Au fil de son discours de
politique générale déroulé dans une ambiance houleuse devant l’Assemblée
nationale ce mardi 1er octobre, le Premier ministre a annoncé qu’il voulait
ramener le déficit à 5 % du PIB. « Nous sommes collectivement sur une ligne
de crête », a-t-il alerté.
« Faire peu avec presque
rien, pour répondre aux attentes des Français » : c’est sous ce signe que
Michel Barnier a prononcé son très attendu discours de politique générale ce
mardi 1er octobre devant l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Pendant plus
d'1h30, accompagné de ses ministres, Michel Barnier, qui a rappelé avoir été
nommé « depuis 26 jours », a exposé les grandes lignes de sa «
feuille de route pour les deux années et demie à venir ».
« La véritable épée de
Damoclès, c’est notre dette financière colossale »
Lors de ce début de session troublée
par des interruptions, notamment par les actions de certains députés de La
France Insoumise brandissant leurs cartes d’électeurs, Michel Barnier a ouvert
son discours en rappelant qu’il était pleinement conscient de « la gravité
et de l’importance de ce moment pour notre action commune au service du pays et
pour les Français qui nous regardent et qui nous écoutent ». Entrant
directement dans le vif du sujet, il a déclaré : « Nous sommes
collectivement sur une ligne de crête », avant de souligner que la France,
« forte, riche de son histoire, de son innovation, de son patrimoine »,
reste capable de s’unir face aux défis.
Le Premier ministre a ensuite
évoqué une « double exigence » : celle de la réduction des dettes
budgétaire et écologique, exhortant les 577 députés à « regarder la vérité
en face », tandis que le déficit public est attendu à 6 % cette année. Michel
Barnier l’a souligné, la dette financière est une « véritable épée de
Damoclès » qui s’élève aujourd’hui à 3 228 milliards d’euros et risque de
peser lourdement sur les générations futures si des mesures ne sont pas prises
rapidement. Une déclaration qui n’a pas manqué de susciter des réactions parmi
les députés, certains applaudissant ironiquement en criant « Bravo
Macron ! ».
L’objectif annoncé est de
réduire le déficit à 5 % d’ici 2025, avec un retour sous les 3 % d’ici 2029.
Selon lui, le premier remède est la réduction des dépenses, précisant que « nous
ne pouvons pas dépenser plus, mais nous allons dépenser mieux ». Sur le
plan fiscal, Michel Barnier a insisté sur la nécessité d’un effort partagé,
appelant les grandes entreprises à contribuer au redressement collectif, tout
en annonçant une « contribution exceptionnelle pour les Français les plus
fortunés ». Le chef du gouvernement a également promis une lutte résolue
contre la fraude fiscale et sociale, y compris la sécurisation des cartes
vitales pour éviter les fraudes aux allocations.
Enfin, le Premier ministre a
insisté sur la dette écologique, la qualifiant de seconde « épée de Damoclès
», et affirmé qu’il ne fallait « jamais sacrifier l’avenir au présent ».
Michel Barnier a notamment dressé une liste des investissements à venir en la
matière, tant sur le nucléaire que dans les énergies renouvelables, avec un
accent particulier sur la biomasse pour décarboner la production de chaleur et
de gaz, ainsi que sur le développement des biocarburants pour l’aviation.
« Cinq grands
chantiers prioritaires »
Après quarante-cinq minutes
de discours, le Premier ministre s’est attelé à détailler ses « cinq grands
chantiers prioritaires » pour redonner espoir aux Français. Le premier sera
ainsi consacré au « niveau de vie des Français », avec une « amélioration »
dès l'année prochaine, notamment grâce à la revalorisation du SMIC « de 2 %
dès le 1?? novembre ». Michel Barnier a également dénoncé la situation de
certaines branches professionnelles où les minima sont inférieurs au SMIC,
promettant des négociations rapides. Il a annoncé que le gouvernement « encourager[ait]
une meilleure mobilisation de l’épargne des Français » pour soutenir
l'industrie, avec un nouveau livret d’épargne dédié.
Concernant l'immobilier, autre
grande priorité annoncée, le chef du gouvernement s'est entre autres déclaré
favorable à l'extension du prêt à taux zéro pour les primo-accédants et à une plus
grande liberté des maires pour l'attribution des logements sociaux.
La question du monde
agricole, en pleine crise, figure elle aussi au titre des urgences, selon Michel
Barnier. Ce dernier a insisté sur la nécessité de soutenir les agriculteurs en
renforçant la transparence sur les marges de la grande distribution et en
encourageant des contrats tripartites.
Côté santé, le Premier
ministre a fait la promesse de lutter contre les déserts médicaux et la pénurie
de soignants - vieux serpent de mer -, notamment par l'ouverture de « 15 000
postes d’internes » en 2025. Un « nouveau programme Hippocrate » a
été annoncé, qui devra permettre aux internes de s'engager à exercer dans les
territoires manquant de médecins. Le premier ministre a en outre déclaré que la
santé mentale serait la « grande cause nationale de l’année 2025 », et
appelé à une meilleure prévention et à l'intensification des dépistages.
Enfin, l'éducation « restera
[la] priorité », avec un engagement à améliorer l'accessibilité des élèves
en situation de handicap, à lutter contre le harcèlement, et à développer le
service public de la petite enfance. Michel Barnier a également évoqué le
renforcement de l'attractivité de la profession d’enseignant, notamment en
appelant des professeurs et médecins retraités à participer bénévolement face à
l'urgence de la situation.
La généralisation de la
vidéosurveillance algorithmique
S’agissant de la sécurité, un
thème très attendu, Michel Barnier a annoncé « la généralisation de la
méthode expérimentée pendant les Jeux olympiques et paralympiques », soit
la vidéosurveillance algorithmique, avec un plan d’action déployé dans chaque
département sous l’autorité des préfets et des procureurs, en collaboration
avec la police nationale et les polices municipales.
Le chef du gouvernement a
également exprimé sa volonté de créer de nouveaux établissements pour courtes
peines afin de répondre à la surpopulation carcérale, et a donné son aval pour une
procédure de comparution immédiate pour les mineurs délinquants de plus de 16
ans.
Sur le sujet de
l’immigration, lui aussi particulièrement d’actualité, le Premier ministre a
souligné la nécessité d’aborder la question « avec pragmatisme » car la
France « ne contrôle plus son immigration ». Quelques jours
après le meurtre de la jeune Philippine et l’arrestation d’un Marocain de 22
ans sous OQTF, suspecté d’être l’auteur de ce crime, le Premier ministre a
déploré que, malgré plus de 100 000 obligations de quitter le territoire
prononcées, de nombreux migrants en situation irrégulière restent en France. Michel
Barnier a annoncé que son gouvernement travaillerait à un traitement plus
efficace des demandes d’asile et a souhaité faciliter la prolongation
exceptionnelle de la rétention pour les étrangers en situation irrégulière.
En ce qui concerne la
situation au Proche-Orient, Michel Barnier, en accord avec les derniers
discours d’Emmanuel Macron, a de nouveau appelé à un cessez-le-feu à Gaza,
exprimant sa pensée pour tous les otages, y compris les compatriotes français,
ainsi que pour les victimes civiles palestiniennes. Le chef du gouvernement a
réaffirmé que la clé de la paix dans la région repose sur une solution « à
deux États ».
Sur le Liban, le Premier
ministre a souhaité vouloir mettre fin aux hostilités qui menacent la stabilité
de la région et a souligné la nécessité de poursuivre les efforts de défense,
en référence à la loi de programmation militaire pour 2024-2030.
La reprise des débats sur de
nombreux projets de lois
Le Premier ministre a par
ailleurs souligné son souhait qu'il y ait « moins de textes et plus de temps
pour en débattre », appelant également à un « partage de l'ordre du jour
» entre l'exécutif et l'Assemblée. « Nous écouterons et nous respecterons
chacune et chacun d’entre vous, même si ce respect n’est pas toujours
réciproque », a-t-il ajouté, se tournant vers les députés de l’extrême
gauche. Il a ensuite déclaré être « prêt » à envisager une réflexion et
une action sans idéologie concernant le scrutin proportionnel, déjà adopté dans
certains pays voisins.
Michel Barnier a également lancé
un appel à « reprendre le dialogue » concernant la réforme des retraites :
« Il est impératif de préserver l’équilibre durable de nos systèmes de
retraite par répartition », a-t-il martelé. Et de préciser que « certaines
limites de la loi votée le 15 avril 2023 peuvent
être corrigées », en évoquant des thématiques essentielles telles que la
retraite progressive, l’usure professionnelle et l’égalité entre les femmes et
les hommes face à leur retraite, qui « méritent mieux que des fins de
non-recevoir sur ces sujets ». Le chef du gouvernement a notamment proposé
aux partenaires sociaux de réfléchir à des « aménagements raisonnables et
justes » de la loi.
Par ailleurs, le projet de
loi relatif à l’accompagnement des malades et à la fin de vie, dont l’examen
avait été interrompu par la dissolution annoncée par Emmanuel Macron le 9 juin,
a également été remis sur la table. Michel Barnier a assuré qu'il « reprendra[it]
le dialogue avec [les députés], avec le Sénat, avec les soignants et les
associations en début d’année prochaine » à ce sujet. Il a également ajouté
que « sans attendre, [les] efforts en faveur du développement des soins
palliatifs ser[aient] renforcés en 2025 ».
« Prenons soin de la République. Elle est
fragile. Prenons soin de l’Europe, elle est nécessaire. Et prenons soins des
Français, ils méritent notre engagement » a lancé le Premier ministre aux
députés pour conclure cette série d’annonces.
Romain
Tardino