POLITIQUE

Maîtrise de l’immigration, hausse du SMIC, taxation des plus fortunés… Quelles sont les ambitions de Michel Barnier pour la France ?

Maîtrise de l’immigration, hausse du SMIC, taxation des plus fortunés… Quelles sont les ambitions de Michel Barnier pour la France ?
Publié le 01/10/2024 à 19:30

Au fil de son discours de politique générale déroulé dans une ambiance houleuse devant l’Assemblée nationale ce mardi 1er octobre, le Premier ministre a annoncé qu’il voulait ramener le déficit à 5 % du PIB. « Nous sommes collectivement sur une ligne de crête », a-t-il alerté.

« Faire peu avec presque rien, pour répondre aux attentes des Français » : c’est sous ce signe que Michel Barnier a prononcé son très attendu discours de politique générale ce mardi 1er octobre devant l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Pendant plus d'1h30, accompagné de ses ministres, Michel Barnier, qui a rappelé avoir été nommé « depuis 26 jours », a exposé les grandes lignes de sa « feuille de route pour les deux années et demie à venir ».

« La véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale »

Lors de ce début de session troublée par des interruptions, notamment par les actions de certains députés de La France Insoumise brandissant leurs cartes d’électeurs, Michel Barnier a ouvert son discours en rappelant qu’il était pleinement conscient de « la gravité et de l’importance de ce moment pour notre action commune au service du pays et pour les Français qui nous regardent et qui nous écoutent ». Entrant directement dans le vif du sujet, il a déclaré : « Nous sommes collectivement sur une ligne de crête », avant de souligner que la France, « forte, riche de son histoire, de son innovation, de son patrimoine », reste capable de s’unir face aux défis.

Le Premier ministre a ensuite évoqué une « double exigence » : celle de la réduction des dettes budgétaire et écologique, exhortant les 577 députés à « regarder la vérité en face », tandis que le déficit public est attendu à 6 % cette année. Michel Barnier l’a souligné, la dette financière est une « véritable épée de Damoclès » qui s’élève aujourd’hui à 3 228 milliards d’euros et risque de peser lourdement sur les générations futures si des mesures ne sont pas prises rapidement. Une déclaration qui n’a pas manqué de susciter des réactions parmi les députés, certains applaudissant ironiquement en criant « Bravo Macron ! ».

L’objectif annoncé est de réduire le déficit à 5 % d’ici 2025, avec un retour sous les 3 % d’ici 2029. Selon lui, le premier remède est la réduction des dépenses, précisant que « nous ne pouvons pas dépenser plus, mais nous allons dépenser mieux ». Sur le plan fiscal, Michel Barnier a insisté sur la nécessité d’un effort partagé, appelant les grandes entreprises à contribuer au redressement collectif, tout en annonçant une « contribution exceptionnelle pour les Français les plus fortunés ». Le chef du gouvernement a également promis une lutte résolue contre la fraude fiscale et sociale, y compris la sécurisation des cartes vitales pour éviter les fraudes aux allocations.

Enfin, le Premier ministre a insisté sur la dette écologique, la qualifiant de seconde « épée de Damoclès », et affirmé qu’il ne fallait « jamais sacrifier l’avenir au présent ». Michel Barnier a notamment dressé une liste des investissements à venir en la matière, tant sur le nucléaire que dans les énergies renouvelables, avec un accent particulier sur la biomasse pour décarboner la production de chaleur et de gaz, ainsi que sur le développement des biocarburants pour l’aviation.

« Cinq grands chantiers prioritaires »

Après quarante-cinq minutes de discours, le Premier ministre s’est attelé à détailler ses « cinq grands chantiers prioritaires » pour redonner espoir aux Français. Le premier sera ainsi consacré au « niveau de vie des Français », avec une « amélioration » dès l'année prochaine, notamment grâce à la revalorisation du SMIC « de 2 % dès le 1?? novembre ». Michel Barnier a également dénoncé la situation de certaines branches professionnelles où les minima sont inférieurs au SMIC, promettant des négociations rapides. Il a annoncé que le gouvernement « encourager[ait] une meilleure mobilisation de l’épargne des Français » pour soutenir l'industrie, avec un nouveau livret d’épargne dédié.

Concernant l'immobilier, autre grande priorité annoncée, le chef du gouvernement s'est entre autres déclaré favorable à l'extension du prêt à taux zéro pour les primo-accédants et à une plus grande liberté des maires pour l'attribution des logements sociaux.

La question du monde agricole, en pleine crise, figure elle aussi au titre des urgences, selon Michel Barnier. Ce dernier a insisté sur la nécessité de soutenir les agriculteurs en renforçant la transparence sur les marges de la grande distribution et en encourageant des contrats tripartites.

 Côté santé, le Premier ministre a fait la promesse de lutter contre les déserts médicaux et la pénurie de soignants - vieux serpent de mer -, notamment par l'ouverture de « 15 000 postes d’internes » en 2025. Un « nouveau programme Hippocrate » a été annoncé, qui devra permettre aux internes de s'engager à exercer dans les territoires manquant de médecins. Le premier ministre a en outre déclaré que la santé mentale serait la « grande cause nationale de l’année 2025 », et appelé à une meilleure prévention et à l'intensification des dépistages.

Enfin, l'éducation « restera [la] priorité », avec un engagement à améliorer l'accessibilité des élèves en situation de handicap, à lutter contre le harcèlement, et à développer le service public de la petite enfance. Michel Barnier a également évoqué le renforcement de l'attractivité de la profession d’enseignant, notamment en appelant des professeurs et médecins retraités à participer bénévolement face à l'urgence de la situation.

La généralisation de la vidéosurveillance algorithmique

S’agissant de la sécurité, un thème très attendu, Michel Barnier a annoncé « la généralisation de la méthode expérimentée pendant les Jeux olympiques et paralympiques », soit la vidéosurveillance algorithmique, avec un plan d’action déployé dans chaque département sous l’autorité des préfets et des procureurs, en collaboration avec la police nationale et les polices municipales.

Le chef du gouvernement a également exprimé sa volonté de créer de nouveaux établissements pour courtes peines afin de répondre à la surpopulation carcérale, et a donné son aval pour une procédure de comparution immédiate pour les mineurs délinquants de plus de 16 ans.

Sur le sujet de l’immigration, lui aussi particulièrement d’actualité, le Premier ministre a souligné la nécessité d’aborder la question « avec pragmatisme » car la France « ne contrôle plus son immigration ». Quelques jours après le meurtre de la jeune Philippine et l’arrestation d’un Marocain de 22 ans sous OQTF, suspecté d’être l’auteur de ce crime, le Premier ministre a déploré que, malgré plus de 100 000 obligations de quitter le territoire prononcées, de nombreux migrants en situation irrégulière restent en France. Michel Barnier a annoncé que son gouvernement travaillerait à un traitement plus efficace des demandes d’asile et a souhaité faciliter la prolongation exceptionnelle de la rétention pour les étrangers en situation irrégulière.

En ce qui concerne la situation au Proche-Orient, Michel Barnier, en accord avec les derniers discours d’Emmanuel Macron, a de nouveau appelé à un cessez-le-feu à Gaza, exprimant sa pensée pour tous les otages, y compris les compatriotes français, ainsi que pour les victimes civiles palestiniennes. Le chef du gouvernement a réaffirmé que la clé de la paix dans la région repose sur une solution « à deux États ».

Sur le Liban, le Premier ministre a souhaité vouloir mettre fin aux hostilités qui menacent la stabilité de la région et a souligné la nécessité de poursuivre les efforts de défense, en référence à la loi de programmation militaire pour 2024-2030.

La reprise des débats sur de nombreux projets de lois

Le Premier ministre a par ailleurs souligné son souhait qu'il y ait « moins de textes et plus de temps pour en débattre », appelant également à un « partage de l'ordre du jour » entre l'exécutif et l'Assemblée. « Nous écouterons et nous respecterons chacune et chacun d’entre vous, même si ce respect n’est pas toujours réciproque », a-t-il ajouté, se tournant vers les députés de l’extrême gauche. Il a ensuite déclaré être « prêt » à envisager une réflexion et une action sans idéologie concernant le scrutin proportionnel, déjà adopté dans certains pays voisins.

Michel Barnier a également lancé un appel à « reprendre le dialogue » concernant la réforme des retraites : « Il est impératif de préserver l’équilibre durable de nos systèmes de retraite par répartition », a-t-il martelé. Et de préciser que « certaines limites de la loi votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées », en évoquant des thématiques essentielles telles que la retraite progressive, l’usure professionnelle et l’égalité entre les femmes et les hommes face à leur retraite, qui « méritent mieux que des fins de non-recevoir sur ces sujets ». Le chef du gouvernement a notamment proposé aux partenaires sociaux de réfléchir à des « aménagements raisonnables et justes » de la loi.

Par ailleurs, le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et à la fin de vie, dont l’examen avait été interrompu par la dissolution annoncée par Emmanuel Macron le 9 juin, a également été remis sur la table. Michel Barnier a assuré qu'il « reprendra[it] le dialogue avec [les députés], avec le Sénat, avec les soignants et les associations en début d’année prochaine » à ce sujet. Il a également ajouté que « sans attendre, [les] efforts en faveur du développement des soins palliatifs ser[aient] renforcés en 2025 ».

 « Prenons soin de la République. Elle est fragile. Prenons soin de l’Europe, elle est nécessaire. Et prenons soins des Français, ils méritent notre engagement » a lancé le Premier ministre aux députés pour conclure cette série d’annonces.

Romain Tardino

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