquance du quotidien », … C’est dans ce contexte que la mission d’information plaide pour une mise à niveau des prérogatives répressives des polices municipales. « Qui doivent rester sous la responsabilité du maire  », insiste la rapporteure LR, Jacqueline Eustache-Brinio.

Maire-police municipale, un lien sacré ?

« Le lien maire-police municipale est quelque chose auquel on ne doit jamais toucher », assène encore la sénatrice. Au nom de ce sacro-saint principe, qui répond aux attentes des édiles largement consultés pendant la mission, le Sénat se dit fermement opposé à l’octroi d’un statut d’officier de police judiciaire (OPJ) aux policiers municipaux.

« Au plan opérationnel, la police judiciaire implique un travail d’enquête assorti de lourdes exigences procédurales, qui aurait pour effet de détourner les agents de la voie publique. Au plan politique, surtout, une telle évolution imposerait de les placer de façon accrue sous la direction du procureur de la République, en substitution du maire », estime la Commission des lois.

L’association des maires de France (AMF), elle, avait plaidé pour un droit d'option, c'est-à-dire qu'il revienne exclusivement au maire et au conseil municipal de décider ou non de placer les policiers municipaux sous l'autorité du procureur pour l'exercice de ces compétences judiciaires.

Des amendes forfaitaires délictuelles très encadrées

Pour autant, le Sénat recommande d’élargir les compétences des policiers municipaux, et ce, en leur permettant de prononcer des amendes forfaitaires délictuelles (AFD). Cette faculté serait « rigoureusement encadrée » et « limitée à un nombre restreint d’infractions caractéristiques de la délinquance du quotidien », comme l’usage de stupéfiants, la vente à la sauvette et l’occupation illicite de halls d’immeuble.

« Une police municipale qui constate de la vente à la sauvette, pour du tabac ou de petits objets vendus au pied de la tour Eiffel par exemple, doit faire appel à un OPJ. Le temps que la police arrive, le suspect est parti. C'est une mesure de bon sens », estime la rapporteure.

Auditionné dans le cadre de la mission d’information le 21 mai, le ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur François-Noël Buffet, porteur du projet de loi de réforme de la police municipale attendu pour juin, a rappelé que le recours aux AFD impliquait néanmoins, au regard du droit en vigueur, de rester placée « sous le contrôle du procureur de la République », invoquant la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Par le passé, les Sages ont déjà censuré des tentatives d’élargissement de prérogatives des polices municipales parce qu’elles attribuaient un pouvoir trop large et insuffisamment encadré aux agents, a averti le ministre. Un argument que le Sénat retient visiblement en recommandant d'identifier précisément dans la loi les compétences judiciaires qui pourraient être attribuées aux policiers municipaux.

Relevé d’identité et fichiers de police

Pour des questions « d’efficacité sur le terrain », le rapport décline aussi des prérogatives supplémentaires, comme l’accès à des fichiers « du quotidien » et notamment les fichiers des voitures volées, des permis de conduire ou des assurances.

Les fichiers comme le traitement des antécédents judiciaires (TAJ), le fichier des personnes recherchées (FPR) ou encore le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) sont jugés « trop sensibles » pour les rendre pleinement accessibles.

Toutefois, la Commission des lois estime qu’ « une réflexion pourrait être menée » en vue d’envisager un accès partiel et strictement encadré à une partie des informations contenues dans le FPR pour des missions spécifiques, comme les interdictions de séjour ou les disparitions de mineur ; à des informations contenues dans le TAJ s’agissant du dispositif d’AFD pour un état de récidive.

De même, le Sénat préconise d’élargir les possibilités pour les agents de procéder à des relevés d’identité, « aujourd’hui extrêmement restreintes ». « Le régime en vigueur, qui conduit à autoriser un policier municipal à relever l’identité d’une personne coupable de tapage nocturne, mais pas de l’auteur d’un crime ou d’un délit flagrant, n’est en effet guère satisfaisant », note le rapport.

Nouvelles prérogatives administratives

À noter que la mission d’information propose aussi d’étendre les prérogatives administratives des polices municipales, « sans remettre en cause les fondamentaux de la répartition des rôles et des compétences entre elles et la police nationale ». 

Le rapport recommande en premier lieu de permettre aux policiers municipaux « dans des conditions strictement définies », de procéder à des inspections visuelles de véhicules et de coffres, ce qui leur est aujourd’hui interdit, mais aussi à des saisies d’objets dangereux.

Delphine Schiltz

0 commentaire
Poster
OPJ

Nos derniers articles